Passer deux fois à la caisse pour un chantier, c’est un comble! Des propriétaires en font pourtant régulièrement l’amère expérience.
Quand on confie la construction de sa maison à une entreprise générale, il peut arriver que les factures des artisans œuvrant sur le chantier ne soient pas réglées. Soit parce que l’entreprise générale, elle-même en difficultés financières, utilise le montant prévu à d’autres fins. Soit parce que le coût total de la maison dépasse le budget prévu initialement, et que le crédit de construction est épuisé (lire TCF 1/2010).
L’artisan essuie dans ce cas une perte sèche, non seulement pour les heures passées sur le chantier, mais pour le matériel livré et posé. Selon les sommes en jeu, elle peut entraîner la faillite de l’entreprise. Le seul moyen d’obtenir réparation est de requérir la constitution d’un droit de gage sur l’immeuble, appelé «hypothèque légale», à hauteur du montant perdu.
L’utilisation de cette arme redoutable est soumise à des règles strictes. Elle est réservée aux maîtres d’état indépendants qui ont travaillé directement sur le chantier, que ce soit en fournissant des matériaux et du travail (maçon, peintre, menuisier, électricien entre autres) ou seulement du travail (poseur de cuisine, terrassier). Et cela, que ce soit pour la démolition d’un ouvrage existant, une rénovation ou une construction neuve.
Sur mesure
Autre condition: le matériel fourni doit avoir été fait sur mesure pour ledit chantier, du fer à béton aux moquettes, en passant par les meubles de cuisine. Ce qui exclut les pièces faites en série, telles que briques ou simples tuiles.
Une fois le travail fini, l’artisan dispose d’un délai de trois mois pour agir. Si, ce qui est la plupart du temps le cas, la créance n’est pas reconnue par le propriétaire, il devra saisir un juge pour demander une inscription provisoire au Registre foncier avant l’échéance. Ce dernier entendra alors les deux parties. Dans un deuxième temps, le magistrat statuera sur l’inscription définitive.
Pour le propriétaire, le rêve se transforme alors en cauchemar. S’il veut éviter d’en arriver là, il n’aura pas d’autre choix que de passer à la caisse, et de payer une seconde fois le montant déjà versé à l’entreprise générale. Dans le pire des cas, si le maître d'œuvre engage des poursuites, il sera contraint de vendre son bien. Car les hypothèques légales ont un rang privilégié: elles passent avant les autres créances, même les crédits accordés par les banques.
Choqué de voir des propriétaires en arriver là, le Tribunal fédéral, avait lui-même appelé de ses vœux une révision de la loi en faveur de ces derniers. Refusant d’enlever leur moyen de défense aux petites entreprises, le Parlement a, au contraire, renforcé l’hypothèque légale: les maîtres d’état disposeront, dès 2012, d’un délai de quatre mois pour la faire inscrire!
Claire Houriet Rime
Pour éviter d’en arriver là
- Choisir une entreprise générale aux reins solides en demandant un certificat à l’Office des poursuites pour s’assurer qu’elle n’est pas déjà en difficulté.
- Préférer celles qui sont membres de l’Association suisse des entrepreneurs généraux (ASEG).
- Protéger les acomptes versés par une garantie d’exécution (lire TCF 1 / 2010).
- Tenter, par tous les moyens, de repérer les canards boiteux: en interrogeant son conseiller bancaire, les anciens clients de l’entreprise et les forums de discussion en ligne.
- Exiger un contrat type proposé par l’ASEG, qui engage l’entrepreneur à payer ses fournisseurs et à garantir qu’aucune hypothèque légale ne sera inscrite.
- Avant d’acheter une maison, vérifier au Registre foncier qu’elle n’est grevée d’aucune hypothèque légale.