Après une journée rythmée par l’école, les devoirs et une activité extrascolaire, les enfants débordent encore d’énergie. C’est tout l’inverse de leurs aînés exténués à l’idée de mener l’ultime combat de la journée: imposer un couvre-feu strict à toute la smala. Du coup, les règles sont si coulantes que l’heure du coucher devient aléatoire. C’est certes plus commode sur le plan relationnel, mais c’est contraire au bon fonctionnement du sommeil.
En effet, la régularité est une composante essentielle, aussi bien chez les adultes que chez les enfants. On devrait donc, dans l’idéal, se coucher et se lever à la même heure tous les jours. «Il est particulièrement important que l’heure du lever varie peu, la semaine comme le week-end. Car si l’enfant se couche tard et fait des grasses matinées le samedi et le dimanche, il n’aura pas sommeil le soir et sera fatigué le lundi au réveil», illustre Raphaël Heinzer, médecin chef au Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du CHUV.
Décalage à éviter
L’heure du réveil est essentielle pour une raison évidente: elle est maîtrisable contrairement à l’endormissement qui ne peut pas être forcé. C’est donc le matin que l’on recale l’horloge interne et non le soir. Les parents doivent-ils pour autant se montrer psychorigides? «Si un enfant ou un ado doit se lever à 6h30 la semaine, on ne va pas lui imposer le même horaire le week-end. Mais, idéalement, le décalage ne devrait pas excéder une, voire deux heures», expose Tifenn Raffray, directrice du Centre du sommeil de Florimont, à Lausanne.
C’est d’autant plus important pour les adolescents qu’ils subissent un décalage de leur horloge biologique en raison de modifications physiologiques. On connaît tous leur forme éblouissante, en soirée, et leur peine à s’extirper des bras de Morphée au petit matin… Ce qui fait dire aux spécialistes que les horaires scolaires imposés aux ados suisses sont une aberration qui va à l’encontre de leur rythme biologique (lire encadré).
Réveil imposé…
Quoi qu’il en soit, les grasses matinées du week-end sont des ennemies du sommeil, au même titre que les siestes qui dépassent une quinzaine de minutes. Cette règle doit néanmoins être abordée avec bon sens: «Si l’ado n’a aucune peine à s’endormir et qu’il se lève facilement durant la semaine, il n’y a aucune raison de lui couper une grasse matinée», pondère Tifenn Raffray.
Le raisonnement suit la même logique à la fin des périodes de vacances. Pour éviter que la transition soit brutale, il est vivement recommandé d’inciter junior à se lever progressivement plus tôt quelques jours avant la reprise des cours. C’est une manière de l’aider à recaler son horloge interne en douceur sur le rythme scolaire.
Des besoins hétéroclites
Si la régularité est une clé essentielle, on sait que le nombre d’heures de sommeil est lui aussi capital. Des tabelles et des graphiques donnent une idée de ce qui est nécessaire en fonction de l’âge (voir infographie). Il s’agit néanmoins de valeurs indicatives, sachant que les besoins diffèrent d’un individu à un autre.
Ce qui importe, c’est que les parents puissent repérer les signes trahissant un manque de sommeil. Or, les jeunes enfants ne l’expriment pas comme les adultes. «Chez eux, c’est souvent l’inverse qui se produit, avec un état d’excitation, une incapacité à se concentrer, voire une hyperactivité. Mais la difficulté à se réveiller le matin reste assez commune à tous les individus», expose Raphaël Heinzer. Les adolescents, pour leur part, ont des symptômes assez semblables aux adultes, avec une tendance à la somnolence et des problèmes de concentration.
Au-delà des répercussions visibles, le manque de sommeil a un impact aussi bien cérébral que cognitif. On sait, par exemple, que la mémoire s’améliore et se consolide lorsqu’on dort, tout comme le système immunitaire. C’est également pendant le sommeil profond que l’hormone de croissance est sécrétée, laissant supposer une probable influence sur la croissance. Et chez les ados, une privation de sommeil provoque une perturbation hormonale qui peut se traduire par une prise de poids.
Satanés écrans!
En théorie, il suffirait donc d’établir un rythme régulier et des heures en suffisance pour que les chérubins dorment bien et assez. Mais dans les faits, cette discipline ne s’arrête pas à un simple cadrage temporel. Il est indispensable de supprimer tout ce qui plombe le sommeil avant d’aller se coucher. On pense à la prise de boissons à base de caféine ou de théine (café, thé, coca, ice tea, energy drinks, etc.) ou aux activités stimulantes. Mais les pires ennemis restent les écrans – tablettes et smartphones en tête – qu’il faut éteindre une heure au moins avant de se coucher.
Yves-Noël Grin
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Horaires scolaires: un non-sens
Le dérèglement de l’horloge interne, à l’adolescence, a des conséquences évidentes sur les bancs d’école: les jeunes somnolent au cours des premières heures de cours et peinent à se concentrer. Une donnée dont les horaires scolaires ne tiennent absolument pas compte: les tout-petits – qui n’ont pas ce problème de décalage – commencent l’école vers 8 h 30, voire 9 h, alors que les plus grands doivent souvent être opérationnels vers 7 h 30. «C’est une aberration totale d’un point de vue biologique!» déplore Tifenn Raffray, directrice du Centre du sommeil de Florimont, à Lausanne.
Cet avis est conforté par plusieurs études qui ont montré que les résultats scolaires des ados sont meilleurs lorsqu’ils commencent plus tard. «On sait que, en repoussant d’une heure le début des cours, les ados sont plus concentrés, plus performants à l’école et moins impulsifs», ajoute Raphaël Heinzer, médecin chef au Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du CHUV. Et, cerise sur le gâteau, ils dorment en moyenne davantage durant la semaine: «contrairement à ce que prétendent les défenseurs du statu quo, les études ont montré que ce n’est pas parce que les ados se lèvent plus tard qu’ils se couchent plus tard!»