Après s’être répandus comme la peste, dans les années 80, les aliments ultra-transformés occupent désormais une place majeure au sein des étals. Il s’agit de produits préemballés, prêts à cuisiner ou à manger, qui ont remplacé les repas traditionnels. La Suisse figure au dixième rang d’une liste mesurant, pour 80 pays, les ventes au détail de produits ultra-transformés, avec 194 kilos par habitant et par an! Une situation moins bonne que la France, où la proportion de ces aliments dans l’assortiment des produits industriels représente déjà 70% dans les grandes et moyennes surfaces. Si ce chiffre descend à 27% dans les magasins bio, il faut noter que beaucoup d’aliments véganes, sans gluten, enrichis ou allégés, identifiés comme plus sains, sont eux aussi ultra-transformés.
Une vaste étude, publiée en mars 2023 et basée sur le suivi de 450 000 personnes dans dix pays européens, montre que les aliments ultra-transformés augmentent le risque de survenue de plusieurs cancers. En particulier du côlon, du foie, et du sein chez les femmes ménopausées. La consommation régulière ou excessive d’aliments ultra-transformés augmente aussi le risque de mortalité précoce et de maladies chroniques, comme le surpoids et l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardio-vasculaires, la dépression ou encore certains cancers.
Une réduction de 10% de leur consommation au profit de denrées plus saines et moins transformées permettrait déjà de limiter le danger.
De quels aliments parle-t-on?
Les aliments ultra-transformés se définissent comme une catégorie d’aliments industriels dont on a modifié artificiellement les propriétés sensorielles, à savoir le goût, la couleur, l’arôme et/ou la texture en utilisant au moins un «marqueur d’ultra-transformation». Ce terme désigne les arômes ainsi que les additifs dits cosmétiques, comme les exhausteurs de goût, les texturants, les colorants, les émulsifiants, les liants, etc. Il comprend également les ingrédients issus du «cracking alimentaire», une technique industrielle qui consiste à fractionner des aliments bruts, tels que du maïs ou de la pomme de terre, pour en isoler certains éléments. On obtient ainsi des graisses hydrogénées, des maltodextrines, des sirops de glucose-fructose, des isolats de protéines/fibres, etc.
Rentable et addictif
L’ultra-transformation inclut des procédés technologiques de fabrication très «drastiques», comme la cuisson à de très hautes températures et à de très fortes pressions (cuisson-extrusion), ainsi que le soufflage. Les marqueurs de l’ultra-transformation exacerbent les propriétés sensorielles des aliments, nous incitant à les consommer au-delà de notre faim tout en nous rendant dépendants. Ils permettent aussi aux industriels de réaliser de juteuses économies en les utilisant pour remplacer des ingrédients nobles et/ou pour restaurer des propriétés sensorielles très diminuées par l’utilisation de composants de piètre qualité. Mais pour la santé des consommateurs, l’addition est salée. Selon les spécialistes, l’ultra-transformation dégrade excessivement la matrice des aliments, favorisant la survenue de maladies chroniques.
Pour une alimentation saine, qui respecte de plus l’environnement et les animaux, Anthony Fardet, docteur en nutrition humaine, propose de suivre la règle des «3V». D’abord privilégier les «Vrais» aliments par rapport aux «faux» ultra-transformés. «Ces derniers doivent constituer l’exception et pas la règle, précise le chercheur, soit pas plus de 15% de l’apport en calories, ce qui représente un à deux produits par jour au maximum.» En consommant les «Vrais aliments», on peut encore respecter deux autres règles: préférer les «Végétaux», qui devraient représenter 85% des calories quotidiennes, et manger «Varié», si possible bio, local et de saison.
Le scientifique, qui exerce à l’Institut national français de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnemnet (INRAE), relève qu’on peut encore appliquer trois règles importantes pour la santé au sein des «Vrais» aliments:
1. Favoriser les formes solides des aliments aux formes liquides. Les fruits entiers, par exemple, plutôt que des jus.
2. Ne pas avoir la main trop lourde avec le sel, le sucre et le gras ajoutés en cuisine.
3. Préférer les féculents complets aux raffinés.
Ultra-transformés mais faciles à identifier
Pour limiter la consommation des aliments ultra-transformés, il faut commencer par les identifier dans les rayons. Il existe pour cela quelques astuces simples:
- Consulter la liste des ingrédients. Si le produit en compte plus de cinq, il y a au moins huit chances sur dix qu’il soit ultra-transformé. Regarder aussi leur nom. La méfiance est de mise lorsqu’un ou plusieurs ingrédients ne font pas partie de ceux que l’on utilise en cuisinant à la maison. Et plus la liste est longue, plus il est sage de reposer le produit dans le rayon!
- Se souvenir que les aliments ultra-transformés se présentent en particulier sous forme de portions individuelles, dans des emballages très colorés, et comme le relève Anthony Fardet, présentant souvent des personnages de l’univers des enfants. On trouve aussi beaucoup de produits allégés ou enrichis, ainsi que des substituts de viande.
- Utiliser une application sur son smartphone et scanner les produits afin de connaître leur degré de transformation. (lire encadré).
Anthony Fardet souligne que l’ultra-transformation ne constitue pas qu’un problème majeur de santé publique. C’est aussi un enjeu socio-économique et culturel pour la planète. Elle contribue notamment à la dégradation de l’environnement et des systèmes alimentaires, ainsi que de la petite paysannerie. Elle éloigne en outre les jeunes générations de leurs traditions culinaires. Il est donc essentiel de privilégier l’achat d’aliments moins transformés pour sa santé et pour la planète.
Application: Découvrez le degré de transformation de vos aliments!
Développée par notre partenaire Bon à Savoir, l’application NUTRISCAN+ permet de décoder les ingrédients de nombreux aliments.
1. Nutriscore
Après avoir ouvert NUTRISCAN +, scannez le code-barre de vos produits du quotidien. Sur votre écran de téléphone s’affiche le nutriscore (gradué en cinq notes, de A à E). On peut ainsi connaître la qualité nutritionnelle de l’aliment.
2. Score NOVA
En cliquant sur le nutriscore affiché à l’écran, vous obtenez une page avec davantage de détails. Dont le score NOVA (gradué de 1 à 4). On peut ainsi connaître le degré de transformation de l’aliment.
L’application donne également les additifs contenus dans le produit.
Disponible dans les stores et sur notre site: bonasavoir.ch/apps/nutriscan