Apparu dans les années 80, le stretching s’est vu progressivement attribuer de multiples vertus, et il est devenu un élément incontournable de l’échauffement et de la récupération. Pourtant, dès le début des années 90, des études ont commencé à mettre en doute son utilité dans la prévention des blessures; d’autres ont montré qu’il peut même diminuer la capacité physique. En 2005, le Dr Gérald Gremion, du CHUV, a passé en revue la littérature existante et, sur la base de 373 articles, est arrivé aux conclusions suivantes*:
⇨ Les étirements améliorent bel et bien la mobilité articulaire.
⇨ Ils sont inefficaces à l’échauffement pour prévenir les blessures. Ils sont même susceptibles de diminuer, provisoirement, les performances dans les exercices de force, et dans les disciplines sollicitant vitesse ou détente (sprint, sauts, etc.).
⇨ Pratiqués en fin d’activité sportive, ils ne favorisent pas une récupération plus rapide.
Avant et après l’effort
Mais alors, concrètement, que faut-il faire? «Dans des sports où certaines articulations travaillent avec de grandes amplitudes, comme le tennis, par exemple, il importe, avant l’effort, de gagner en amplitude articulaire. Et pour cela, les étirements doivent être dynamiques et non pas statiques», explique Gérald Gremion. Ainsi, on évitera de s’étirer sans bouger en utilisant le poids de son corps (statique), car cela impose aux muscles de fortes tensions susceptibles de créer des microtraumatismes. On privilégiera un travail de mouvements progressifs et réguliers, par exemple des balanciers de la jambe. Répliquer des mouvements types de la discipline qui seront utilisés ensuite est une excellente idée. «L’amplitude articulaire s’améliore avec l’échauffement et la répétition du geste sportif tranquillement», résume ainsi le docteur Boris Gojanovic, du Comité de la société suisse de médecine du sport (SSMS).
A Macolin (BE), le Centre de compétence du sport de l’armée suisse préconise lui aussi les étirements dynamiques en début d’entraînement, comme nous l’a confié Marc-Olivier Juvet, chef instructeur du sport dans l’armée.
Cela étant, le stretching à l’échauffement n’est pas utile pour des sports à déplacements angulaires faibles et lents, comme le vélo ou le jogging. «Cela n’a aucun sens, résume Boris Gojanovic. Ici, il convient de s’échauffer par un effort léger.»
Après l’entraînement, Gérald Gremion recommande d’éviter un stretching trop intense: «le muscle est plein de sang. Un stretching trop intensif va chasser le sang et ralentit la récupération. En revanche, des étirements légers vont permettre de traiter la contracture musculaire.»
Et lorsqu’on veut augmenter sa souplesse ou travailler sur ses tensions musculaires, l’idéal serait de le faire hors des entraînements, dans des séances dédiées ou en pratiquant le yoga par exemple, relève Boris Gojanovic.
Performance, ou pas
Nicolas Babault, enseignant-chercheur au Centre d’expertise de la performance de l’Université de Bourgogne-Franche-Comté (France), estime de son côté que le stretching a, sur le long terme, des effets bénéfiques pour tous les sportifs et que «la souplesse est importante par défaut».
En revanche, il déconseille les étirements avant une compétition, quel qu’en soit le niveau, puisqu’ils sont susceptibles de nuire à la performance. Des études ont ainsi montré par exemple que cela diminuait de 4% la détente verticale dans les sauts. Et moins une personne est souple, plus les étirements auront d’effets négatifs sur la performance qui s’en suivra immédiatement après. Cela étant, de telles diminutions n’ont guère d’importance lors d’un simple entraînement de loisir.
A la fin de la séance, la décision dépendra de l’intensité de l’entraînement. «Lorsqu’il a été dur, il vaut mieux éviter de trop s’étirer, mais s’il a été cool, on peut travailler un peu la souplesse.»
Le chercheur note toutefois qu’on se sent bien en faisant du stretching. Ainsi, «quand on pratique le sport comme loisir pour avoir une activité physique, il faut éviter de se prendre la tête et en faire si l’on a envie d’en faire». Avec une règle pour les étirements: ne pas dépasser le seuil de l’inconfort!
Sébastien Sautebin
*«Les exercices d’étirement dans la pratique sportive ont-ils encore leur raison d’être?» Une revue de la littérature (G. Gremion Rev med Suisse 2005, vol. 1. 30581)
Indiqué dans la rééducation
Le stretching occupe une place de choix dans la rééducation des sportifs, et ce rôle n’est pas contesté. «Tout traumatisme entraîne une transformation du muscle en tissus conjonctifs, et mène à une diminution des amplitudes articulaires et à une dysfonction musculaire, note Gérard Gremion. En cas de blessure, le stretching doit être débuté dès la première semaine post-traumatique de manière à réduire la fibrose cicatricielle», ajoute le médecin du CHUV. L’entraînement de la mobilité est important, car elle permet de minimiser les pertes d’amplitude articulaire. Ces dernières, ainsi que la diminution de souplesse musculaire résultant des fibroses cicatricielles, favorisent les récidives de blessures.