Vous ressentez un immense bien-être en sortant de votre chorale? Danser vous met le cœur en joie? Ce n’est pas qu’une impression. Pratiquer une activité artistique amène une foule de bienfaits, sans âge limite. Le seul critère valable à soupeser avant de se lancer, c’est la motivation. Bonne nouvelle: même les débutants y trouvent leur compte.
Pourquoi ça nous fait du bien?
Si les arts nous procurent tant de bonheur, c’est grâce à la biochimie et aux bouleversements de l’âme. «Lorsqu’on voit une œuvre, on est touché. Cela provoque un plaisir esthétique qui découle du traitement cérébral des émotions. Les zones impliquées dans les mécanismes de récompenses sont activées, ce qui crée du bien-être», décrit la chercheuse et physiothérapeute Anne-Violette Bruyneel. Au Musée Ariana, à Genève, son équipe scientifique a constaté qu’après une visite, les 50 ans et plus ressentaient une diminution des douleurs, du stress et de la fatigue. Leur vitesse de marche et leur équilibre s’étaient améliorés.
Sortir une fois par mois
L’activité artistique provoque des réactions émotionnelles fortes et stimule notre imagination:
- Que l’on soit récepteur (aller à un concert, contempler des œuvres au musée)
- Ou que l’on soit acteur (pratiquer un instrument, danser, peindre)
Aller au musée, au théâtre ou à des concerts une fois par mois, à un âge avancé, permet de ralentir le déclin cognitif et protège de la démence, relève un rapport de synthèse majeur1 de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur les arts et le bien-être. La recherche met en évidence le potentiel des arts dans la prévention et la gestion des maladies tout au long de la vie: diabète, affections cardio-vasculaires ou respiratoires, cancers, Parkinson, Alzheimer...
Les effets commencent en arrivant à la salle de danse
Anne-Violette Bruyneel prend la danse de salon en exemple: «On se fait plaisir et on partage une activité sans se focaliser sur la maladie.» Les bénéfices se déploient notamment dans des groupes mixtes, mêlant des personnes avec et sans affection.
L’effet opère dès l’entrée dans la salle: «On laisse ses affaires au vestiaire. Les personnes sont concentrées sur la danse», décrit la physiothérapeute. Et cela se poursuit, bien après la sortie: «La pratique induit des réponses physiologiques et des comportements qui diminuent les effets de l’isolement. De plus, on repart avec quelque chose de valorisant à raconter.» La confiance en soi grimpe en flèche et le rapport aux proches s’en trouve amélioré.
Quel que soit notre âge, on y gagne
«Je ne vais pas y arriver.» «Ce n’est pas de mon âge.» «Je risque de me blesser.» Ces craintes représentent de réels freins à se lancer. Mais la plus grande menace est la sédentarité: 30% de la population exerce moins de 150 minutes d’activité physique par semaine. Ce taux augmente à 65% chez les plus de 60 ans. Mieux vaut une sortie au musée qu’un cours de gym abandonné.
Les activités artistiques sont aménageables à tous les âges et tous les troubles, observe Anne-Violette Bruyneel. On peut danser en restant assis; les musées mettent des sièges à disposition; rythmes et mouvements s’ajustent. On parle d’activités artistiques adaptées – à distinguer des séances d’art-thérapie, qui suivent des buts thérapeutiques ciblés. Et, certes, «on progresse moins vite», l’âge venant. «Mais, quel que soit le moment où on se lance, on va progresser. C’est lié à la motivation, plutôt qu’à l’ancienneté.»
Que d’aspects positifs... Et les points négatifs, alors? Il en existe un: celui de croire que les arts soigneraient tout. Gare aux «attentes irréalistes des patients», avertit l’étude britannique. Oui, les arts participent à nous maintenir en bonne santé. Mais ils ne sont pas la panacée.
1 «What is the evidence on the role of the arts in improving health and well-being? – A scoping review», Daisy Fancourt et Saoirse Finn, 2019. Rapport de synthèse, Organisation mondiale de la Santé.
Quatre axes de stimulation
1. Santé psychologique
Régulation émotionnelle, meilleure perception de soi, adaptation à son environnement
2. Plan physiologique
Stimulation cognitive, réduction de la réponse hormonale au stress, immunité et fonction cardio-vasculaire
3. Interactions sociales
Réduction de la solitude et de l’isolement, amélioration des comportements sociaux
4. Vie quotidienne
Diminution de la sédentarité, adoption de comportements plus sains, développement des compétences personnelles
Bonus web: Retrouvez des conseils spécifiques pour les personnes atteintes d'Alzheimer et leurs proches ainsi que des études sur les arts et la maladie de Perkinson
Théâtre
On s’y entraîne à jouer un rôle, à dépasser ses propres limites, à parler haut et fort. C’est un art collectif, où l’on développe les relations aux autres.
Cet art participe à améliorer:
- La confiance en soi
- La communication
- La mémoire
- Les fonctions exécutives (habilité du cerveau à s’adapter)
- Diminue les effets de la solitude et de l’isolement, contribue à un sentiment de communauté et de fierté.
Tricot
Tricoter des motifs bariolés disperse vos idées noires? Les adeptes des mailles en témoignent volontiers: cette activité leur permet de «se vider la tête» et de «ne plus penser aux soucis». Certes créative, elle ne représente pas de «l’art» à proprement parler. Reste que le tricot a des bienfaits pour le cerveau.
Cette activité participe à améliorer:
- La gestion de l’anxiété et des émotions
- La production de sérotonine et de dopamine, hormones liées au bien-être et à la satisfaction
Danse
Danse de salon, danse contemporaine ou tout autre mouvement en musique: cette activité agit en profondeur sur le corps et l’esprit. On peut la pratiquer également avec un handicap: en adaptant les mouvements, en dansant au sol ou en position assise.
Cet art participe à améliorer:
- La tenue du corps, l’équilibre et les fonctions musculosquelettiques.
- Les biomarqueurs: taux de cholestérol, triglycérides et marqueurs de stress.
- La mémoire et les capacités d’apprentissage. Danser augmente le volume de l’hippocampe dans le cerveau et favorise la croissance ainsi que la survie des neurones.
- Et à réduire les risques de développer des troubles psychiques, comme la dépression.
Musique
Elle peut consister en la pratique d’un instrument de musique ou du chant, en groupe ou à titre individuel. Commencer le piano à 80 ans? C’est tout à fait possible et les effets bénéfiques se feront sentir, même s’il faudra faire preuve de patience.
Cet art participe à améliorer:
- La confiance en soi
- La communication
- Les compétences motrices fines
- La mémoire
- Diminue les effets de la solitude et de l’isolement
- Réduit les risques de développer des troubles psychiques, comme la dépression.
- Augmente le taux d’ocytocine et d’opioïdes endogènes libérés naturellement (dont font partie les endorphines, par exemple). Ocytocine et endorphines sont des hormones qui agissent sur: la perception de la douleur, les réponses au stress, le contrôle des réponses émotionnelles. Elles régulent l’anxiété.
Particularité: le chant renforce les muscles et la capacité respiratoire et réduit particulièrement l’anxiété. Les personnes qui chantent seraient moins sujettes à des visites médicales ou à des admissions en hôpital. Pour les personnes atteintes de Parkinson, le chant aide à maintenir la parole et l’articulation des mots.
Témoignage: «En rentrant à la maison, j’étais comme dopée»
Soledad a entraîné une amie, un beau jour de 2020, à un atelier de percussions. «Ça a dépassé toutes nos espérances!», se remémore-t-elle. Elle découvre les sonorités des tambours colombiens, dans un groupe militant féministe. «J’y suis allée par curiosité. En rentrant à la maison, j’étais comme dopée, heureuse.»
Elle n’avait jamais joué d’un instrument et rien ne la prédisposait à la chose, malgré une famille baignant dans la musique. A la veille de ses 59 ans, la voilà pourtant qui s’entraîne à la polyrythmie. «Je m’accroche», résume-t-elle, en soulignant la bienveillance du groupe, qui ne s’attarde pas sur les fausses notes et préfère encourager les succès. Le collectif est une partie essentielle de ce qui lui fait du bien durant les cours. «Ça a été une rencontre. Avec la musique, avec le groupe – constitué de personnes extraordinaires – et mon tambour. Il se passe quelque chose de physique: tout ton corps est traversé par les ondes. Et on joue ensemble, en harmonie.»
Ces ondes l’aident dans les périodes les plus dures de sa vie. A son arrivée dans ce cours, Soledad sortait d’une longue lutte face à un cancer. «J’avais besoin de récupérer, physiquement, après mon opération. Je me suis poussée à sortir. A me dire ‘ce n’est pas la fin de la vie’.» Son système lymphatique est fortement sollicité par les gestes sur le tambour. Tenir une heure entière est difficile, au début. Mais elle trouve l’équilibre, pour son corps. A force, son bras gauche parvient à suivre. La leçon: «on peut tout faire, mais à la bonne dose», décrit Soledad. Elle ne ressent plus, désormais, les mêmes fatigues qu’au début. Au contraire: dépenser son énergie durant l’heure et demie de cours la booste. «Et ça commence déjà sur le chemin du cours. Je suis hors du monde, je lâche prise.»
Peinture (et arts visuels)
Cette catégorie comprend aussi la photographie ou la sculpture, les visites de musées.
Ces arts participent à:
- Réduire les risques de développer des troubles psychiques, comme la dépression.
- Freiner les signes de déclin cognitif.
- Améliorer les capacités de concentration.
Témoignage: «Pendant deux heures, j’oublie tout le reste»
«C’est stimulant, réjouissant!» Pour rien au monde, Geneviève ne manquerait son cours de dessin du lundi. «Pendant deux heures, j’oublie tout. Je n’ai ni faim, ni soif. Je me déconnecte de l’extérieur pour me concentrer sur le moment présent. C’est un véritable antidépresseur: ça coupe l’anxiété.»
Voilà un peu plus d’un an, elle s’est inscrite à cet atelier «modèle vivant». «Nous sommes 5 ou 6 personnes, il y a la prof et... une personne, nue, qui pose.» Sitôt passé le rideau de l’entrée, Geneviève se plonge dans cette atmosphère particulière et sort de sa routine. «J’anticipe déjà positivement, avant d’arriver. Et ça a un effet très bénéfique sur mon humeur pour la semaine qui suit!» En décrivant son ressenti, la quinquagénaire a les yeux qui brillent: crayon en main, devant son chevalet, elle s’attelle à lâcher prise, à libérer son geste pour «produire le beau». «On libère son cerveau en même temps que son bras, il y a une émotion positive à ‘capter’ le bon mouvement.»
Geneviève a toujours aimé dessiner. Et ce cours était l’occasion d’acquérir de nouvelles techniques. Durant le cours, chaque dessin est exposé au regard des autres, mais sans pression. Et à la fin? Parfois, les modèles demandent à voir le résultat. «Puis, chacun enroule sa feuille de papier et repart avec. Je ne les garde pas, en général. Je fais cela pour le geste et pas pour garder des archives.» Son rouleau sous le bras, elle rentre alors chez elle: apaisée et le cœur léger.
Ces activités réduisent les risques de déclin cognitif
«Ce qui est bon pour le cœur est bon pour le cerveau.» L’adage vient de l’association Alzheimer Suisse. L’activité physique, les contacts sociaux et les activités intellectuelles font partie des facteurs réduisant les risques de développer la maladie, à côté d’une alimentation équilibrée, de l’absence de tabagisme et de la consommation modérée d’alcool.
Les activités culturelles «contribuent à notre réserve cognitive: soit la résilience de nos cerveaux lorsque nous avançons en âge», pointe l’étude de l’OMS. Idem pour des maladies comme Parkinson: la danse amène des stimulations qui améliorent l’équilibre et la mobilité des personnes atteintes. Dans les cas de démence, l’écoute ou la pratique de la musique a des effets positifs sur la fluidité de la parole et la gestion de l’espace, tout en préservant la mémoire autobiographique. Ceci, probablement parce que les centres de gestion cognitive et des émotions induites par la musique sont très proches, dans notre cerveau.
L’association Alzheimer Suisse se veut prudente et tient à éviter tout faux espoir. On distinguera deux types d’activités. D’une part, celles faisant appel à nos facultés du quotidien (crochet, tricot, broderie, bricolage, scrapbooking ou encore les jeux de cartes). Si elles participent à la bonne santé du cerveau en général, elles ne suffisent pas à prévenir la maladie d’Alzheimer et comptent sur des gestes habituels et répétitifs. D’autre part, il y a les activités «qui stimulent la plasticité neuronale».
Conseil:
- Apprendre ou pratiquer une langue étrangère
- Apprendre ou jouer d’un instrument de musique
- Faire une activité physique qui demande de la coordination (danse, yoga, Tai-chi)
- Maintenir des contacts sociaux et pratiquer des activités en groupe
«Faire travailler son cerveau, l’activer en restant curieux, en le soumettant régulièrement à des nouveautés est efficace. C’est la nouveauté qui stimule la neuroplasticité», précise Alzheimer Suisse. Des personnes ayant joué d’un instrument durant plus de dix ans présentent ainsi une meilleure gestion de l’espace et un moindre risque de déclin cognitif ou de démence.