«Ma première femme a déserté le foyer dans les années 1960, quand mes filles étaient en bas âge», écrit Luc Martin*. J’ai donc été très surpris de voir que c’est elle et son mari qui, aujourd’hui, touchent le supplément du bonus éducatif mensuel pour notre cadette, et non ma seconde épouse et moi-même, qui les avons pourtant élevées!» (Voir tableau.)
Pour comprendre cet imbroglio digne de Dickens, un retour sur image s’impose. En 1962, ce lecteur, père d’une petite Lara âgée de 1 an, divorçait de son épouse, Catherine. Le mode de vie de cette dernière était tel qu’il avait obtenu la garde de sa fille – fait exceptionnel à l’époque. La jeune mère avait ensuite réintégré le foyer, promettant de s’occuper de l’enfant. En 1964, une seconde petite fille, Chloé, est née, hors mariage. Mais, deux ans après, Catherine repartait «vivre sa vie».
Resté seul avec ses fillettes, Luc Martin les avait confiées à ses parents jusqu’à ce qu’il rencontre sa seconde épouse, Sylvie, en 1969. Cette dernière a, depuis, élevé les petites comme les siennes.
Parents nourriciers ignorés
Les années ont passé, jusqu’à ce que Sylvie atteigne, en 2012, l’âge de la retraite. Le couple a alors appris que, s’il avait droit au bonus éducatif octroyé pour l’éducation de l’aînée, celui de la cadette, née hors mariage, était versé à sa mère biologique Catherine, quand bien même elle ne s’en est jamais occupée!
Ecœuré, Luc Martin a protesté après de sa caisse de compensation, mais en vain. Celle-ci lui a répondu, en substance, que Sylvie ne peut malheureusement pas prétendre au bonus, puisqu’elle n’a aucun lien de parenté avec les enfants. «L’autorité parentale de Chloé était attribuée à sa mère biologique, puisque aucune disposition particulière n’a été, à l’époque, prise par l’autorité tutélaire», explique Johnny Meyer, sous-directeur de la Caisse de compensation. «Le bonus éducatif est, en effet, strictement rattaché à l’autorité parentale, et ce, indépendamment du droit de garde exercé par les parents!»
Notre lecteur ne se déclare pas vaincu et réclame son dû à l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) à Berne. Sans succès! La question des enfants recueillis a été abordée lors de l’introduction du bonus éducatif, lui répond, en substance, l’OFAS, mais elle est restée sans suite, car elle était difficile à mettre en œuvre. La jurisprudence est sans appel: dans d’autres cas similaires, le Tribunal fédéral a dénié à des parents nourriciers le droit de toucher le bonus éducatif, celui-ci étant exclusivement lié à l’autorité parentale.
Il aurait fallu, dès son remariage avec Sylvie, que Luc Martin ait fait les démarches nécessaires pour obtenir l’autorité parentale sur sa cadette, afin de faire valoir leur droit au bonus éducatif. «Il faudrait mettre en garde les personnes qui pourraient se trouver dans le même cas, afin qu’elles puissent éviter une telle injustice», conclut notre lecteur. «Ces situations sont très rares, voire exceptionnelles; c’est d’ailleurs le seul cas que nous ayons eu à traiter sous cette forme», relève, de son côté, Johnny Meyer.
Claire Houriet Rime
*Prénoms et noms modifiés.
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