Le titre de cet article vous choque? Tant mieux. Mais, au-delà du principe, comment se passent les échanges avec les professionnels de la santé qui vous soignent, avec votre médecin par exemple? Lorsqu’il faut, face à une maladie, choisir un traitement, vous informe-t-il correctement et tient-il compte de vos préférences?
Un peu d’histoire…
Avant l’introduction d’un traitement, le médecin doit vous présenter ses bénéfices et ses risques, c’est ce que l’on appelle le consentement libre et éclairé. Le consentement doit être libre, c’est-à-dire en l’absence de contrainte, et éclairé, c’est-à-dire précédé par une information. Ce qui peut aujourd’hui apparaître comme une évidence ne l’a pas toujours été. Dans son excellent livre The Patient will see you now, le cardiologue américain Eric Topol retrace l’histoire du consentement éclairé aux USA. Il dit sa surprise qu’il ait fallu attendre 1957 pour que la mention de consentement éclairé apparaisse dans le code d’éthique de l’Association américaine de médecine: «Un chirurgien doit informer son patient sur l’utilité et les risques de l’opération.» «L’expérimentateur doit obligatoirement obtenir l’accord du patient lorsqu’il utilise de nouveaux traitements ou de nouvelles procédures.» Parmi les médecins interrogés, 90% déclaraient en 1961 avoir comme règle de ne pas informer leurs patients lorsqu’un cancer était diagnostiqué. La situation était certainement, à cette époque, similaire en Suisse.
La décision médicale partagée
Même si les mentalités ont évolué, ceci autant du côté des professionnels que des patients, l’on est en droit de se demander si, aujourd’hui, les souhaits et les préférences du patient sont toujours prises en compte. Pour y arriver, le principe retenu actuellement est celui de la décision médicale partagée, ce qui implique un processus de prise de décision commune entre le soignant et son patient.
Pour être couronnée de succès, la participation du médecin est indispensable. Et celle de son patient aussi. Le professionnel doit avoir la volonté d’informer mais aussi être capable d’intégrer dans le choix du traitement les préférences de son patient. Le patient a un rôle à jouer pour transmettre ses souhaits et pour être actif dans l’échange avec le soignant. Il peut s’agir de poser des questions, et d’oser en poser encore jusqu’à ce qu’il ait obtenu la réponse à son interrogation.
Si la décision médicale partagée est particulièrement importante pour les maladies graves – un cancer par exemple – ou pour les maladies chroniques, elle peut être invoquée pour tout problème de santé: le choix d’aller chez un physiothérapeute ou chez un ostéopathe pour un mal de dos, d’utiliser ou non un sirop antitussif pour une toux qui prend du temps à se calmer, etc.
Les objectifs du patient
Le cardiologue Eric Topol reconnaît que la situation a évolué au fil des années mais il reste très critique. Pour lui, la démarche actuelle de la plupart des médecins ressemble trop souvent aux accords que l’on donne lorsque l’on installe une application sur son smartphone: un long texte illisible avec un bouton «J’accepte». Même si sa position ne reflète la pratique que d’une minorité des soignants, le monde médical dans son ensemble peut certainement faire mieux.
Cet objectif louable de la décision médicale partagée se confronte en effet à un certain nombre d’obstacles: certains liés aux professionnels de la santé, d’autres aux patients, d’autres encore au système de santé. Du côté des soignants, il serait certainement possible de les former mieux à ces processus d’échanges avec les patients. Pour ce qui est du système, on peut bien sûr penser au manque de temps. La pression permanente sur la durée des consultations est un obstacle majeur aux échanges entre soignants et patients.
Les recherches actuelles montrent cependant une voie intéressante pour coller plus encore aux besoins des patients. Il est demandé au professionnel de la santé de hiérarchiser avec son patient ses objectifs de soins, puis de traduire ces objectifs en options de traitement. Ce qui peut sembler important pour le médecin ne l’est pas forcément pour le patient.
Il est indispensable de définir les priorités du patient, ses objectifs santé, afin d’y consacrer du temps, pour que la décision médicale partagée le soit vraiment.
Quelles leçons en tirer?
- En 2022, la décision médicale partagée doit devenir un standard de soins.
- Si tout le monde est d’accord sur ce concept, sa mise en pratique n’est pas immédiate.
- Le professionnel de la santé qui vous soigne doit vous transmettre des informations qui vous permettent de comprendre votre ou vos maladies et les différentes possibilités de traitements, ce n’est pas une faveur qu’il vous fait, c’est son devoir.
- Vous avez aussi un rôle à jouer, en étant actif dans la relation soignant – soigné mais aussi en définissant vos objectifs santé, seul moyen de définir les questions pour lesquelles vous voulez des réponses.
Lors de votre prochain contact avec un professionnel de la santé, pensez à ce concept de décision médicale partagée (voir aussi «Combien va me coûter ce traitement?»)!
Dr Jean Gabriel Jeannot, médecin, spécialiste en médecine interne