Au rayon cosmétique, les filtres UV sont partout. Dans les crèmes solaires bien sûr, mais pas seulement. Ces molécules, dont le but est de protéger notre peau des méfaits du rayonnement solaire, se retrouvent désormais aussi dans des crèmes hydratantes ou anti-âge, dans des bases de maquillage, dans du fond de teint et même dans du blush… Le problème? Ces filtres n’ont, la plupart du temps, aucune utilité. Pire, ils sont potentiellement néfastes pour la santé et l’environnement.
Vous n’y avez peut-être jamais prêté attention, mais les mentions «FPS», «SPF» ou «LSF» suivies d’un nombre (15, 20, 30, etc.) ont fleuri sur les cosmétiques. Elles signalent un indice de protection solaire. Et suggèrent donc que tel ou tel produit vous protège aussi des UV et de leur impact sur le vieillissement cutané. La réalité est beaucoup moins reluisante, comme le dénonce Céline Couteau, maîtresse de conférences en cosmétologie à l’Université de Nantes.
Premier problème: l’efficacité. Avec sa consœur Laurence Coiffard, professeure en galénique et cosmétologie, la Française a réalisé des tests en laboratoire et montré que de nombreux produits cosmétiques contenant des filtres UV ne suivent pas les recommandations de l’Union européenne. Ils offrent donc une protection insuffisante contre les UVA – principaux responsables du vieillissement de la peau. Sans parler du fait que certains de ces produits ne sont pas photo-stables. En clair, leurs filtres perdent plus de 10% de leur efficacité après deux heures d’irradiation aux UV.
Faux sentiment de sécurité
Il y a plus édifiant encore. Pour jouer son rôle protecteur, une crème solaire classique doit être appliquée en couche épaisse. Geste qu’il faut renouveler toutes les deux heures. «Personne ne fait cela avec son fond de teint», souligne Céline Couteau. Souvent inefficaces et particulièrement inadaptés, les cosmétiques avec filtres UV donnent, selon elle, un faux sentiment de sécurité: «Ils encouragent les gens à s’exposer plus au soleil, croyant être protégés alors que ce n’est pas le cas.»
Pourtant, les filtres UV n’ont cessé de s’imposer dans les formules proposées par les fabricants. En 2012, l’Ecole polytechnique de Zurich avait analysé plus d’une centaine de produits. Un grand nombre d’entre eux contenaient plusieurs de ces filtres, certains dans des concentrations aussi élevées que dans des crèmes de protection solaire. Parmi les cosmétiques concernés, des crèmes pour le visage, pour les mains, des produits de maquillage, des après-rasages et même du rouge à lèvres (lire l’encadré).
Pénétration dans l’organisme
Cette tendance soulève d’autres questions. Beaucoup de produits sont utilisés quotidiennement par des gens qui ne s’exposent pas forcément au soleil. Or, les filtres UV qu’ils contiennent pénètrent dans le corps par l’épiderme. Des tests ont montré qu’on pouvait en retrouver la trace dans les urines, le sang, mais aussi dans le lait maternel. Leur présence dans une kyrielle d’articles cosmétiques d’usage courant fait craindre une accumulation non seulement inutile, mais surtout dangereuse.
Ces molécules aux noms un peu barbares pour le consommateur (ethylhexyl methoxycinnamate, butyl methoxydibenzoylmethane, etc.) ont des effets potentiellement allergisants et peuvent perturber le système endocrinien. «Elles ne sont pas anodines et ne sont pas faites pour être appliquées sur la peau jour après jour», prévient Céline Couteau. En 2021, une étude franco-américaine alertait sur l’octocrylène. Ce filtre de protection solaire fréquemment utilisé est susceptible de se dégrader en un composé cancérigène et perturbateur endocrinien: la benzophénone.
«Si les crèmes solaires constituent un mode de protection intéressant quand on expose sa peau au soleil, leur usage devrait rester limité et ponctuel, rappelle Céline Couteau. Les cosmétiques du quotidien, en revanche, ne devraient pas être utilisés dans ce but. Pour notre santé et celle de l’environnement.» Choisir des produits sans filtres UV reste possible, même s’il faut ouvrir l’œil car ces alternatives sont de moins en moins nombreuses.
Vernis à ongles et shampoing aussi concernés
Les filtres UV sont ajoutés à un grand nombre de cosmétiques, tels que des crèmes pour le visage ou des produits de maquillage, avec l’argument marketing qu’ils protègent la peau du vieillissement cutané. Mais on en trouve également dans d’autres produits a priori plus incongrus: du rouge à lèvres, du vernis à ongles, des produits d’hygiène pour les mains, du gel douche et même du shampoing. Le rôle des filtres UV y est alors différent. Ceux-ci servent aux fabricants à protéger leurs formules, afin d’éviter la dégradation prématurée du produit. Dans le cas du vernis à ongles, par exemple, les filtres UV vont protéger le colorant de la lumière. Même si, comme le relève Céline Couteau, «votre vernis risque de s’écailler avant que sa couleur n’ait le temps d’être abîmée par la lumière».