«Une esthéticienne a-t-elle le droit de faire des injections d’acide hyaluronique?» Intriguée par l’annonce d’un salon de beauté lémanique, une lectrice de Ma Santé poste naïvement la question en guise de commentaire sur un réseau social. Surprise: sa remarque disparaît le soir même et elle ne peut plus, depuis, intervenir sur la page de l’entreprise.
Le salon a entretemps supprimé cette offre de son site internet. Sage précaution, car cette lectrice avait mis le doigt sur un point sensible: les esthéticiennes n’ont, en effet, pas les compétences nécessaires pour faire des injections (lire encadré).
Injections non autorisées
«Ce cas n’est malheureusement pas isolé», se désole la doctoresse Patricia Roggero, présidente de la Société suisse de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique. En Suisse romande, de nombreux instituts proposent ces traitements sans autorisation.
Certains affirment faire appel à des «spécialistes» sans autre précision, d’autres restent muets à ce propos. Et c’est sans parler de ceux qui utilisent des stylos à injections au lieu de seringues, ou qui pratiquent leur art autour d’un «bar». Le résultat n’est pas toujours au rendez-vous, puisque dermatologues, chirurgiens et médecins esthétiques sont ensuite confrontés à un nombre croissant de complications à gérer.
«L’injection d’acide hyaluronique est, comme celle de la toxine botulique, un acte médical réservé aux spécialistes. Il doit avoir lieu dans un environnement spécifique», insiste Patricia Roggero. Avant l’intervention, une consultation est indispensable pour poser le diagnostic et repérer les risques éventuels d’infection tels que l’herpès ou le rhume. Le médecin se renseignera aussi sur les précautions à prendre en présence d’anticoagulants.
Au dixième de millimètre
Une fois ces points éclaircis, rendez-vous est pris pour le traitement. On peut appliquer d’abord sur la peau, une heure avant, une pommade anesthésiante. «Après avoir introduit la microaiguille dans la peau, précisément dans la couche choisie du derme, nous injectons la substance en la retirant progressivement. Nous savons donc exactement ce que nous faisons», explique-t-elle.
Les esthéticiennes qui manient l’aiguille ne maîtrisent pas suffisamment ce geste. Si l’intervention est trop superficielle, le gel formera un granulome visible sur le visage. Le recours à un médecin est alors inévitable pour le dissoudre, les produits permettant de réparer les dégâts n’étant pas accessibles aux salons de beauté.
Autre risque: toucher une des artères profondes qui irriguent le visage, avec risque de nécrose cutanée. Lors d’un congrès, Patricia Roggero a même assisté à la présentation d’un cas de cécité. Et c’est sans parler des produits non résorbables vendus en ligne: ils forment des grosseurs que seule une opération pourra éliminer.
Dans les pays voisins, les injections d’acide hyaluronique sont strictement réservées aux médecins. En Suisse, la loi fédérale est moins catégorique. Les substances injectables sont considérées comme des dispositifs médicaux. Elles doivent donc être administrées sous la responsabilité d’un médecin, contrairement aux cosmétiques dont l’effet est superficiel. Les esthéticiennes sont, certes, autorisées à pratiquer des injections, mais pour autant que le produit soit totalement résorbé après 30 jours. Ce n’est pas le cas de l’acide hyaluronique dont l’effet s’étend sur plusieurs mois. «Aucune de ces substances n’est assimilée par le corps après un mois seulement», précise la spécialiste.
Les cantons appliquent en principe les mêmes directives. Les salons de beauté qui ne respectent pas la règle ne sont toutefois pas systématiquement contrôlés, car les autorités n’interviennent qu’en cas de plainte… une fois que le mal est fait.
A chacun son métier
Les salons de beauté peuvent, en revanche, dispenser d’autres traitements moins spectaculaires certes, mais néanmoins efficaces et accessoirement moins coûteux. Peeling, microneedling, masques et autres soins hydratants redonneront à la peau son éclat, et ce, sans risque.
Il est toutefois, là encore, préférable de confier son visage à des mains compétentes pour être sûr(e) de recevoir le soin adéquat. «En poussant la porte d’un salon de beauté, on devrait toujours savoir à qui on s’adresse», conclut Marisa Treccani, esthéticienne et formatrice au brevet fédéral d’esthétique. Ce métier nécessite en effet des connaissances d’anatomie et d’hygiène qui sont sanctionnées par un CFC, voire un brevet fédéral.
Claire Houriet Rime
Le traitement en détail: Une substance naturelle
L’acide hyaluronique ne présente aucun danger s’il est administré par un médecin spécialiste, dermatologue ou chirurgien esthétique. Présent naturellement dans la couche profonde de la peau, le derme, il absorbe l’eau comme une éponge. Avec l’âge, le corps en produit toujours moins et la peau perd son élasticité tandis que des rides apparaissent. L’injection d’un produit de synthèse ayant les mêmes propriétés estompe ces marques de vieillesse, et ce, sans danger d’allergie.
Le médecin introduit le produit qui comblera les rides sous l’épiderme: sillons nasogéniens, ridules autour des lèvres, rides d’amertume de chaque côté de la bouche ou ride du lion. Les effets sont visibles immédiatement et disparaissent entre six et huit mois plus tard. Il sera alors temps de recommencer. Compter entre 500 fr. et 1000 fr. par injection et entre 100 fr. et 200 fr. pour l’entretien préalable. Le traitement n’est pas remboursé par l’assurance maladie de base, ni par les complémentaires.
L’acide hyaluronique ne doit pas être confondu avec la toxine botulique, couramment appelée Botox (lire: La guerre au rides). Cette substance a pour effet de paralyser les muscles et donc d’atténuer les rides d’expression (ride du lion et pattes d’oie).