Les bouquets proposés par les opérateurs soulèvent des questions importantes au regard de la loi. L’exemple de Gilberte Gamma, d’Yverdon, illustre bien la situation. Notre lectrice possédait une présélection Mobilzone sur sa ligne de téléphone fixe. En d’autres termes, elle payait ses coups de fils à la société Mobilzone et les frais du raccordement téléphonique à Swisscom. Par la suite, elle a contracté un abonnement internet DSL MiniClassic auprès du géant bleu qui, une fois le contrat signé, a immédiatement contacté Mobilzone pour résilier la présélection.
Notre lectrice, qui n’avait rien demandé, s’est retrouvée avec une facture de 200 fr. pour résiliation anticipée. Certes, les conditions générales DSL MiniClassic précisent que, «s’il devait s’avérer qu’une présélection en faveur d’un autre opérateur était programmée au moment de l’inscription, Swisscom serait habilitée à la faire désactiver avec effet immédiat». Mais encore fallait-il le savoir, car ces conditions ne sont pas stipulées lorsqu’on entame la procédure d’abonnement sur internet.
Concurrence déloyale?
Au-delà de ce manque de transparence, le cas soulève de vraies questions sur le principe même de l’offre groupée, lorsque celle-ci se veut exclusive et donne l’autorisation au nouvel opérateur de résilier immédiatement les autres abonnements conclus.
Si l’on se réfère à la loi sur la concurrence déloyale, qui stipule, dans son article 4, lettre a, qu’«agit de façon déloyale celui qui incite un client à rompre un contrat en vue d’en conclure un autre avec lui», l’exigence de résiliation immédiate figurant dans le contrat paraît dès lors illicite et pourrait donc être annulée. Alors, notre lectrice devrait être indemnisée pour le dommage subi, d’un montant correspondant au moins aux frais de rupture du contrat Mobilzone. Or, pour l’instant, Swisscom ne lui a proposé qu’une ristourne de 100 fr. sur sa prochaine facture.
La pratique de l’opérateur semble également contrevenir à la loi sur la télécommunication (LTC). En 2003, le Conseil fédéral lui-même estimait, dans son message relatif à la modification de la LTC que «les fournisseurs dominants et leurs filiales devraient par exemple offrir l’accès ADSL à l’internet également aux clients présélectionnés auprès d’autres fournisseurs». Les sept Sages précisaient qu’une limitation de ce droit de choisir son opérateur «ne se justifie ni techniquement ni économiquement et ne vise qu’à renforcer la dépendance du client par rapport au fournisseur qui groupe ses services».
Swisscom peu loquace
Dans cet esprit, l’article 12, alinéa 1, de la même LTC stipule que «le fournisseur de services de télécommunication qui occupe une position dominante sur le marché peut grouper ses services pour autant qu’il les offre également séparément». L’article 59, alinéa 2, de l’ordonnance sur les services de télécommunication (OST) va dans le même sens: «Le fournisseur occupant une position dominante sur le marché doit offrir l’accès à haut débit même si le client n’utilise pas son service de téléphonie vocale (…).»
Or, à partir du moment où l’on considère que Swisscom occupe une position dominante sur le marché, ses agissements en matière de haut débit contreviennent manifestement à cette disposition légale, puisque le géant bleu a reconnu lui-même, dans un courriel qu’il a adressé à la rédaction de Bon à Savoir, que «les clients ne peuvent utiliser un accès DSL de Swisscom qu’à la condition de téléphoner également par Swisscom».
L’opérateur semble peu disposé à s’étendre sur le sujet. Dans le courriel qu’il nous a adressé, il estime sans argumenter que «cela n’est pas contraire à la loi». Swisscom indique de surcroît n’avoir aucune obligation de rembourser des frais aux clients pour une résiliation anticipée prétextant être «en droit de proposer un accès DSL lié à un renoncement à la présélection pour un autre opérateur». Des propos plutôt étonnants au regard de la loi. Il est surprenant aussi de constater que les normes juridiques destinées à protéger les consommateurs dans ce domaine semblent rester lettre morte.
Sébastien Sautebin