L’assurance maternité ou le droit de révocation de sept jours en matière de petit crédit représentent des victoires éclatantes pour les consommateurs. En revanche, dans d’autres domaines, les nouveaux acquis sont difficiles à défendre sur le terrain. C’est le cas notamment de l’indication plus stricte des prix, peu aisée à contrôler, ou encore de l’interdiction des spams, ne produisant guère d’effets.
Indication des prix
En 1999, l’affichage obligatoire des prix a été étendu aux services: agences de voyages, salons de coiffure, cinémas et musées, banques, télécommunications, etc. En 2004, même les dentistes ont dû s’y soumettre. Puis, de nouvelles exigences ont été introduites pour la publicité des agences de voyages, qui doit indiquer tous les coûts, y compris les taxes d’aéroport. Pas de quartier non plus pour les services à valeur ajoutée (0900) et les services via internet, priés notamment de mentionner leurs tarifs au début de la communication. La transparence est également imposée aux émetteurs de cartes de crédit et de débit: leurs offres et leurs factures doivent annoncer tous les frais (1).
Dans les faits, il n’est pas aisé de faire respecter la loi, tant les moyens font défaut. Les polices du commerce, chargées du contrôle, ne disposent en général que de quelques agents par canton.
Droit alimentaire
En 2002, l’étiquetage des denrées alimentaires est devenu plus transparent. Ainsi, l’indication de la proportion d’un ingrédient mis en évidence sur le produit est aujourd’hui obligatoire (par exemple le pourcentage de fraises dans un «yogourt aux fraises»), de même que la mention des substances allergènes, même si elles ne sont présentes qu’à l’état de traces. Mais ce dernier acquis est mis en péril dans le cadre du processus d’harmonisation avec le droit européen (l’un des points contestés du principe de «Cassis de Dijon»).
Sur un autre point cependant, le rapprochement avec l’Europe a amélioré la protection du consommateur. C’était en 2006, avec l’introduction de la traçabilité des produits, qui permet de connaître l’origine d’une denrée alimentaire (producteur, fabricant) et de ses composants.
Crédit à la consommation
La révision de la Loi sur le crédit à la consommation (LCC) a été critiquée dès son entrée en vigueur, en 2003, malgré quelques progrès. Certes, elle permet au preneur de crédit de se rétracter dans les sept jours. Bien sûr, de nouvelles mesures sont introduites pour contrôler la solvabilité du débiteur. Mais les faits sont là: l’endettement de la population ne cesse d’augmenter, surtout celui des jeunes. Car le donneur de crédit se base la plupart du temps sur les indications du client pour évaluer sa solvabilité, comme la loi le lui permet. Et l’annonce obligatoire des crédits à une centrale (ZEK) ne joue apparemment pas le rôle que l’on escomptait.
Autres déceptions: la loi fixe un plafond très élevé pour le taux d’intérêt: 15%! Et le contrôle des donneurs de crédit, ainsi que de la publicité en la matière, laisse à désirer. Il suffit de lire les petites annonces de crédit facile pour s’en rendre compte!
Assurance maternité
Victoire pour les travailleuses, qui, en 2005, obtiennent enfin une assurance maternité fédérale: quatorze semaines de congé payé à 80%, à compter du jour de l’accouchement. Un minimum parfois complété par une couverture privée conclue par l’employeur. De plus, à la reprise du travail, les femmes ont le droit de s’absenter pour allaiter leur enfant. Et lorsque celui-ci est malade, la mère et le père peuvent rester trois jours chacun à la maison pour s’en occuper.
Assurances privées
Si l’on a parfois l’impression que les assurances «font ce qu’elles veulent», leurs clients ont tout de même marqué quelques points. Ainsi, la révision de la Loi sur le contrat d’assurance (LCA), en 2006, a aboli le principe de «l’indivisibilité de la prime» qui permettait à une compagnie de toucher les primes pour l’année entière même si le contrat avait été valablement résilié en cours d’année. La conséquence sans doute la plus visible: il est désormais intéressant de changer ses assurances automobile à l’achat d’un nouveau véhicule, puisqu’on ne perd plus des mois entiers de primes.
Par ailleurs, les assureurs sont soumis à un devoir d’information accru avant la conclusion du contrat, tandis que les assurés mal renseignés peuvent résilier dans les quatre semaines après avoir eu connaissance de leur droit. Enfin, les courtiers non liés à une compagnie doivent être agréés par l’autorité de surveillance (l’Office fédéral des assurances privées), qui tient un registre ouvert au public (accessible sur le site www.vermittleraufsicht.ch).
Accès aux documents officiels
Avec la nouvelle Loi sur la transparence, tout le monde est en droit d’accéder aux documents officiels de l’administration fédérale et du Parlement émis à partir du 1er juillet 2006. La demande doit être adressée à l’autorité concernée et n’a pas besoin d’être motivée. Mais les autorités peuvent se contenter de renvoyer le citoyen curieux à leur site internet, lorsque le document réclamé est accessible de cette manière.
Télécommunications
Un frein est enfin apporté aux ardeurs des opérateurs recrutant leurs abonnés par téléphone: depuis cet été, ils ont l’obligation d’enregistrer l’entier de la conversation, afin d’établir la volonté réelle du client de conclure. De plus, ils doivent décrire précisément leur offre, obtenir la confirmation que leur interlocuteur est bien le titulaire du raccordement et se renseigner sur un éventuel délai de résiliation de l’abonnement en cours. Enfin, si le démarcheur a conclu abusivement un contrat, il est sommé de faire rétablir l’ancien raccordement à ses frais.
Les abus les plus criants seront également pourchassés dans le domaine des services via les 0900: les tarifs ne peuvent dépasser 10 fr. par minutes et 5 fr. par SMS/MMS; un appel ou une inscription ne peut excéder 400 fr. au total.
La législation révisée proclame par ailleurs l’interdiction du «pollupostage», à savoir les spams ainsi que les autres envois publicitaires automatisés (par téléphone, fax ou SMS). Les expéditeurs qui agissent sans l’accord des destinataires sont passibles de poursuites pénales.
Suzanne Pasquier
(1) Informations complémentaires auprès du SECO sous www.seco.
admin.ch => thèmes spéciaux => indication des prix.
Projets de lois mort-nés
Ces dix dernières années ont aussi apporté leur lot de déceptions, en particulier en raison de l’abandon pur et simple de deux projets de lois, pourtant très attendues, qui auraient sensiblement renforcé la protection du consommateur.
Loi sur le commerce électronique
Cette loi prévoyait d’introduire, dans le cadre des contrats conclus à distance (avant tout les contrats conclus par internet, mais également par téléphone ou par la télévision), un droit de révocation de sept jours, à l’instar des contrats de démarchage à domicile.
Elle comptait encore instaurer dans le contrat de vente un droit à la réparation en cas de défaut de la marchandise en plus des possibilités déjà existantes (l’acheteur peut résilier le contrat, réclamer une diminution du prix ou l’échange contre un article du même genre).
La dernière grande innovation de cette loi était d’étendre à deux ans le délai de garantie (contre une année actuellement) et de le rendre impératif pour les contrats conclus avec des consommateurs.
Ce projet a malheureusement été abandonné en novembre 2005 par le Conseil fédéral, sur proposition du Département fédéral de justice et police (DFJP), car il estime que les consommateurs sont adultes et responsables, qu’ils n’ont pas besoin de protection particulière et que les dispositions du Code des obligations (CO) en vigueur sont par conséquent suffisantes.
Loi sur le time-sharing
Cette initiative parlementaire sur l’utilisation d’immeubles en temps partagé (time sharing) a été déposée par Niels de Dardel, ex-conseiller national socialiste, en juin 2000 déjà. Reprenant l’essentiel des dispositions de la directive européenne 94/47/CE, elle prévoyait en particulier:
> d’introduire une réglementation détaillée des informations à donner au consommateur avant la conclusion du contrat;
> un droit de révocation de 10 jours dès la signature du contrat;
> une interdiction de paiement avant cette échéance;
> l’annulation de tout contrat de crédit lié à l’acquisition du time-sharing si le contrat est révoqué.
Le 1er mars 2006, le Conseil fédéral se déclarait favorable à ce projet. Celui-ci a pourtant été enterré l’année suivante par le Conseil national, sous prétexte que les dispositions existantes du CO (en particulier les règles sur l’erreur, la lésion ou le dol) et de la Loi sur la concurrence déloyale étaient suffisantes.
Susanna Vassaux