Les sites d’enchères en ligne sont à la mode. L’américain eBay, numéro un mondial, compte plus de 275 millions de membres inscrits. Parmi les plateformes en .ch, les internautes connaissent ricardo.ch depuis quelques années déjà. Plus récemment, ont découvert un certain bidfun.ch. Ce service appartient à Naxopresence UK Ltd., une société à responsabilité limitée basée à Londres qui a tissé sa toile de sites bidfun («enchères amusantes») dans de nombreux pays, dont les Etats-Unis. L’offre est exclusivement multimédia. Tous les objets sont mis aux enchères par Naxopresence et expédiés par des partenaires renommés.
En Suisse, il s’agit notamment d’Apple Store, Citydisc ou encore Microspot.
L’iPhone à 21 fr.!
De prime abord, la formule paraît extrêmement attrayante, car les prix de base sont dérisoires et les prix finaux souvent massivement inférieurs à ceux du marché. Un exemple: du 13 août au 7 septembre 2010, bidfun.ch a vendu 10 iPhone 3GS 8 Go noirs pour des prix allant de 21.28 fr. (!) à 193.42 fr., avec une moyenne d’environ 125 fr. A ces dates, le même appareil se négociait généralement, sans contrat téléphonique, à plus de 800 fr. dans les magasins.
Très alléchant, sauf que la réalité est plus complexe et qu’on termine bien plus souvent perdant que gagnant avec bidfun. Car le système mis au point par Naxopresence est vraiment tordu, mais parfaitement ficelé pour faire un maximum d’argent en plumant les inscrits.
Toutes les mises sont perdues
Toutes les enchères se font, en effet, en crédits bidfun. Pour participer, il faut donc s’inscrire, puis acheter des crédits en ligne à un taux allant de 1 fr. à 80 ct., en fonction du volume d’achat. Investissement minimal: 20 crédits pour 20 fr. On peut aussi en obtenir aux enchères, mais, pour enchérir, encore faut-il déjà posséder… des crédits!
Toutefois, la particularité essentielle du système est que, contrairement à une enchère classique, les mises sont ici définitivement perdues. Ainsi, chaque enchère coûte un crédit, qui est débité même si l’on ne remporte pas l’objet! Or, en cours d’enchère, chaque crédit misé n’augmente que de 20 ct. le prix de l’objet affiché en francs!
Ces deux astuces permettent à bidfun d’écouler ses produits à des prix plutôt élevés, tout en ayant l’air de presque les offrir. Reprenons l’exemple des iPhone, vendus en moyenne 125 fr. Un crédit augmentant l’enchère de 20 ct., il a donc fallu 625 crédits pour arriver à ce montant. Bidfun vendant ses crédits à différents taux et en proposant d’autres aux enchères, il est donc délicat de définir un taux de change précis. Prenons donc le meilleur taux «officiel»: 1 crédit = 80 ct. A ce tarif, 625 crédits rapportent 500 fr. à bidfun, sans compter que le dernier enchérisseur doit aussi payer le prix final, ici de 125 fr. Un iPhone vendu 125 fr. rapporte ainsi 625 fr. à bidfun.
En résumé, s’il est effectivement possible d’avoir un coup de chance et de remporter un objet à bon prix en ayant misé un minimum de crédits, toutes les personnes qui ne remportent pas l’objet perdent de l’argent et, parfois, des montants non négligeables. Pour couronner le tout, chaque nouvelle mise reporte l’échéance d’enchère de 20 secondes. Le délai jusqu’à la fin de l’enchère est ainsi prolongé à l’infini. Pas étonnant que les forums internet fourmillent de commentaires rageurs contre «l’arnaque bidfun»…
Illégal!
Que dit la loi? «Ce type d’enchère remplit chacun des éléments d’une opération analogue à une loterie, et est donc illégal en Suisse», répond Alain Jeanmonod, directeur de la Commission des loteries et paris (Comlot). La Comlot étudie actuellement l’opportunité de déposer une plainte contre bidfun.ch. L’opérateur étant basé à l’étranger, le succès d’une telle opération paraît cependant aléatoire.
Sébastien Sautebin