Le 1er juillet dernier, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) annonce une bonne nouvelle aux malades atteints d’Hépatite C, grave maladie pouvant évoluer en cirrhose et cancer du foie: désormais, de nouveaux médicaments de pointe seront pris en charge par l’assurance de base pour tous les assurés et non plus seulement pour ceux chez qui l’infection a atteint un stade avancé. Rendue possible par une baisse de prix négociée par l’OFSP avec les fabricants, cette prise en charge s’aligne sur les directives internationales en matière de traitement de l’hépatite C. Depuis 2016, elles ambitionnent d’administrer ces nouveaux remèdes à l’intégralité des malades contaminés.
Prolongation refusée
Pour l’un de nos lecteurs vaudois, pourtant, cet espoir a été de courte durée. Contaminé par l’hépatite C à la suite d’une blessure de travail il y a plusieurs années de cela, il n’a jamais réussi à se débarrasser du virus, malgré trois traitements lourds. En 2017, l’arrivée sur le marché du velpatasvir – une nouvelle substance active – lui redonne une chance de guérison, d’autant plus importante que sa maladie a évolué, depuis, en cirrhose. Suivi par le service de gastro-entérologie du CHUV, il commence la cure en septembre dernier.
Huit semaines plus tard, les résultats sont encourageants; néanmoins, comme le virus est toujours détectable sous forme de trace dans son organisme, son médecin décide de doubler la durée du traitement afin de lui donner les meilleures chances de guérison. Malheureusement, son assurance maladie ne l’entend pas de cette oreille et refuse la prolongation, en dépit des demandes motivées et réitérées du médecin.
Pour notre lecteur, impossible d’assumer seul le coût de la prolongation, qui se monte à plus de 32 000 fr. En dernier recours, son médecin s’adresse alors à l’entreprise Gilead Sciences, fabriquant de l’Epclusa, l’un des deux médicaments qui composent le traitement. Devant l’urgence de la situation, le laboratoire pharmaceutique finit par accepter de le fournir à titre gracieux, ce qui permet la poursuite de la thérapie. Celle-ci doit s’achever ce mois-ci. Il faut, toutefois, attendre encore quelques mois pour savoir si elle a porté ses fruits.
Pas d’alternative
Pourquoi Helsana a-t-elle refusé la prolongation du traitement? Selon l’assureur, c’est parce que la durée du remboursement de l’Epclusa est limitée par la loi. L’OFSP le confirme: dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins, elle est de 12 semaines au maximum, comme l’indique la Liste des spécialités, document qui compile toutes les préparations remboursées. Du reste, la notice d’utilisation du médicament destinée aux professionnels indique elle aussi une durée usuelle de traitement de 12 semaines.
Il n’en reste pas moins que, de l’avis de son médecin traitant, le cas particulier de notre lecteur nécessitait une prise en charge plus longue. En 2017, les recommandations officielles de l’Association européenne pour les études du foie suggéraient d’ailleurs bien 24 semaines de traitement pour certains patients ayant déjà essuyé un échec avec un médicament de la même catégorie, comme c’est le cas ici. «Une telle prescription n’a rien d’incongru, confirme Francesco Negro, spécialiste des hépatites virales aux Hôpitaux universitaires de Genève. Les cas de ce genre sont particulièrement difficiles à guérir. Comme il s’agit d’une molécule récente, on ne dispose par encore d’études prouvant l’efficacité d’une prolongation du traitement, mais il n’y avait pas non plus d’alternative.»
L’assureur décide
Dans pareil cas, il reste une possibilité au malade. L’Ordonnance sur l’assurance maladie admet des dérogations à la Liste des spécialités lorsqu’il n’existe pas d’alternative thérapeutique et que l’usage du médicament permet d’escompter un bénéfice élevé contre une maladie grave ou mortelle. C’est alors au médecin-conseil de la caisse maladie de décider si les critères sont remplis. Ici, celui d’Helsana n’a pas partagé les conclusions du service de gasto-entérologie du CHUV et s’est prononcé contre la prolongation.
De telles divergences d’opinion entre médecins traitants et médecins-conseils ne sont pas exceptionnelles, comme en témoignent deux cas similaires évoqués ces deux dernières années par notre partenaire Bon à Savoir (lire «Des médicaments hors de prix pour rester en vie» et «Double combat contre le cancer» sur bonasavoir.ch). Dans tous les cas, le dernier mot revient au médecin-conseil de la caisse maladie. En cas de refus, l’assuré ne peut que faire recours et se lancer dans une longue bataille juridique, si son état lui en laisse le temps.
Vincent Cherpillod