Michel Desmurget n’y va pas de main morte. Dans son dernier livre, «La fabrique du crétin digital», le neuroscientifique affirme tout net que l’exposition aux écrans pour les plus jeunes est une question de santé publique, comparant cette addiction à celle induite par l’industrie du tabac ou celle du sucre.
Pour le scientifique, le temps récréatif passé par les plus jeunes devant ordinateurs, smartphones, tablettes ou télévision n’est pas simplement excessif: il est extravagant.
Et s’il pousse ce cri, c’est que cette addiction aux écrans touche directement à tout ce qui fonde le développement de l’enfant: intellectuel, émotionnel et sanitaire. Car les effets de cette consommation mènent à des troubles de l’attention, du sommeil – avec un impact fort sur la santé, notamment sur l’obésité ou la régulation émotionnelle –, ou encore des troubles du langage. En remplaçant des activités plus structurantes et plus nourrissantes pour le cerveau, en particulier les interactions familiales, le jeu symbolique ou les devoirs, ce temps passé devant les écrans entraîne des phénomènes en cascade. Des retards d’apprentissages ou des baisses de performances scolaires que désormais pédiatres, orthophonistes, psychologues ou enseignants commencent à percevoir.
L’idée du scientifique n’est pas d’effrayer mais bien d’informer, et de rappeler que ce bain numérique dans lequel nos enfants sont immergés dès le plus jeune âge les prive souvent de moments essentiels. Il rappelle par exemple qu’en lisant à un enfant une histoire quinze minutes par jour, il aura entendu 750 000 mots en un an, dont des termes peu courants dans le langage oral.
Pour comprendre comment cadrer l’usage de ces nouvelles technologies, nous avons demandé à Yasser Khazaal, médecin-chef au service des addictions du CHUV, à Lausanne, de faire le point sur les arguments avancés dans ce livre, les enjeux de ce combat et la manière pour les parents d’aborder la question avec les enfants (lire: "Contrer les effets pervers des écrans sur les enfants").
Pierre-Yves Muller
Rédacteur en chef