Les enfants qui ont les dents du bonheur ne sont pas rares. Ce phénomène, au nom médical de diastème, décrit un espace entre les incisives supérieures. Cela peut être dû à un frein de lèvre épais inséré du côté du palais. On appelle frein de lèvre la membrane musculaire qui relie la lèvre à la gencive.
Emma (prénom d’emprunt) faisait partie de ces enfants. A 8 ans, son orthodontiste lui a conseillé une freinectomie, soit une opération pour enlever cette membrane. La motivation de cet acte était de réduire l’espace entre ses dents et éviter ainsi d’autres problèmes potentiels. Comme ses dents du bonheur ne la dérangeaient pas, Emma et ses parents ont renoncé à l’intervention.
Six ans plus tard, la décision s’est avérée bonne, car l’espace s’est rétracté de lui-même.
Le cas d’Emma ne surprend pas Paolo Scolozzi, chef du service de chirurgie maxillo-faciale aux HUG. «Il faut savoir que dans la plupart des cas, l’espace va se refermer de lui-même. En tout cas, une freinectomie en lien avec un diastème n’est jamais indiquée avant la descente des canines supérieures entre 11 et 13 ans.» Le professeur préconise même de ne pas effectuer de freinectomie avant d’avoir eu recours à un appareil d’orthodontie. En effet, l’intervention peut causer une cicatrice qui empêcherait l’espace de se refermer.
Cela dit, si un enfant présente un diastème, il faut le surveiller, conseille pour sa part Nicolas Rizcalla, président de l’association des dentistes vaudois. L’âge optimal pour une pré-consultation orthodontique est entre 8 et 10 ans, comme Emma l’avait fait.
Risque de gingivites
Un frein de lèvre trop bas ou épais peut toutefois causer des problèmes qui vont au-delà de l’esthétique. Cela peut provoquer une prédisposition aux gingivites, des difficultés pour se brosser les dents et donc des problèmes d’hygiène dentaires, explique M. Scolozzi. Chez les tout petits, on peut constater des difficultés d’allaitement ou des troubles du développement du langage.
Mais dans ces cas aussi, le spécialiste ne préconise pas une intervention préventive. Mieux vaut attendre que le problème soit avéré, comme par exemple si l’on constate une accumulation importante de plaque, ou, dans le cas de difficultés de langage, après une évaluation logopédique.
Pas prise en charge
S’agissant d’une intervention de médecine dentaire, qui plus est le plus souvent motivée par des soucis esthétiques, la freinectomie labiale n’est en principe pas couverte par l’assurance maladie de base. Mais il peut y avoir des exceptions, si le frein de lèvre pose un problème fonctionnel plus large. C’est le cas de difficultés de langage avérées. La demande devra alors être soigneusement appuyée dans le cadre d’un traitement logopédique. L’intervention coûte entre 120 et 200 francs selon la valeur du point tarifaire du dentiste, calcule la Société suisse des médecins-dentistes. Avec la consultation préalable et le suivi, il faut compter environ 350 francs, précise M. Rizcalla.
Sandra Porchet
Zoom: Scalpel ou laser?
La freinectomie peut s’effectuer de manière chirurgicale, au scalpel, ou à l’aide d’un laser. Selon le Dr Nicolas Rizcalla, ancien chargé d’enseignement à la clinique universitaire de médecine-dentaire de l’Université de Genève, il n’y a pas d’avantage déterminant qui rendrait une méthode meilleure que l’autre. Dans les deux cas, une anesthésie locale est nécessaire, ce qui est le moment le plus inconfortable pour le patient. Des antidouleurs sont prescrits pour le jour suivant l’intervention.
Technique chirurgicale
+ intervention rapide
+ grande précision
- requiert des points de suture
Laser
+ en théorie moins d’inflammation et meilleure cicatrisation. Dans la pratique la différence n’est pas significative, selon M. Rizcalla
+ Pas de points de suture
- Prend plus de temps, visibilité plus difficile
- Intervention éventuellement plus coûteuse due à l’utilisation d’un laser