Etre plus détendu, mieux dormir, avoir confiance en soi: à entendre ses adeptes, la méditation a des effets insoupçonnés sur la qualité de vie, contre le stress ou les douleurs. «Mon professeur de guitare m’a conseillé de suivre un stage, parce que j’avais les doigts trop crispés. Je ne suis plus le même», atteste ce participant. On ne demande qu’à le croire, mais à quoi bon rêvasser, assis sur un coussin? Et méditer, ça consiste en quoi?
Eclairage sur une méthode ancestrale qui n’a jamais été aussi moderne: dans un monde imposant de mettre chaque seconde à profit, apprendre à ne rien faire est un véritable défi.
1. Revisiter une pratique ancienne
Depuis les années 2000, l’approche la plus courante en Suisse, et aussi la seule dont les effets sont validés scientifiquement, est la méditation «de pleine conscience». Cette approche est le fondement du programme de réduction du stress (Mindfulness-based stress reduction, MBSR), une méthode qui soulage les personnes souffrant de stress, de dépression, d’anxiété et de douleurs. Elle a été élaborée dans les années 1970 par le centre médical de l’université du Massachusetts aux Etats-Unis. Et se base sur la méditation, telle que pratiquée en Asie depuis des milliers d’années, qui a gagné l’Occident dans la deuxième moitié du XXe siècle. Elle intègre des éléments communs aux différentes pratiques ancestrales et au yoga et ne fait appel à aucune notion religieuse ou idéologique.
C’est souvent un élément déclencheur (accident, événement traumatisant, changement de rythme de vie) qui motive l’inscription. Ses effets ne sont pas toujours ceux qu’on attend et il est préférable de s’y essayer sans but précis, en restant simplement ouvert à l’expérience et à ce qu’elle apportera, tant pour le corps que pour le mental.
2. Le programme MBSR pour réduire le stress
On peut méditer assis sur une chaise, un coussin ou un banc. On entend par «pleine conscience» le fait de porter délibérément son attention sur le moment présent, sans jugement. Le programme MBSR basé sur ce principe suit un déroulé identique partout dans le monde, ce qui permet d’évaluer ses résultats (lire ci-dessous «Méditer, c’est bon pour la santé»). En voici, dans les grandes lignes, le contenu.
Le cours commence par un entretien individuel et se déroule ensuite sur huit leçons de deux heures et demie et une journée de silence. Il se termine sur un dernier tête-à-tête avec le formateur. Les modules comprennent une partie théorique et des exercices pratiques en position assise, couchée et en marchant. Chaque séance se termine par un échange. L’idéal est d’intégrer la pratique à raison de 45 minutes chaque jour avec l’aide de fichiers audio.
Les participants apprennent à porter leur attention sur le flux de la respiration, puis sur les différentes parties de leur corps, ainsi que sur leurs sensations corporelles, leurs pensées et leurs émotions.
«Au fil des leçons, on apprend à retisser les liens entre son corps et son esprit», explique Véronique Dupré, formatrice à Villars-sur-Glâne. La méditation MBSR aide à démêler l’écheveau des émotions et des sensations qui remontent à la surface. En apprenant à les accueillir plutôt que de les nier, de les réprimer ou de les juger, on prend petit à petit de la distance avec les inquiétudes, les colères et la tristesse. Il en va de même avec les pensées.»
On ne peut pas empêcher les émotions et les pensées désagréables de surgir, mais on apprend à y réagir différemment. Les douleurs ne disparaissent pas forcément mais on peut changer le ressenti.
Cette pratique requiert un engagement important, ce qui implique de libérer du temps chaque jour, comme on le ferait pour l’apprentissage d’un instrument de musique ou d’une langue.
3. Méditer, c’est bon pour la santé
Le cerveau fonctionne comme un muscle capable de s’adapter constamment. En s’entraînant à ramener sans cesse son attention sur un point particulier, on maîtrise davantage le flux de la pensée, ce qui améliore progressivement la concentration et la flexibilité mentale.
Depuis les années 2010, de nombreuses études ont mis en évidence les effets physiques du protocole MBSR. L’imagerie médicale a révélé des modifications de certaines zones du cerveau chez ceux qui pratiquent régulièrement la méditation: l’hippocampe gauche, sollicité lors de l’apprentissage, de la mémorisation, la gestion du stress et la régulation des émotions est plus grand chez les personnes qui méditent chaque jour. En revanche, après quelques mois de pratique déjà, l’amygdale – qui est le siège des émotions liées à la peur et à l’anxiété – a tendance à diminuer de volume.
Au vu des méfaits du stress sur le système cardio-vasculaire et la qualité de vie, on peut en conclure que méditer, c’est bon pour la santé!
4. Indications et contre-indications
La méditation de pleine conscience est d’un grand soutien dans les épisodes de burn-out, face aux coups durs et lors d’insomnie ou de douleurs chroniques. En se concentrant sur l’instant présent, on limite le danger de se laisser dévorer par l’inquiétude. Quand on la pratique en marchant, le fait de ramener son attention sur chaque pas sans créer de scénarios catastrophe aide par exemple à surmonter la peur du vide.
Il faut être prudent dans certains cas, notamment lors de dépression sévère, d’idées suicidaires, de maladie psychique (schizophrénie), de certains troubles alimentaires ou de dépendance (drogue ou alcool). On aborde ces points lors de l’entretien préalable pour définir si le programme est indiqué ou non.
L’approche est en revanche indiquée pour éviter les rechutes de dépression: c’est un outil pour repérer l’arrivée du carrousel des idées noires et apprendre à les observer sans réagir. Plusieurs études ont ainsi montré qu’elle fait diminuer de moitié les risques de rechute, ce qui est un résultat aussi efficace que les médicaments antidépresseurs.
5. Par où commencer?
Il n’y a pas d’âge, ni de prérequis pour se lancer, si ce n’est la motivation. On peut tenter l’expérience par le biais d’applications pour téléphone portable telles que Petit Bambou. L’avantage de s’inscrire à un cours MBSR est de pouvoir partager son vécu avec les autres et d’être suivi par un professionnel pour surmonter les difficultés.
L’association MBSR Suisse fournit les adresses de ses membres dans toutes les régions de Suisse. La Haute Ecole de Santé de Genève a aussi formé des professionnels à travers un CAS (Certificate of Advanced Studies) de méditation. Dans tous les cas, veiller à choisir un intervenant avec qui le courant passe.
Prendre avec soi des vêtements confortables et une couverture si elle n’est pas fournie sur place, le corps ayant tendance à se refroidir pendant la pratique. A la maison, on prolongera l’expérience, pour ceux qui le souhaitent, sur un coussin de méditation, ou zafu, ou une chaise qui permet de se tenir droit.
6. Remboursement du bout des lèvres
Les cours de méditation MBSR coûtent entre 550 fr. et 650 fr. selon les prestataires et la formule choisie (en ligne ou en présentiel). Ils ne sont pas remboursés par l’assurance de base, mais certaines compagnies prennent en charge tout ou partie des frais par le biais des petites complémentaires.
CSS, EGK, Helsana, KPT, Swica, Sympany et Visana octroient des montants entre 50 fr. (Visana) et 800 fr. (Helsana Completa Extra). Assura, Atupri, Concordia, Groupe Mutuel et Sanitas ne versent rien. On trouvera une liste d’instructeurs diplômés sur le site: mindfulness.swiss et, avant de s’inscrire, il est recommandé de vérifier auprès de la caisse que le cours soit reconnu (lire «Médecines complémentaires – Comment ça marche, qui rembourse?»).
7. D’autres formes de méditation
Il existe d’autres approches de méditation pour se recentrer sur l’instant présent: en voici les principales.
Les stages Vipassana reposent sur une pratique un peu différente. Dérivés de la tradition bouddhiste, ils se déroulent en huis-clos, pendant dix jours de silence absolu. Ici, on ne cherche pas à porter son attention sur un point précis, mais sur tout ce qu’on ressent en partant de la respiration. En constatant la présence de sensations corporelles (agréables ou désagréables) sans y réagir: une pratique apparemment simple, mais qui requiert également beaucoup d’entraînement. Ces stages sont gratuits, chacun étant libre de verser une participation.
D’autres techniques courantes telles que le training autogène (une forme d’autohypnose), la sophrologie, le yoga, le Tai Qi Gong s’approchent aussi de la méditation en enseignant à se concentrer sur ses sensations présentes. Il faut alors vérifier que le responsable ait suivi une formation adéquate. Idéalement, le cours est certifié Eduqua et figure sur les registres des caisses maladie (Registre des médecines empiriques (RME) ou Fondation suisse pour les médecines complémentaires (ASCA).
Claire Houriet Rime