Endurer sans arrêt des douleurs abdominales et des crampes, affronter des phases de constipation tenace ou de longs épisodes de diarrhées, avoir toujours avec soi une kyrielle de médicaments et de régulateurs du transit, s’assurer à chaque sortie que l’on est placé suffisamment proche des toilettes… Le syndrome du côlon irritable peut transformer le quotidien en véritable épreuve. «Et quand en plus de cela, votre entourage ne prend pas ce problème de santé au sérieux, il y a de quoi devenir folle», témoigne Hélène*, qui se débat avec la maladie depuis une bonne décennie.
Heureusement, de mal invisible et souvent tu, le syndrome du côlon irritable s’est mieux fait connaître ces dernières années. Plusieurs ouvrages ont contribué à briser le tabou autour des problèmes de transit. Deux jeunes Françaises souffrant de cette maladie ont lancé la très populaire plateforme «Ginette et Josiane», où elles partagent leur vécu de manière décomplexée, conseillent et répondent aux préoccupations des personnes touchées. Côté médical, les pôles spécialisés dans les troubles gastriques et les différentes affections de l’intestin se multiplient, comme les centres Crohn & Colite, dont l’un vient d’ouvrir à l’Hôpital de la Tour, à Genève.
Régime alimentaire et probiotiques
Actif à Fribourg et Berne, le cabinet Intesto, avec son centre Crohn & Colite, emploie des gastro-entérologues spécialistes des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, notamment la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. Il s’avère qu’environ 10% des patients envoyés chez Intesto souffrent en réalité d’un syndrome du côlon irritable. «Nous pratiquons un diagnostic d’exclusion, c’est-à-dire que nous cherchons d’abord d’autres affections qui ont des marqueurs plus spécifiques, comme le cancer colorectal», explique le Professeur Frank Seibold, copropriétaire du cabinet. «Une fois ces possibilités écartées suite à la consultation avec le patient, à une coloscopie et parfois une gastroscopie ainsi que d’autres examens spécifiques, nous pouvons pointer un côlon irritable.»
Il convient alors de bien expliquer aux personnes touchées que ce trouble fonctionnel, dû en général à une irritation des nerfs intestinaux ou à une altération de la flore intestinale, n’a rien à voir avec un cancer et ne favorise pas des maladies plus graves, poursuit le gastro-entérologue. Dans une majorité de cas, les symptômes peuvent être fortement réduits voire disparaître grâce à la prise de médicaments et parfois de probiotiques qui contiennent des organismes vivants agissant sur la flore intestinale, et grâce à des régimes rigoureux excluant certains aliments (lire "Au quotidien, calmer ses nerfs et ménager son corps").
Parfois, des médicaments contre la diarrhée ou contre la constipation sont prescrits, selon les symptômes, ajoute Frank Seibold. Et pour les patients hypersensibles, des antidépresseurs peuvent calmer les douleurs et agir de façon positive sur le transit.
Causes psychiques à investiguer
Hélène est passée par le centre Crohn & Colite de Fribourg, mais aucun régime alimentaire, probiotique ou médicament n’a amélioré durablement son état. Des analyses de selles et des examens complémentaires du côlon n’ont pas non plus permis de déceler la présence d’une affection plus rare. Chargée de l’information au grand public, la Ligue gastro-intestinale suisse précise qu’une petite partie des patients souffrent d’un syndrome du côlon irritable grave, avec des douleurs résistantes au traitement et qui peuvent être associées à une origine psychique.
Dans ces cas-là, la psychothérapie peut être d’un grand secours. Les médecins s’accordent à dire que les causes du syndrome du côlon irritable restent en partie obscures, tout comme la relation étroite entre appareil gastro-intestinal et psychisme. «Le microbiote est d’une complexité majeure, avec plus de 1000 familles de bactéries identifiées et de larges zones encore inexplorées», note le Docteur David Lomero, médecin généraliste à Martigny. Le praticien reçoit nombre de patients souffrant de côlon irritable, pour qui les médicaments n’ont pas eu l’effet espéré.
Quand il suspecte des causes psychiques, David Lomero les envoie chez un collègue gastro-entérologue investiguant cet aspect. Sinon, il propose lui-même une approche différente: la mésothérapie, qui consiste à injecter de faibles doses de principes actifs, vitamines et oligoéléments au niveau du bas-ventre. Alliée à des conseils concernant les habitudes alimentaires des malades au cas par cas, la méthode aurait permis de soulager rapidement une bonne partie de ses patients.
Les bienfaits de la relaxation
Une foule d’autres traitements, remboursés ou non par l’assurance maladie de base, sont synonymes d’espoir pour les personnes souffrant de côlon irritable. Hélène a essayé des régimes très poussés en micronutrition, des séances d’hypnose et d’acupuncture, ou encore des techniques ostéopathiques par toucher vaginal. En dix ans, elle a dû mettre plus de 4000 fr. de sa poche pour combattre la maladie. Avec des résultats plus que mitigés, ou des améliorations seulement temporaires.
Un article paru en 2022 dans la Revue médicale suisse fait le point sur différents types de prises en charge et leur efficacité, en se basant sur les dernières études. L’hypnose a pu améliorer de façon importante les symptômes, ainsi que la qualité de vie et l’anxiété de patients. Les techniques de gestion du stress ont aussi démontré leur efficacité, tout comme la méditation en pleine conscience, qui a pu réduire de 41% les symptômes des participants à une étude. Car si les causes du côlon irritable restent floues, on sait que le stress aggrave les choses. Avec ce type de solutions, les profils anxieux ont donc de bonnes chances d’apaiser leur intestin malade. Gilles D’Andrès
*Nom connu de la rédaction