Un contrat d’assurance vie, c’est comme un oignon: plus on enlève la pelure, plus cela fait pleurer... L’image est plaisante, mais est-elle fondée? Oui, si l’on s’en réfère à notre enquête sur la formule dite mixte.
Une assurance vie mixte permet de couvrir trois besoins:
- Economies: le client s’engage à verser chaque année pendant une durée déterminée une certaine somme. En plaçant cet argent, la compagnie d’assurance touche des intérêts qu’elle ristournera partiellement à son client en fin de contrat. A l’âge fixé (la plupart du temps, celui de la retraite), la somme assurée – garantie dans le contrat – est versée à l’assuré, qui touchera encore une participation aux excédents (voir plus bas).
- Sécurité: la plupart des contrats prévoient que le client n’aura plus à payer ses primes en cas d’invalidité. C’est la compagnie d’assurance qui, après un délai convenu d’avance (12 mois dans notre comparaison), assure leur paiement, en fonction du degré d’incapacité de travail. Une personne atteinte dans sa santé peut donc continuer d’économiser comme au temps où elle travaillait à 100%.
- Protection en cas de décès: si le client meurt avant la fin du contrat, les héritiers (ou les bénéficiaires) touchent comptant la somme garantie dans le contrat, c’est-à-dire le capital en cas de décès, y compris la participation au gain jusqu’à la date du décès.
Mais les prestations intéressantes (versement des primes en cas
d’invalidité et protection en cas de décès) de ce type d’assurance ne
sont évidemment pas gratuites. C’est ce qui explique pourquoi le client
ne touche pas la totalité des intérêts annoncés (le taux technique:
généralement 3,5%), loin s’en faut! Nous verrons plus bas qu’il est donc
important de faire la distinction entre un rendement net et un
rendement brut!
Pourquoi s’assurer?
Cette rapide analyse des caractéristiques de l’assurance vie mixte permet de tout aussi rapidement tracer le portrait du client type, soit une personne...
- peinant à faire des économies de longue durée (obligation de verser une prime régulièrement) ou désirant payer une hypothèque prise sur sa maison grâce à son assurance (la banque ne reçoit pas une certaine somme chaque année en guise d’amortissement, mais le montant total de l’assurance en fin de contrat);
- désirant atteindre son but de réaliser des économies à tout prix (paiement des primes assuré en cas d’invalidité);
- devant assurer les besoins d’un conjoint ou d’une famille en cas de décès (assurance vie).
A contrario, une personne qui ne répond pas à l’une ou l’autre de ces caractéristiques n’a pas besoin d’une telle assurance! Tel sera, par exemple, le cas d’une personne sans famille ou sans autre obligation financière: elle fera de meilleures économies dans une banque.
D’autre part, il est également possible de contracter des assurances couvrant uniquement les risques de décès et d’invalidité. Avantage: la mobilité. Car celui qui ne peut ou ne veut pas aller jusqu’au terme du contrat d’une assurance vie mixte va perdre beaucoup d’argent: nous y reviendrons plus loin.
Capital garanti
Pour notre comparaison, nous avons retenu l’exemple d’un homme de 32 ans, s’engageant à payer jusqu’à sa retraite (donc pendant 33 ans) une prime annuelle de 3500 fr. Il aura donc versé un montant de 115500 fr. en fin de contrat. Nous avons demandé aux neuf compagnies suisses les plus importantes de nous faire une offre: seule Fortuna a refusé de participer.
La première ligne de notre tableau montre que la somme garantie en fin de contrat (sans participation aux excédents) varie entre 140 000 fr. (Zurich) et 152492 fr. (Rentenanstalt). Elle correspond aussi à la somme qui serait versée en cas de décès avant la fin du contrat. Ce montant garanti figure dans toutes les offres. Le rendement net (deuxième ligne de notre tableau) est en revanche pudiquement tu, probablement parce qu’il est extrêmement bas.
Pourtant, le rendement est un argument de vente souvent mis en avant par les compagnies d’assurance. Dans les huit offres reçues, il est d’ailleurs identique et clairement annoncé sous l’appellation «taux technique»: 3,5%. Mais il ne s’agit que d’un rendement brut (un adjectif qualificatif que l’on ne retrouve malheureusement dans aucune offre). Après déduction des frais pour les risques (invalidité et décès), ce chiffre s’amoindrit considérablement. A la Zurich par exemple, avec un taux technique de 3,5 % pendant 33 ans, le total devrait s’élever à 218 600 fr. Il manque donc la bagatelle de 78 600 fr., soit 70% du taux technique. Du coup, le rendement n’est plus que de 1,1%.
Participation aux excédents
Reste la participation aux excédents (3e ligne du tableau). Comme son nom l’indique partiellement, elle dépend des intérêts encaissés en plus sur le placement de la fortune globale de la compagnie et ne peut être garantie. Il ne s’agit donc que de pronostics! Il n’y a aucune certitude que les meilleures conditions d’aujourd’hui le seront encore dans 33 ans! Pour que les chiffres annoncés puissent réellement être fiables, il faudrait au moins savoir comment ils ont été calculés. Or, aucune des compagnies contactées n’a accepté de dévoiler sa façon de faire. Elles refusent même de dire dans quelle mesure la participation au bénéfice a été versée dans le passé. Il ne faut dès lors pas attacher trop d’importance à ce critère pour faire son choix.
Il s’agit donc de bien distinguer les différents totaux d’une offre. En additionnant le capital garanti et la participation aux excédents (pronostic), notre tableau met en effet La Genevoise très nettement en tête (voir 4e ligne). Mais si l’on s’en tient au seul capital garanti (1ère ligne), l’offre de cette même compagnie est très inférieure à d’autres.
Bonus final
Une compagnie d’assurance a tout intérêt à garder sa clientèle jusqu’au terme du contrat. Le «bonus final» qui figure dans la plupart des offres reçues est un bon moyen pour y arriver. Il s’agit d’une certaine somme (variant entre 0 et 29790 fr.: voir 5e ligne du tableau), qui ne sera versée qu’en fin de contrat. Mais attention, il ne s’agit pas, comme le nom pourrait le laisser entendre, d’une somme supplémentaire mise à disposition, mais bien d’une partie de la participation aux excédents qui n’est versée qu’à celui qui reste fidèle jusqu’au bout à son assureur. Or, cette clause est également valable en cas de décès! Donc, si notre homme a choisi de s’assurer à la Genevoise et décède un an avant la fin du contrat (32 ans de cotisations), sa veuve touchera environ 33000 fr. de moins que s’il avait survécu un an de plus. Ce genre de procédés peut devenir une raison d’éviter les compagnies imposant un bonus final trop important.
Valeurs de rachat
Dans sa comparaison, Bon à Savoir a enfin demandé quelles seraient les valeurs de rachat, donc la somme que l’assuré récupère s’il rompt son contrat, après 5 et 10 ans de cotisations (voir les deux dernières lignes du tableau). A noter que ces valeurs ne sont en général pas mentionnées dans les offres ou dans les polices d’assurance. Prenons, au hasard, l’exemple de l’Helvétia-Patria. Après cinq ans, la compagnie ne remboursera que 56% des primes payées, et seulement 75% après 10 ans!
Pour des polices d’une durée supérieure à 30 ans, la plupart des compagnies ne permettent d’ailleurs aucun rachat dans les trois premières années. Notre homme perdrait donc 7000 fr. s’il devait mettre un terme à son contrat avant cette limite fatidique. Ces délais sont toutefois proportionnels à la durée de la police: pour un contrat de dix ans, le rachat est généralement possible après un an de cotisations. Mais il ne descend jamais en deça.
Il est aussi possible de demander l’arrêt du paiement des primes. Mais en tel cas, la somme assurée est proportionellement réduite. L’assuré peut-il aussi prétendre à la participation aux excédents? La Renten-anstalt, l’Helvétia-Patria et la Winterthur l’affirment clairement dans leurs conditions générales d’assurance (CGA); quatre compagnies déclarent faire de même, mais ne le précisent pas dans leurs CGA; Providentia répond que non, mais ne le stipule pas dans ses CGA.
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo