Ils filaient le parfait bonheur, entourés de leurs pétillants bambins, dans une villa somptueuse. Vingt ans plus tard, c’est la rupture. Si tous les couples ne se déchirent pas à la façon de Michael Douglas et de Kathleen Turner dans La guerre des Rose (1990), le divorce implique la répartition difficile des biens matériels. Parfois négociation sereine, souvent bataille impitoyable, le processus est d’autant plus délicat que les sommes en jeu sont élevées.
Alléchantes plus-values
Dans ce contexte, la liquidation d’un bien immobilier est capitale: c’est généralement l’objet qui a le plus de valeur dans le patrimoine familial. Et, comme le boom de l’immobilier a fait grimper les prix, la revente d’une maison suscite davantage de litiges financiers encore, en cas de divorce. Car chaque partie aimerait tirer profit des alléchantes plus-values réalisées sur la vente.
Si l’on admet que les époux sont soumis à la participation aux acquêts – régime matrimonial le plus courant – et qu’ils sont copropriétaires de la maison pour moitié, il convient de déterminer s’ils l’ont financée à parts égales. Si tel est le cas, les discussions sont vite closes: tout est divisé par deux, plus-values comprises, à moins qu’une convention spécifique ne dise le contraire (lire encadré).
Les choses se corsent lorsque Madame ou Monsieur n’a pas contribué équitablement au financement du bien dans l’apport de fonds propres notamment. Jusqu’il y a peu, on considérait que la répartition de la plus-value devait tenir compte des montants investis par chacun. Mais plusieurs arrêts du Tribunal fédéral viennent de changer la donne.
Bénéfices à partager
Pour bien comprendre ce que cela implique, prenons l’exemple de Madame et de Monsieur Casa qui avaient acheté en copropriété, par moitié, leur villa en 1985 au prix de 600 000 fr. L’objet avait été financé par l’apport de fonds propres de Monsieur (120 000 fr.) et par un prêt hypothécaire de 480 000 fr. En 2014, le bien est vendu 900 000 fr., soit un facteur de 1,5 par rapport au prix d’achat, et donc une plus-value de 300 000 fr.
Auparavant, la liquidation de la copropriété se déroulait ainsi: Monsieur récupérait logiquement ses fonds propres de 120 000 fr., mais il pouvait également prétendre à une participation à la plus-value. Celle-ci correspondait à sa part de contribution au financement de la villa (20%) sur la valeur vénale de l’objet (900 000 fr.), soit 180 000 fr. Il avait ainsi droit à 300 000 fr. au total. Dans une second étape – valable aujourd’hui encore –, ce résultat devait être intégré dans la liquidation du régime matrimonial, en déterminant ce qui appartenait aux biens propres et aux acquêts de chacun. Or, comme les fonds de Monsieur faisaient partie de ses biens propres, il n’avait rien à partager. Au final, Madame ne touchait donc pas un sou.
Avec la nouvelle jurisprudence, chacun a droit à une part égale (150 000 fr.) de la plus-value, quels que soient les montants avancés par chaque époux. Dans une seconde étape, la liquidation du régime matrimonial lui permet de toucher la moitié de la plus-value (150 000 fr.) ainsi que les fonds propres qu'il avait engagés (120 000 fr.).
Comme l’argent qu’il avait investi provenait de ses biens propres, cette masse lui appartient totalement. Pour sa part, Madame reçoit la moitié de la plus-value (150 000 fr.). Mais, comme sa part de copropriété a été acquise à crédit, cette somme fait partie des acquêts et doit donc être partagée avec son conjoint. Au final, elle touchera donc 75 000 fr, alors qu’elle n’aurait pas touché un seul kopeck avant la nouvelle jurisprudence.
Yves-Noël Grin
Clarifier au moment de l’achat
Cette nouvelle jurisprudence a la particularité de s’écarter des dispositions qui régissent les partages matrimoniaux. L’article 206 du Code civil prévoit, en effet, que le conjoint qui prête gratuitement des fonds pour l’acquisition d’un bien a droit à une participation à la plus-value, comme c’était le cas auparavant. Désormais, la plus-value se partage uniquement en fonction des parts de copropriété – souvent à parts égales entre les époux – qui figurent dans l’acte d’achat. Rien n’empêche pourtant les conjoints d’en décider autrement. Ils doivent alors établir une convention au moment de l’acquisition de leur habitation en fixant les modalités du partage en cas de liquidation. Ainsi, il leur sera, notamment, possible de conserver l’ancienne règle qui prévalait, soit une répartition de la plus-value en fonction des parts de financement de chacun.