Un léger goût de noisette, pas de théine: le rooibos constitue une alternative intéressante au thé puisqu’on peut en boire à toute heure sans craindre l’insomnie. Pauvre en tanins, cette infusion ne devient pas amère et ne tache pas les dents, contrairement au thé. On lui prête aussi de nombreuses vertus pour la santé (lire l'encadré «Il contient des sels minéraux, du magnésium, du potassium et du fer»).
Pendant des années cependant, les analyses ont montré que de nombreux rooibos étaient contaminés par des mauvaises herbes, néfastes pour la santé. A tel point que l’Union européenne a légiféré l’an passé pour limiter ces substances potentiellement cancérigènes. Nous avons donc voulu savoir ce qu’il en est désormais. Bonne nouvelle: notre test démontre que les rooibos analysés contiennent moins de composants problématiques et qu’ils ne présentent pas de danger pour la santé.
Dans le viseur du laboratoire mandaté: les alcaloïdes pyrrolizidiniques. Présents naturellement dans les plantes, ces composants protègent les végétaux des ravageurs. Cependant, une fois ingérés par l’humain, certains de ces alcaloïdes sont susceptibles de causer des lésions au foie. On les soupçonne aussi d’être cancérigènes.
Le rooibos lui-même en est exempt. La contamination vient des mauvaises herbes, moissonnées au moment de la récolte.
Grand écart des prix
Pour ce test, Ma Santé et l’émission radio de la RTS On en parle ont donc fait analyser 12 rooibos achetés en grande surface (lire «Les critères du test»).
Résultat: cinq échantillons ne contiennent pas d’alcaloïdes pyrrolizidiniques dans les quantités décelables par le laboratoire. Les sept autres en recèlent, avec des teneurs allant de 11 à 77 microgrammes par kilo (µg/kg). On se situe donc nettement en dessous de la teneur maximale de 400 µg/kg fixée par l’Union européenne (lire «Moins de contaminants grâce à la loi européenne»).
Sur les cinq produits exempts de ces alcaloïdes, quatre sont étiquetés bio. A l’inverse, cinq des sept échantillons qui en renferment ne sont pas des articles bio. Pour ce qui est des prix, nos achats font le grand écart, allant de 2.78 fr. à… 32.50 fr. les 100 g. Notons que le dernier rooibos du classement est aussi l’un des plus chers du test (25.80 fr./100 g). Il demeure toutefois «satisfaisant», car il reste très éloigné de la valeur maximale européenne.
Veille du chimiste cantonal
Des résultats positifs aux yeux du chimiste cantonal genevois, Patrick Edder: «Ils se situent à un seuil très bas par rapport à ce que l’on trouvait avant l’introduction de la réglementation européenne. On aurait pu s’attendre à ce que certains produits flirtent avec la limite de l’UE, mais ce n’est pas le cas.»
Son service a fait office de pionnier en analysant des thés et des rooibos depuis 2013. Et a observé la baisse des teneurs en alcaloïdes pyrrolizidiniques: en 2013, 6 produits sur 59 dépassaient les 400 µg/kg. En 2017, c’était le cas de 10 des 94 échantillons. L’an dernier, plus aucun rooibos analysé par le chimiste cantonal genevois n’était au-dessus.
Risque faible pour la santé
On peut boire les rooibos analysés dans notre test en toute quiétude, selon l’Office fédéral de la santé et des affaires vétérinaires (OSAV): «La teneur de 77 µg/kg que vous avez mesurée est inférieure à la teneur maximale autorisée et peut être considérée comme sûre.» Pas question d’en abuser pour autant. «L’absorption régulière de ces substances constitue un risque accru pour la santé, il convient dans tous les cas de réduire leur consommation.»
Selon l’Autorité européenne de sécurité alimentaires (EFSA), le potentiel cancérigène des alcaloïdes pyrrolizidiniques constitue plus particulièrement un risque pour les personnes qui consomment fréquemment du rooibos en grandes quantités.
Nous avons ainsi calculé, en nous basant sur les explications fournies par l’EFSA, qu’un adulte de 60 kilos devrait boire chaque jour au moins dix tasses de rooibos pour que sa consommation commence à devenir préoccupante pour sa santé.
Réactions face aux résultats
Les marques de rooibos indiquent que les faibles teneurs relevées dans notre test découlent de leurs contrôles internes et des mesures prises par leurs fournisseurs.
Erboristi souligne que les résultats honorent les efforts consentis: «Les petits cultivateurs de la coopérative Heiveld doivent nettoyer régulièrement leurs champs des mauvaises herbes. Ils récoltent à la main, ce qui permet un contrôle supplémentaire. Tous les producteurs ont reçu une formation concernant ces substances.»
Sirocco affirme mener des analyses approfondies avant d’acheter un lot. Dammann, où le laboratoire a trouvé la plus grande quantité d’alcaloïdes pyrrolizidiniques, répond que «malgré le désherbage mécanique ou manuel assidu, on ne peut exclure leur présence fortuite ou une contamination d’une production adjacente». Mais la marque retient que les taux retrouvés sont «bien en deçà de la réglementation européenne». Le chimiste cantonal genevois confirme qu’on ne peut exiger que tous les rooibos soient exempts de ces alcaloïdes. La présence d’une ou deux mauvaises herbes dans un lot suffit pour modifier le résultat.
Les critères du test
Nous avons acheté douze sortes de rooibos dans les grandes surfaces romandes, dont dix paquets conditionnés en sachets et deux en vrac. Parmi les principaux distributeurs, seuls Aldi et Denner n’en proposent pas en rayon.
Alcaloïdes pyrrolizidiniques
Un laboratoire spécialisé a analysé leur contenu. Au total, 35 alcaloïdes pyrrolizidiniques, des substances potentiellement cancérogènes génotoxiques, ont été recherchés. Selon le règlement européen, introduit en 2022, la valeur totale de ces 35 alcaloïdes ne doit pas dépasser 400 microgrammes par kilo (µg/kg) dans le rooibos.
Pour les contaminants alimentaires, dont ces 35 substances font partie, les teneurs maximales sont fixées «au niveau le plus bas qu’on peut raisonnablement atteindre en respectant de bonnes pratiques agricoles», explique Stefan de Keersmaecker, porte-parole de la Commission européenne. Cette limite varie selon les produits et les spécificités de récolte. Ainsi, la teneur maximale pour le rooibos est de 400 µg/kg, alors que celle du thé est de 150 µg/kg.
Il contient du magnésium, du potassium et du fer
Le rooibos n’est pas un thé et il ne contient pas de théine. Il s’agit d’un arbuste de la famille des acacias, qui ne pousse qu’en Afrique du Sud, dans les montagnes de Cederberg, à 200 km au nord du Cap. Son nom signifie «buisson rouge» en afrikaans. Les Européens en sont friands: plus de 35% des 8800 tonnes exportées en 2021 ont pris la destination de l’UE.
Le rooibos est doux et moelleux, avec un léger goût de noisette. Traditionnellement, on peut le boire avec du sucre et du lait, comme en Afrique du Sud. Il se déguste tout aussi bien nature, chaud ou froid, et même glacé en été.
On lui prête de nombreuses vertus, qui n’ont pas été confirmées scientifiquement. Dans l’usage populaire local, le rooibos est utilisé contre les troubles digestifs, notamment les coliques des nourrissons, et pour bien dormir. Il favoriserait à la fois l’endormissement et la qualité du sommeil.
En voie externe, il soulagerait l’eczéma. Le rooibos contient des substances antioxydantes, surtout des polyphénols. Il est actuellement difficile de déterminer leurs effets véritables sur la santé humaine.
Ce petit arbuste renferme également des sels minéraux, notamment du magnésium, du potassium et du fer.