Si vous voyez apparaître des points, des taches, des anneaux ou des filaments noirs ou grisâtres dans votre champ de vision, vous avez ce que l’on appelle des «corps flottants». Ces formes sombres plus ou moins définies se promènent, comme suspendues dans l’air, lorsqu’on bouge l’œil. Elles sont surtout visibles devant des surfaces claires, comme un mur blanc, un ciel bleu ou un écran d’ordinateur.
Une question d’âge
«C’est une atteinte extrêmement fréquente, qui augmente avec l’âge et touche un tiers des gens à partir de 45-50 ans, note Thomas J. Wolfensberger, directeur médical et chef de service à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne. L’apparition de mouches volantes suscite souvent de l’inquiétude, mais elle ne présente généralement aucune gravité (lire encadré). Le phénomène trouve son origine dans la modification du corps vitré. Cette masse gélatineuse transparente, qui remplit l’œil, est composée à 98% de liquide et à 2% de fibres de collagène. Avec l’âge, elle se décolle de la rétine, et se tasse. Les fibres de collagène ont alors tendance à se coller les unes aux autres, jusqu’à former des formes noirâtres que la rétine va percevoir.
Si le phénomène est commun après 45 ans, il peut aussi apparaître chez des sujets plus jeunes, principalement les personnes myopes vers 30-35 ans, et parfois aussi dans le cadre de maladies inflammatoires.
Le cerveau à la rescousse
Il est impossible de prévenir la survenue des corps flottants. Lorsqu’ils se manifestent, «la plupart des gens vivent avec», constate Thomas J. Wolfensberger. En fait, souvent, le cerveau s’adapte et parvient, au bout de trois mois environ, à gommer en quelque sorte leur image. Les agglomérats de collagène existent toujours, mais ne dérangent plus. Quelquefois aussi, ils finissent par se déposer dans le bas du vitré, sortant ainsi de l’axe visuel. Mais ils peuvent aussi rester visibles, sans amélioration.
Selon Thomas J. Wolfensberger, seule une petite minorité de personnes se déclare vraiment incommodée. «Certains patients ont beaucoup de corps flottants sans que cela ne les gêne vraiment et d’autres en ont peu, mais ne peuvent plus travailler. J’ai eu le cas d’un horloger qui voyait juste un point noir, mais au milieu de son œil et cela le dérangeait considérablement dans l’exercice de son métier. D’autres n’arrivent plus à lire les chiffres des tableaux Excel sur lesquels ils travaillent.»
Options chirurgicales
Il n’existe, pour l’heure, aucun traitement médicamenteux, mais il y a deux options chirurgicales. «L’une fonctionne dans 30 à 35% des cas et l’autre à 100%», affirme Thomas J. Wolfensberger. La première est un traitement au laser, que le spécialiste ne pratique pas. «Il s’agit de fractionner les opacités en corps plus petits, mais le patient risque d’être toujours gêné, car les personnes qui souhaitent une intervention chirurgicale ont des attentes élevées. Elle présente aussi un risque potentiel de léser la rétine.»
L’autre opération consiste à enlever les opacités en retirant toute la gélatine et en la remplaçant par une solution physiologique. «L’œil travaille un peu comme un rein, il va filtrer cette eau, renouvelant ainsi le contenu en 4 à 5 jours. Le corps vitré sera refait, mais sans fibres de collagène. Elles ne manqueront pas, car elles agissent comme un échafaudage pour l’œil pendant la grossesse et n’ont plus d’utilité ensuite.»
Leur absence dans le nouveau corps vitré empêchera toute réapparition de mouches volantes. L’opération est pratiquée en ambulatoire. Elle dure une quinzaine de minutes sous anesthésie locale et est remboursée par les assurances.
En dernier recours…
Si le spécialiste assure qu’elle est efficace à 100%, il se dit pourtant «très réticent à la proposer». Car il y a des risques, d’infection notamment. Une fois sur 3000 environ, précise notre interlocuteur. L’intervention peut aussi favoriser «la survenue d’une cataracte un peu plus précoce». Enfin, elle peut provoquer un décollement de la rétine récidivant. «C'est un problème, mais qui ne se produit qu’une fois sur 1500 et qui peut être guéri par une opération dans deux tiers des cas», relève le directeur médical de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin.
«En résumé, le risque n’est pas grand, mais il est bien là, résume ce dernier. Je veux donc être absolument sûr que la personne n’arrive plus à mener une vie normale avant de l’opérer.»
Sébastien Sautebin
Quand faut-il consulter en urgence?
Les corps flottants ne présentent généralement aucune gravité. «Cependant, prévient Thomas J. Wolfensberger, directeur médical de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, il faut consulter un ophtalmologue ou se rendre aux urgences dans les 48 heures, lorsqu’ils apparaissent subitement et en nombre élevé, accompagnés de lumières clignotantes, car cela peut être le signe d’une déchirure de la rétine.» Pour les personnes déjà atteintes, un changement aigu des symptômes doit également amener à consulter.