Les témoignages se multiplient: après avoir contracté le Covid-19, de nombreuses personnes de tout âge souffrent pendant des mois de symptômes persistants, au point parfois de ne plus pouvoir travailler ou même monter des escaliers. Encore mal cerné, le Covid long se profile comme un véritable problème de santé publique. Ma Santé fait le point sur les connaissances actuelles.
Le COVID long, un mal mystérieux
Il n’existe pas, pour l’heure, de définition internationale du covid long. Ce terme est communément utilisé pour décrire les symptômes qui persistent ou se développent au-delà d’un mois après une infection au Covid-19, et qui ne proviennent pas d’autres maladies. «D’un point de vue scientifique et médical, beaucoup de questions demeurent ouvertes. On sait qu’il existe de nombreux symptômes et que leur combinaison n’est pas toujours la même, mais on ne connaît pas leur cause exacte», résume Tom Kobel, porte-parole du programme de recherche Corona Immunitas (corona-immunitas.ch). Trois hypothèses priment à l’heure actuelle: une dérégulation du système immunitaire, la présence de réservoirs du virus qui se réactivent dans le corps par intermittence, et la persistance de particules du virus dans certaines cellules.
Plusieurs centaines de milliers de Suisses concernés?
Les estimations sur le phénomène interpellent par leur ampleur! Selon Mayssam Nehme, coordinatrice de la consultation Long Covid dans le Service de médecine de premier recours aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et première auteure d’une étude menée sur plus de 600 patients dans ce canton, «un tiers des personnes testées positives au Covid-19 sont touchées». Selon l’étude, 39% des 410 personnes qui se sont exprimées sept à neuf mois après l’infection ont déclaré souffrir de symptômes résiduels! Côté alémanique, une étude dirigée par l’épidémiologiste zurichois Milo Puhan révèle que 26% des personnes interrogées n’étaient pas complètement rétablies après six mois. En février, extrapolant sur ce taux, le Conseil fédéral écrivait qu’«on peut estimer jusqu’à plusieurs centaines de milliers en Suisse le nombre de personnes atteintes de troubles moyens à sévères sur le long terme». Milo Puhan évalue, quant à lui, qu’«environ 250 000 personnes sont susceptibles d’être touchées par le Covid long en Suisse, dont 10% par une forme sévère».
Plus de 200 symptômes différents signalés
Les patients d’une étude anglaise ont signalé plus de 200 symptômes différents, mais tous ne résultent pas forcément de l’infection. Selon l’étude genevoise, la fatigue constitue la séquelle la plus fréquente sept à neuf mois après le diagnostic de Covid-19, suivie de la perte du goût et de l’odorat, de l’essoufflement et des maux de tête. La plupart du temps, les patientes et patients souffrent de plusieurs symptômes, dont un les touche plus fortement que les autres. «Plus rarement, il n’y a qu’un seul symptôme, il s’agit souvent, dans ce cas, de la perte du goût et de l’odorat», précise Mayssam Nehme. A noter que les patients atteints d’un covid long ne sont pas contagieux.
Une souffrance qui dure des mois
Les symptômes fluctuent: ils peuvent disparaître et revenir ou varier dans leur intensité. «Pour la majorité des patients, les symptômes ont tendance à diminuer avec le temps, notamment vers les six à sept mois, précise Mayssam Nehme, mais ils persisteront aussi probablement plusieurs années chez un pourcentage non négligeable de patients, et il y a un risque de développer des symptômes à plus long terme comme le syndrome de fatigue chronique». L’atteinte peut être handicapante. Près de 1000 demandes AI (assurance invalidité) ont ainsi été déposées en Suisse, en raison, notamment, de fatigues chroniques. Et même lorsqu’ils sont modérés, les symptômes affectent la qualité de vie, avec le sentiment pénible de ne pas avoir retrouvé la forme d’avant.
Tout le monde peut être touché
«La persistance de symptômes n’est pas liée à la sévérité de la maladie lors de la phase aiguë», relève Mayssam Nehme. On peut avoir eu un Covid-19 léger, et même asymptomatique, puis souffrir de troubles pendant des mois. Tout le monde est susceptible d’être touché, y compris les personnes jeunes et en bonne santé, mais il existe un lien entre le nombre de symptômes développés dans les jours qui suivent l’infection et le risque de développer des séquelles persistantes. De même, les femmes sont plus souvent touchées que les hommes. L’étude zurichoise montre, par exemple, que 31% des femmes n’étaient pas totalement remises après 6 mois contre 21% des hommes.
Asymptomatiques et vaccinés aussi
Une étude montre qu’un petit pourcentage de personnes asymptomatiques peuvent développer un covid long. Les personnes vaccinées, qui sont malgré tout infectées, peuvent en souffrir, mais la probabilité est réduite de moitié selon une étude récente. «Il est important de préciser aussi que seule une infection peut mener à un Covid long. Le vaccin n’en est pas une cause», souligne Mayssam Nehme.
Consulter son médecin après un mois
«Nous recommandons de prendre contact avec son médecin traitant si l’on n’a pas retrouvé son état normal quatre semaines après l’infection». précise Mayssam Nehme. Il est important que ce dernier s’assure qu’il y a bien eu une infection au Covid-19 et qu’il exclue les autres origines possibles. Une fatigue peut être due à une anémie, un syndrome d’apnée du sommeil ou d’autres maladies. Une prise en charge multidisciplinaire est essentielle pour les personnes souffrant de plusieurs symptômes.
Pas de traitement médicamenteux spécifique
Il n’existe pas, pour l’heure, de traitement médicamenteux spécifique. La prise en charge multidisciplinaire repose sur l’encadrement, le suivi et la réadaptation progressive du patient. Pour la perte de goût, un entraînement olfactif est préconisé. En ce qui concerne la fatigue, il s’agira, entre autres, d’adapter ses activités quotidiennes en respectant les 4 P: «fixer des Priorités, Planifier, prévoir des Pauses, rester Positif». Physiothérapie, ergothérapie, etc font aussi partie de la prise en charge.
Conséquences sociales et professionnelles importantes
Milo Puhan souligne que le Covid long n’est pas qu’un problème médical, mais qu’il a aussi des conséquences professionnelles et sociales. Un point de vue partagé par Mayssam Nehme: «Toute une réflexion doit être menée avec la médecine du travail et les employeurs sur la reprise progressive et l’adaptation des horaires. Il est très important que l’entourage soit à l’écoute et reconnaisse l’existence des symptômes. Ils ne sont pas imaginaires, la souffrance est réelle.»
Sébastien Sautebin