Elles désiraient se faire plaisir en s’offrant une cuisine étincelante. Après cinq ans de procédure fastidieuse, Chantal Bielser et Catherine Aeschbacher se retrouvent à la case départ. La seule consolation, mais pas des moindres, c’est d’avoir finalement obtenu gain de cause dans une affaire abracadabrante qui aurait pu leur faire perdre beaucoup d’argent.
Tout a commencé en automne 2007. Dans les allées du Comptoir Suisse, nos deux lectrices se laissent séduire par le stand d’un cuisiniste vaudois. Comme l’accueil est chaleureux, elles s’attardent sur le catalogue des produits et flashent sur l’un des agencements illustrés. Mais leur enthousiasme retombe aussitôt qu’elles constatent que le prix frise les 100 000 fr.
Un tel investissement ne cadre pas avec leur budget? Qu’importe, le directeur commercial de la société s’amuse à entretenir le rêve. «Il nous a proposé de nous soumettre un projet gratuitement et de faire chuter le prix à 45 000 fr. si nous acceptions que notre cuisine puisse être photographiée, voire visitée à des fins publicitaires», relate Catherine Aeschbacher. Après concertation, les deux femmes signent cette offre basée sur un mobilier massif réalisé sur mesure.
Ça coince dans les tiroirs…
L’histoire a commencé par grincer en avril 2008. Les deux clientes constatent que les plans sont inexacts, avec des erreurs d’alignement entre autres. Après plusieurs discussions, un point n’est toujours pas réglé: «Nous avions précisé que nous voulions un bloc de trois tiroirs qui ne figurait pas sur les plans. Comme la cuisine était censée être sur mesure, nous pensions que cet ajustement ne poserait aucun problème. Nous n’avons pas compris pourquoi on nous a répondu que ce n’était pas possible, si bien que nous avons refusé de signer les plans», explique Catherine Aeschbacher.
Selon la planification, la pose de l’agencement était prévue le 14 juillet 2008. La société annonce alors que les travaux ne seront pas faits en raison de la signature manquante. Puis, elle envoie à ses clientes les plans par courriel. Chantal Bielser répond qu’ils lui paraissent corrects, mais qu’elle souhaite les recevoir par courrier étant donné qu’elle n’arrive pas à les imprimer. L’entreprise lui demande de bien vou-loir les signer malgré tout. Sans succès. Il annonce alors que la cuisine sera posée à compter du 30 juillet.
Soutenues par leur protection juridique Assista, les deux Vaudoises passent à l’action. Comme la première audience de conciliation est un échec, les plaignantes décident d’aller plus loin. En mars 2011, le Tribunal d’arrondissement de Lausanne tranche en leur faveur en exigeant du cuisiniste qu’il rembourse notamment l’acompte de 18 000 fr. Mais ce dernier fait appel et la justice lui donne partiellement raison. Les deux femmes font à leur tour appel, sans leur protection juridique qui n’accepte pas de les suivre. Hélas pour elles, la justice confirme son dernier jugement .
Pari osé
Après avoir obtenu les motivations du tribunal, elles sont résolues à ne rien lâcher, d’autant que les frais à leur charge ne cessent de grossir. Elles portent l’affaire au Tribunal cantonal qui confirme à son tour le dernier jugement. Elles décident alors de saisir le Tribunal fédéral (TF). «C’est clair que nous avons pris un gros risque, mais cette situation nous était tellement insupportable que nous ne pouvions pas imaginer nous arrêter là. Surtout que nous avions déjà versé cet acompte de 18 000 fr. Et, en cours d’affaire, nous avons réalisé que le mobilier n’était ni sur mesure ni en bois massif.»
Bien leur en a pris, puisque le TF leur a donné raison. Il a estimé que le contrat prévoyait que les plans devaient être acceptés. Or, aucune de nos deux lectrices ne les avait signés. Le cuisiniste a donc dû rembourser les 18 000 fr. En y ajoutant les intérêts sur cinq ans, les plaignantes ont finalement touché 23 196 fr. De quoi repartir à la quête d’une cuisine? «Oui, mais il nous faut un peu de temps pour digérer toute cette histoire.
Et comme dit le proverbe: chat échaudé craint l’eau froide», glisse Catherine Aeschbacher.
Yves-Noël Grin