Risquer un infarctus, une attaque célébrale ou une pustulose aiguë généralisée en voulant soulager un simple rhume? Ces effets indésirables, rares mais graves, peuvent survenir si l’on prend des médicaments oraux contre le rhume contenant de la pseudoéphédrine.
Cette substance vasoconstrictrice resserre les vaisseaux sanguins, diminuant l’écoulement nasal. Prise par voie orale, elle se répand, cependant, dans tout l’organisme, provoquant parfois de méchantes réactions au niveau des vaisseaux du cerveau, du cœur ou encore des intestins. En Suisse, huit remèdes contre les refroidissements, de marques connues comme Neocitran, Pretuval, ou Algifor, en contiennent (voir encadré).
Remis sans ordonnance
Les réactions graves sont très rares, mais l’identification de nouveaux risques neurologiques, l’an passé, a incité l’Agence nationale française de sécurité du médicament (ANSM) à soumettre, désormais, leur remise à ordonnance. Des voix se sont même élevées dans le pays pour demander leur interdiction. Et en Suisse? L’autorité de surveillance des produits pharmaceutiques, Swissmedic, a ordonné une mise à jour de l’information destinée aux professionnels et aux patients! «Pour l’instant, nous estimons que nos mesures sont suffisantes», nous a sobrement expliqué Swissmedic, qui a reçu 53 déclarations d’effets indésirables ces dix dernières années, dont aucun décès. De leur côté, les fabricants Galenica et Zambon nous ont expliqué qu’ils se conforment strictement aux directives de l’autorité de surveillance.
Thierry Buclin, professeur honoraire de pharmacologie clinique au CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois), voit dans ces décisions de l’ANSM et de Swissmedic le reflet d’«une différence culturelle entre une France prompte à réglementer et une Suisse plus libérale, qui compte aussi sur les pharmacies pour encadrer les soins de premier recours». La société suisse des pharmaciens PharmaSuisse précise que les officines ont un devoir d’information: «Cette obligation doit être particulièrement respectée dans le cas de la pseudoéphédrine, en raison des effets secondaires potentiels parfois graves.» Les pharmaciens doivent ainsi, notamment, «évaluer la pertinence du traitement», «informer sur les contre-indications, les effets indésirables, les risques d’interactions médicamenteuses» et «prodiguer des conseils d’utilisation».
Un risque inutile
Au-delà des conditions de remise, c’est l’utilité elle-même de ces produits qui pose question. L’ANSM souligne que «les effets indésirables connus peuvent apparaître chez des patients sans facteur de risque ni antécédent médical, quelles que soient la dose et la durée du traitement». Surtout, l’Agence recommande «de ne pas utiliser ces médicaments de confort au regard des risques graves encourus, bien que faibles en fréquence. Le rhume guérit spontanément en 7 à 10 jours».
Une position tout à fait pertinente pour Thierry Buclin: «Je pense que le rapport utilité-risque de ces vasoconstricteurs par voie orale n’est pas favorable. Même si les effets secondaires sont très rares et sans vouloir peindre le diable sur la muraille, les faibles bénéfices apportés par ces traitements ne valent pas la peine de courir le risque».
Solutions non médicamenteuses
- Les médicaments contre les refroidissements n’influencent pas la durée de la maladie. Ils sont uniquement censés soulager les symptômes, mais leur efficacité est moindre: «Je ne prescris jamais ces combinés antirhume par voie orale. Leur apport est insignifiant. Ils ne me manqueraient pas du tout s’ils disparaissaient», confie Thierry Buclin. Le professeur en pharmacologie clinique suggère de privilégier des remèdes non pharmaceutiques, par exemple:
- Rinçages à l’eau salée (NaCl) pour les rhumes muqueux, à acheter ou à faire soi-même.
- Boissons ou bonbons avec du miel pour la toux. (lire aussi «Quand les remèdes de grand-mère surpassent les médicaments» sur masantemag.ch)
- Utiliser un humidificateur, ce qui diminue aussi le risque de surinfection broncho-pulmonaire.
- En cas de fièvre, de douleurs articulaires, on peut prendre du paracétamol sur un jour ou deux.
L’ANSM suggère quelques gestes simples pour améliorer son confort en cas de rhume: boire suffisamment, dormir la tête surélevée, maintenir une atmosphère fraîche (18-20°C) et aérer régulièrement.
Sébastien Sautebin
Listes des huit médicaments oraux contenant de la pseudoéphédrine
Aspirine Complexe, granulés (Bayer)
Pretufen Rhume et douleurs liés à un refroidissement, comprimés pelliculés (Bayer)
Pretuval Grippe & refroidissement, compr. pelliculés (Bayer)
Pretuval Grippe & refroidissement C, compr. effervescents (Bayer)
NeoCitran Rhume/refroidissement, compr. pelliculés (Haleon)
Algifor Dolo Rhinogrippal, gélules (Verfora)
Rinoral, capsules retard (Zambon)
Fluimucil Grippe day & night, compr. effervescents (Zambon)