A vos agendas pour choisir la date de votre dernière cigarette! Le 31 mai, c’est la Journée mondiale sans tabac. «Mon souffle s’est nettement amélioré et je savoure à plein nez les effluves du printemps», se réjouit Silvia. Elle a écrasé son dernier mégot dans la nuit du 1er janvier et réduit progressivement la dose de nicotine grâce à des substituts. «C’est la deuxième fois que j’arrête et c’est beaucoup plus facile que lors de mon premier essai», témoigne la quadragénaire. Quant à Frédéric, il a jeté son paquet de cigarettes il y a plus de vingt ans, en sortant d’une séance d’hypnose avec son épouse. Tous les moyens sont bons pour passer le cap et tordre définitivement le cou à la clope.
1. Demain j’arrête
Trois critères sont décisifs pour déterminer le degré de dépendance: le nombre de cigarettes fumées en une journée, le moment de la matinée où on allume la première et les symptômes de manque après quelques heures sans nicotine. «La première chose à faire, c’est de tenir un Journal de la fumée», conseille Anne Joris, chargée de projet en prévention et coach pour le Centre d’information et de prévention du tabagisme (Cipret). En évaluant son degré de dépendance, en repérant les moments auxquels on allume une cigarette et le contexte qui entoure ce rituel, on pourra élaborer une stratégie pour le sevrage.
2. Choisir le jour J
Il n’y a pas de bon moment pour arrêter mais, une fois la date fixée, il faut s’y tenir. Eviter les périodes précédant les fêtes, les épisodes de stress (rupture, échéances professionnelles) et les vacances. Arrêter pendant un séjour à l’étranger implique en effet de se défaire de ses vieilles habitudes au retour, ce qui représente un nouveau défi.
Mylena Frikart conseille de crier haut et fort qu’on a écrasé son dernier mégot. D’abord pour créer une pression sociale et, ensuite, pour que les proches se montrent plus compréhensifs devant les sautes d’humeur. On visera des objectifs à court terme: retrouver le goût et l’odorat, cesser de tousser ou s’offrir quelque chose avec l’argent économisé. Silvia veut ainsi acheter un iPhone; Philippe et son épouse ont dégusté solennellement, chaque semaine, une boîte de caviar.
3. Sevrage physique
Le cerveau doit apprendre à se passer de nicotine et à surmonter le manque de dopamine, une substance qui crée un pic de plaisir. Les symptômes disparaissent en principe entre une et deux semaines après le sevrage. Pendant les quinze premiers jours, éviter les soirées arrosées entre amis. L’alcool a un effet euphorisant, qui laisse croire qu’on peut tirer une bouffée alors qu’on reste très vulnérable. «Quatre rechutes sur cinq ont lieu quand on consomme de l’alcool», estime Mylena Frikart.
4. Gommes, patchs, médicaments et soutien
La motivation compte beaucoup, mais on doublera ses chances de succès en combinant des substituts de nicotine, idéalement avec le soutien d’un professionnel. «Les patchs garantissent un niveau stable dans le sang», explique
Mylena Frikart. Les gommes, comprimés et inhalateurs répriment l’envie de fumer en fournissant les pics ponctuels de nicotine au cerveau, ce qui permet de gérer les moments de grosse envie sans craquer.»
En Suisse, les substituts ne sont pas remboursés par l’assurance maladie. Il faut compter grosso modo entre 8 fr. et 12 fr. par jour pour ces ersatz, soit un peu plus que le budget consacré aux cigarettes. A noter que ces produits coûtent entre deux et trois fois moins cher en France.
Les personnes très dépendantes s’adresseront à leur médecin pour une prescription de médicaments, une option qui a fait ses preuves pour accompagner le sevrage.
5. Cigarette électronique
La vapote est moins nocive que la cigarette et le tabac chauffé de type Iqos, Ploom ou Glo. Elle préserve la gestuelle liée à la fumée. Les experts déconseillent toutefois d’y recourir, parce qu’on risque de remplacer une dépendance par une autre: trois fumeurs sur quatre alternent les cigarettes traditionnelles et les cigarettes électroniques. Or, si on ne diminue pas le taux de nicotine, on continue à mettre le cœur et le système cardio-vasculaire à rude épreuve.
6. Réinventer ses journées
Aussi difficile à surmonter que le manque de nicotine, le renoncement au rituel de la cigarette nécessite une grande détermination. «Comptez une année entière pour traverser toutes les situations où on est tenté», estime Mylena Frikart. Il faut trouver d’autres gestes pour se réveiller le matin, partager des confidences avec un proche ou ponctuer les journées de travail. Silvia doit se passer des pauses clopes qui rythmaient ses journées et Frédéric sort régulièrement avec ses collègues fumeurs pour bavarder.
«J’encourage les patients à identifier ces rituels à l’avance pour les remplacer par autre chose, explique Mylena Frikart. On peut modifier son itinéraire pour éviter le kiosque ou la station-service où on s’approvisionnait. Une patiente a déplacé la table de salon où elle posait ses cigarettes pour rompre ses habitudes.» Silvia a rangé son appartement de fond en comble, Frédéric a rongé des dizaines de crayons.
Lorsque l’envie de fumer est trop forte, on peut aussi pétrir une boule anti-stress, s’attaquer à un sudoku ou, en soirée, filer aux toilettes pour se changer les idées.
Si on a téléchargé une application, on recevra chaque soir message et badges d’encouragement. Stop Tabac a aussi mis sur pied une permanence téléphonique. Le suivi avec un coach est précieux pour rester motivé sur la durée, que ce soit chez un praticien reconnu ou avec les programmes mis sur pied par le Cipret.
7. Guerre aux calories
Prendre entre 2 et 5 kilos pendant le sevrage, c’est normal. D’abord, parce que la nicotine a un effet coupe-faim et, ensuite, parce qu’on brûle 200 kcal par jour pour lutter contre cette substance toxique. Sans parler de l’effet grignotage: chocolat et petits biscuits remplacent trop souvent les cendriers sur la table du salon. Pour limiter l’apport calorique, préférer les fruits et les carottes aux douceurs. Une marche quotidienne de 30 minutes brûle quelques calories et permet de sentir les effets positifs du sevrage sur les poumons.
8. Dérapage ou rechute
Très rares sont les fumeurs qui arrêtent de fumer du premier coup. On estime qu’il faut s’y reprendre entre 4 et 6 fois pour réussir. Chaque rechute est une occasion d’apprendre quels sont nos points faibles et recommencer en ayant plus d’expérience. Il faut d’abord faire la différence entre un dérapage, qui ne justifie pas de tout reprendre à zéro, et une rechute. Si on recule, c’est pour mieux sauter: pourquoi a-t-on recommencé? Comment faire pour déjouer ses habitudes? Après dix ans sans fumée, Silvia avait ainsi craqué en soirée. «C’était comme si je n’avais jamais arrêté! J’ai compris maintenant que je resterai ex-fumeuse à vie.» En se préparant à ces situations à risque, on pourra y résister. «Ce n’est pas un échec, mais l’occasion de réfléchir à ce qui n’a pas fonctionné pour mieux se connaître», insiste Mylena Frikart.
9. Hypnose et acupuncture
L’efficacité des méthodes alternatives n’est pas prouvée scientifiquement, mais il ne faut pas hésiter à y avoir recours en complément ou à la place des substituts. Reste que la baguette magique n’existe malheureusement pas. «En sortant de la séance d’hypnose, j’avais en tête une image d’arbre et des sensations de plein air et de fraîcheur, en contraste total avec le feu et de la fumée», raconte Frédéric. Le quadragénaire s’est appuyé sur ce lien retrouvé avec la nature pendant la phase de sevrage, mais il estime que sa motivation a été déterminante.
L’acupuncture, l’acupressure et les traitements au laser sont sensés agir sur les symptômes de manque, en traitant notamment les points sensibles de la tête. Les études sont encore insuffisantes pour prouver l’efficacité de ces thérapies. Quant à l’électrostimulation, ses effets ne sont pas avérés.