Est-ce vraiment pertinent de faire un check-up lorsqu’on se sent en pleine forme? A quel âge et à quelle fréquence est-il conseillé de faire un contrôle? Ces questions basiques, de nombreuses personnes se les posent et y répondent à leur manière. D’aucuns ne consultent leur médecin qu’en cas d’ennui de santé, d’autres multiplient les visites médicales pour calmer leurs angoisses.
Importance de la prévention
Si la population utilise communément le terme «check-up», les spécialistes préfèrent parler de «bilan de santé». «Le check-up fait référence à des examens ou des analyses qui sous-entendent que l’on recherche un problème. Le bilan de santé, lui, implique une approche plus positive destinée aux personnes qui n’ont pas de symptômes particuliers», précise Jacques Cornuz, directeur et médecin-chef de la Policlinique médicale universitaire de Lausanne.
De facto, c’est une démarche plus globale qui ne se limite pas au dépistage et aux examens qui en découlent. Le volet «prévention» occupe également une part importante du processus. «C’est l’occasion de faire le point avec le patient sur des éléments essentiels comme le tabagisme, la consommation d’alcool, l’activité physique, l’alimentation, le comportement sexuel ou l’exposition solaire», ajoute Jacques Cornuz.
Chasse aux examens inutiles
Sur cette base, le rôle du médecin est d’informer, de conseiller et d’évoquer les éventuels risques encourus. Cette discussion essentielle exige non seulement de l’empathie de sa part, mais également de la sagacité. Car, parfois, les raisons qui incitent le patient à consulter sont cachées. Comme la crainte d’attraper une maladie qui a touché un proche.
Si l’entretien est primordial sur le plan de la prévention, il permet parallèlement d’évaluer la pertinence d’examens complémentaires. «On remarque que les dépistages réalisés sont souvent trop nombreux par rapport à ce que la littérature scientifique préconise, relève Jacques Cornuz. Certains médecins ont notamment tendance à faire trop d’analyses par crainte de regretter, après coup, de ne pas voir décelé une maladie suffisamment tôt. C’est ce qu’on appelle le biais du regret anticipé.»
Un plan limpide
C’est précisément dans l’optique de mieux cadrer la prévention et la promotion de la santé que les centres académiques de médecine interne générale de Lausanne, Genève, Berne, Zurich et Bâle ont lancé EviPrev en 2008. Ce programme émet précisément des recommandations à la lumière des connaissances scientifiques actuelles. De quoi offrir de précieux outils à la médecine préventive tant au niveau des conseils à prodiguer, des dépistages à réaliser que de la couverture vaccinale à surveiller.
Cette synthèse montre que les examens recommandés ne sont pas aussi nombreux qu’il n’y paraît (voir infographie). Du moins pour les personnes qui n’ont pas de facteurs de risque particuliers et qui ont un indice de masse corporelle (IMC) inférieur à 25. Hormis la tension artérielle, qu’il est préférable de mesurer tous les trois ans dès l’âge adulte, le dépistage périodique d’indicateurs cardiovasculaires – comme le diabète ou le taux de cholestérol – n’est pertinent qu’à partir de 40 ans.
Détection ciblée des cancers
Il en est de même pour le dépistage des cancers. Hormis celui du col de l’utérus, qui doit faire l’objet d’un examen régulier pour toutes les femmes à partir de 21 ans, nul besoin d’entreprendre quoi que ce soit avant 50 ans. Règle une fois encore valable pour celles et ceux qui ont un IMC inférieur à 25 et qui ne présentent pas de facteurs de risque.
Pour les patients asymptomatiques, bon nombre d’examens ou de recherches ne sont tout simplement pas recommandés par le programme EviPrev. C’est le cas des électrocardiogrammes pour déceler une maladie coronarienne et de toute une panoplie de dépistage comme celui de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou de cancers comme celui de la thyroïde, du pancréas, de l’ovaire ou du testicule. Car, au final, l’usage excessif de tests en tout genre présente plus de risques que de bénéfices, notamment avec le danger d’un surdiagnostic et du surtraitement qui peut en découler. Comme quoi le mieux est vraiment l’ennemi du bien…
Yves-Noël Grin