A première vue, on dirait de petits sachets de thé vendus dans des boîtes de bonbons. Si ce n’est que les pouches (prononcer «paoutch»), ou sachets de nicotine, ne servent pas à faire des infusions. Ils se glissent dans la bouche, entre la lèvre et la gencive, et sont loin d’être inoffensifs.
Composés à partir d’un tissu perméable, ils ne renferment pas de tabac – comme les sachets de snus – mais une simple poudre de nicotine. Et des arômes qui se déclinent presque à l’infini. On en trouve parfumés à la menthe, à la cerise, à la pastèque ou au café.
Cette multiplication de goûts sucrés rappelle les puffs, les cigarettes électroniques jetables. Tandis que ces dernières se trouvent dans le viseur des autorités qui commencent à les interdire, les ventes de sachets de nicotine, elles, décollent. Les boîtes disponibles sur le marché suisse se multiplient. Parmi les marques en vue, certaines sont des émanations de cigarettiers bien connus. Velo appartient à British American Tobacco, Nordic Spirit à Japan Tobacco International et Zyn est liée à Philip Morris.
L’Organisation mondiale de la santé range les pouches dans la panoplie développée par l’industrie pour séduire les jeunes et les rendre accros à la nicotine. Design, arômes… tout est fait pour leur plaire. Les arguments marketing se veulent rassurants, ils présentent ces produits comme «plus sûrs» que les cigarettes et mettent en avant l’absence de tabac, de fumée ou d’odeurs.
Depuis octobre, les sachets de nicotine tombent sous le coup de la loi sur les produits du tabac et sont interdits à la vente aux mineurs. Ils continuent néanmoins à susciter une certaine inquiétude. En réponse à une interpellation parlementaire, le Conseil d’Etat vaudois a d’ailleurs reconnu, en juin dernier, être «conscient de cette problématique de santé qui touche en particulier les jeunes».
Que trouve-t-on dans ces sachets?
Les pouches contiennent de la nicotine, dont la concentration varie selon les produits. Elle oscille généralement entre 4 mg et 15 mg de nicotine par sachet, si l’on en croit les indications des fabricants. A titre de comparaison, une gomme à mâcher utilisée pour le sevrage du tabac contient entre 2 et 4 mg de nicotine par pièce.
Toutefois, des analyses réalisées par le Comité national français contre le tabagisme et le magazine 60 millions de consommateurs ont révélé que certains sachets contenaient des taux de nicotine plus élevés que les mentions revendiquées par les marques. Ces analyses ont aussi décelé la présence de métaux lourds. De l’arsenic était présent dans tous les sachets, dans des proportions jusqu’à 6,5 fois supérieures à ce que l’on trouve dans une cigarette. Les tests ont encore retrouvé du plomb, de l’antimoine ou du formaldéhyde. Ils ont, par ailleurs, mis en lumière des taux très élevés d’édulcorants.
Quels sont les risques?
- Dépendance La nicotine est une substance fortement addictive. Pour Markus Meury, porte-parole d’Addiction Suisse, si «les sachets de nicotine sont sûrement beaucoup moins nocifs que les cigarettes, et probablement que les produits à chauffer et les vapes, ils causent une dépendance tout aussi forte». Il estime que ces sachets sont devenus «des produits d’entrée dans la consommation de nicotine pour les jeunes et les jeunes adultes».
- Intoxication L’ingestion accidentelle ou intentionnelle d’un sachet de nicotine peut entraîner les symptômes suivants: maux de tête, nausées, vomissements, douleurs abdominales, voire convulsions. En France, les centres antipoison enregistrent de plus en plus d’appels concernant de telles intoxications, dont les principales victimes sont des enfants et des adolescents. En Suisse, le service de consultation pour les questions liées aux intoxications, Toxinfo reconnaît recevoir des demandes de renseignements sur les sachets de nicotine. Leur nombre reste faible, selon leur référente, Dr Colette Degrandi.
- Affections de la bouche Une consommation régulière de nicotine en sachets peut irriter les muqueuses buccales et augmenter le risque d’inflammations locales, selon Christoph Ramseier, médecin-dentiste et professeur associé en parodontologie à l’Université de Berne.
«Les propriétés alcalines des sachets de nicotine favorisent l’absorption rapide de la nicotine via la muqueuse buccale, ce qui peut entraîner des irritations locales», précise-t-il. Bien que les données à long terme soient limitées, de fortes doses de nicotine peuvent affecter la circulation sanguine et la régénération cellulaire.
Les sachets peuvent contenir des traces de nitrosamines, des substances cancérigènes, si la nicotine utilisée est extraite du tabac.
Présidente de la Section Romande de Swiss Dental Hygienists, la faîtière des hygiénistes dentaires, Lucie Mazerolle confirme observer des modifications de muqueuses chez les utilisateurs de sachets de nicotine. Souvent placés aux mêmes endroits dans la bouche, ceux-ci altèrent les muqueuses situées dans ces zones, détaille-t-elle: «des kératinisations de la gencive ainsi que diverses lésions gingivales accompagnent fréquemment la consommation de ces produits». Une régression des gencives et l’érosion des tissus dentaires durs peuvent aussi survenir.
Geneviève Comby