Deux barres de couleur qui s’affichent et vous voilà positif! A force de faire tournoyer des écouvillons dans les narines pour déceler un éventuel Covid, beaucoup d’entre nous se sont familiarisés avec les kits de diagnostic à domicile. Forts de cette expérience, certains pourraient être tentés de se dépister plus largement, car ce ne sont pas les possibilités qui manquent: du VIH au taux de fer, en passant par le cholestérol et la ménopause.
Ces petits dispositifs médicaux s’achètent en pharmacie, sur internet ou, parfois, dans les grandes surfaces. Ils représentent un marché en pleine expansion qui pourrait atteindre plus de 8 milliards de dollars en 2030. Simples d’utilisation, ils garantissent un résultat rapide, coûtent entre 10 et 60 fr. et permettent à chacun d’évaluer son état de santé de façon autonome. Ceci à partir d’un peu de matériel corporel (salive, urine, sang, etc.) qui servira à révéler la présence ou non de certains marqueurs biologiques (antigènes, anticorps, protéines).
Savoir interpréter le résultat
Si les manipulations nécessaires sont faciles à réaliser, bien évaluer la fiabilité du résultat l’est beaucoup moins. La plupart des produits affichent des taux d’efficacité supérieure à 95%, un argument vendeur mais établi par le fabricant lui-même. Et un peu simpliste. «Certaines notions ne sont pas évidentes pour un individu lambda, d’autant que la notice qui accompagne les tests manque souvent de clarté», prévient
Baptiste Pedrazzini, médecin de famille. Difficile d’intégrer, par exemple, l’idée de faux positifs.
Par ailleurs, certains kits donnent une valeur. Au-delà ou en deçà d’un certain seuil, celle-ci indiquera une carence ou un excès. Sans préciser que certains éléments vont venir influencer cette valeur. «Une inflammation dans le sang, consécutive à une petite grippe peut donner un taux de fer faussement élevé», illustre le médecin.
Tout n’est pas à jeter, cependant. Considéré comme fiable, le test du VIH fait partie des moyens de dépistage mis en avant par l’Aide suisse contre le sida. Il se distingue ainsi des autotests de détection d’autres maladies sexuellement transmissibles comme la chlamydia ou la syphilis, peu précis.
Un trio de kits jugés utiles
Dans un rapport de 2018, l’académie de pharmacie française ne recommandait que trois autotests sur treize évalués: VIH, tétanos et infection urinaire (lire l’encadré). On pourrait ajouter à ce trio recommandable certains tests de recherche de sang dans les selles, conseillés en Suisse pour le dépistage du cancer colo-rectal. Il s’agit en l’occurrence de kits de prélèvements à faire à domicile, mais dont les échantillons doivent être envoyés pour analyses en laboratoire. Les autotests à réaliser entièrement chez soi, eux, ne sont pas considérés comme fiables. «Moins sensibles, ils risquent de passer à côté d’une petite quantité de sang», estime Jean-Louis Frossard, médecin responsable du Service de gastro-entérologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Confirmation médicale pour la grossesse et la ménopause
Recourir à un autotest n’est pas un geste anodin. D’autant qu’on se retrouvera seul face à un résultat qui peut être à la fois déstabilisant, imprécis, voire faux. Même les plus utilisés, les tests de grossesse, ne doivent pas empêcher une confirmation par un médecin, estime Roger Rytz, président de la Société suisse de gynécologie et obstétrique: «Surtout pour exclure la grossesse extra-utérine pour laquelle un test urinaire sera positif mais qui, si elle est ignorée, peut avoir des conséquences catastrophiques.»
Quant à la détection de la ménopause par un autotest, l’idée laisse le spécialiste perplexe. Trop simpliste, le résultat basé sur le niveau de l’hormone folliculo-stimulante «permettrait peut-être à la patiente de mettre un nom sur certains des symptômes qu’elle pourrait ressentir, mais le diagnostic ne serait de loin pas posé».
Très médiatisée, la sensibilité au gluten a aussi donné des idées aux fabricants d’autotests. Leurs kits ne sont pas destinés à identifier une éventuelle intolérance, mais à déceler une maladie cœliaque. Et leur utilité est contestée. Tous ne mesurent pas l’indicateur le plus pertinent (l’anticorps IgA). Sans parler du fait que cette pathologie est relativement rare (1 à 2% de la population) et que le diagnostic devra toujours être confirmé par une biopsie de l’intestin grêle.
Fer et cholestérol: des tests à éviter
Enfin, parmi les tests à éviter, le Dr Pedrazzini mentionne la mesure du taux de fer, de cholestérol (une prise de sang tous les 6 à 12 mois suffit largement pour s’assurer de l’efficacité d’un traitement) et de PSA (cancer de la prostate). Mais aussi les autotests dits de la CRP (protéine C-réactive) qui prétendent déterminer si une infection nécessite des antibiotiques, ainsi que les diagnostics d’allergie et ceux de la maladie de Lyme.
En résumé, dans de nombreux cas, les autotests ne sont pas appropriés. Ils peuvent même s’avérer faussement rassurants. Mieux vaut donc demander conseil en pharmacie plutôt que de passer commande sur internet.
Geneviève Comby
Les autotests recommandables
VIH
Réalisé à partir d’une goutte de sang, ce test est fiable, bien que moins performant qu’un test en laboratoire. Il décèle une infection à partir de 8 semaines (contre 4 à 6 en labo) et permet d’exclure une infection à partir de 3 mois (contre 6 semaines).
Infection urinaire
Réalisé à partir d’un échantillon d’urine, ce test présente une utilité pour les femmes souffrant d’infections à répétition qui conservent un traitement de réserve chez elles.
Tétanos
Réalisé à partir d’une goutte de sang, ce test évalue la couverture vaccinale. Il est considéré comme fiable par l’académie de pharmacie française. Son utilité, en revanche, est plus discutable.
Cancer colo-rectal
Si les autotests de détection de sang dans les selles à réaliser entièrement chez soi ne sont pas recommandés, ceux qui prévoient de prélever soi-même des échantillons pour les envoyer ensuite dans un laboratoire d’analyse, eux, sont conseillés.