Si elle n’était pas atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle se serait peut-être rappelée que, décidément, il n’y a pas de justice. Car, en décidant de limiter la participation de sa caisse maladie au strict minimum, le Tribunal fédéral a – indirectement – décidé que cette assurée genevoise ne pouvait rester chez elle, contre la volonté de son médecin et, surtout, de celle de ses proches qui s’étaient organisés en conséquence. Elle n’est donc, vraisemblablement, que la première victime d’une nouvelle pratique obligeant les patients fortement dépendants et sans ressources financières à «choisir» le placement en EMS.
Au nom de l’économicité, les juges balaient la qualité de vie, qu’ils estiment «ténue» dans leur arrêt, tout en reconnaissant d’indéniables bénéfices psychoaffectifs à pouvoir rester dans la maison familiale, même pour un cas extrême comme celui sur lequel ils avaient à se prononcer. Cela n’est, cependant, pas suffisant, à leurs yeux, pour obliger la caisse maladie à payer 2,5 fois plus que pour un placement en EMS. Mais ils ne donnent pas, non plus, la moindre précision sur ce qui leur permet de décider quand un tel investissement se justifie ou non.
Et, de toute façon, quand bien même il faudrait se résigner à ce que le pouvoir de l’argent surpasse désormais toute autre considération, nous n’arrivons pas à comprendre qu’une telle décision puisse être prise sans tenir compte de l’ensemble des frais dans un cas comme dans l’autre. Car, rappelons-le, 80% des personnes placées dans un EMS doivent recourir aux aides sociales pour financer un coût moyen de 5200 fr. par mois, participation des caisses déduites!
Christian Chevrolet