Mesurer quotidiennement vos pas grâce à un capteur d’activité ou à une application installée sur votre smartphone est devenu extrêmement facile. Mais fixer la barre à 10’000 pas par jour est parfaitement arbitraire. L’origine de ce chiffre remonte en réalité aux années soixante, avec la fabrication par la compagnie japonaise Yamasa du premier podomètre. Les fabricants de ce capteur d’activité ont, à des fins marketing, été les premiers à décréter que marcher 10’000 pas quotidiennement était utile pour la santé.
Ce qui est intéressant, c’est que ce chiffre est devenu une sorte de norme, utilisée dans des études pour comparer les personnes qui marchaient 3500, 5000 ou 10’000 pas. Ces travaux ont montré que les personnes qui marchaient le plus brûlaient davantage de calories, avaient une meilleure pression artérielle et un meilleur taux de sucre dans le sang. Ces résultats ont donc renforcé la croyance en ce chiffre de 10’000 pas, même si ces recherches n’ont jamais mesuré l’impact sur la santé de 8000 ou de 12’000 pas.
Recommander à tous d’effectuer 10’000 pas quotidiennement n’a donc aucun fondement. Fixer comme objectif cette distance à une personne sédentaire, en surpoids ou âgée pourrait même se révéler contre-productif. Non seulement le risque de se blesser en voulant atteindre cet objectif élevé n’est pas anodin, mais de plus, le découragement face à un effort excessif pourrait conduire certaines personnes à marcher encore moins!
Quelles sont les recommandations actuelles?
De récents travaux portant sur le lien entre l’activité physique et la prévention des maladies chroniques, les maladies cardiovasculaires ou certains cancers notamment, ont montré que le chiffre de 6000 à 8000 pas par jour constituait un objectif plus adéquat.
Les recommandations actuelles sont cependant beaucoup plus nuancées: la distance «santé» à parcourir dépendant de la situation de chacun, elle varie notamment avec notre âge. L’Organisation mondiale de la santé définit, par exemple, des recommandations différentes pour les 5 à 17 ans, pour les 18 à 64 ans et pour les 65 ans et plus.
Le deuxième élément essentiel dont il faut tenir compte est l’intensité de l’activité. Même s’il n’est certainement pas judicieux de commencer à compter la cadence de votre marche, les recommandations actuelles seraient d’effectuer environ 100 pas par minute. Car malheureusement, la marche lente du lèche-vitrine s’avère moins utile à votre santé qu’une marche soutenue!
Une réduction de prime grâce à vos pas ?
Certaines assurances proposent à leurs membres d’obtenir une réduction de leurs primes en leur transmettant quotidiennement le nombre de pas parcourus: 20 centimes si vous marchez plus de 5000 pas, 40 centimes pour plus de 10’0000 pas. C’est une mauvaise idée, pour deux raisons en tous cas.
Premièrement, comme nous l’avons écrit, non seulement ces chiffres de 5000 et 10’000 pas n’ont aucune valeur, mais il est probable qu’ils dévalorisent, voire culpabilisent, un nombre important de personnes qui se sont inscrites à ce système et qui ne parviennent pas à atteindre les objectifs fixés. Les changements de comportement sont des processus complexes et l’équation capteur d’activité égal meilleure santé est définitivement trop simpliste. Merci aux assureurs de laisser la promotion de la santé à ceux dont c’est le métier.
Deuxième raison, l’utilisation qui peut être faite de vos données. Le préposé fédéral à la protection des données a émis sur ce sujet une mise en garde: «dans leurs conditions générales de vente, de nombreux assureurs ou fournisseurs de capteurs de fitness se réservent le droit de réutiliser les données de leurs clients à des fins commerciales (en les revendant à des tiers, par exemple).»
En clair, si cet objectif de 10’000 pas peut, a priori, paraître stimulant, méfiez-vous de ce chiffre. L’activité physique, la marche par exemple, a d’innombrables impacts positifs pour votre santé, à condition de marcher pour vous, pour votre plaisir, chaque jour si possible, mais sans forcément vous fixer un objectif chiffré.
Bonus web: Vous trouverez sur le site de l’Organisation mondiale de la santé les recommandations détaillées pour chaque classe d’âge.