Lors d’une belle randonnée à ski de fond dans le massif jurassien, Denise Frehner ressent une douleur au genou, «surtout en le pliant». A son retour, elle en parle à sa voisine qui lui recommande d’appliquer une «crème magique», un remède naturel aux huiles essentielles à base de menthol et de camphre. A priori sceptique, notre lectrice n’en revient pas: «Les douleurs ont disparu après une dizaine de minutes seulement.»
A-t-elle eu de la chance ou cette crème était-elle réellement efficace? Difficile à dire. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que le créneau est florissant, puisqu’il se vend pas moins de 6 millions de diverses pommades antidouleur chaque année en Suisse! Selon leurs fabricants, elles sont censées régler les problèmes dus à une foulure, une contusion, une crampe musculaire ou des douleurs articulaires.
Nous avons donc soumis un certain nombre d’entre elles, vendues en Suisse sans ordonnance, à Christophe Reich-Rutz, médecin du sport et rhumatologue, en lui demandant de comparer leur efficacité. Elles sont tant naturelles (à base de consoude, d’arnica et d’huiles essentielles) qu’issues de la chimie (avec des principes actifs comme le diclofénac, l’ibuprofène, le salylate, etc.).
Mieux tolérés
D’entrée de jeu, le spécialiste nous confirme que les pommades et autres gels sont mieux tolérés que les analgésiques, car leurs substances actives restent concentrées sur une partie du corps et ne sont pas entièrement absorbées par l’organisme. Elles sont surtout recommandées contre les douleurs musculaires de surface, ainsi que sur des articulations facilement accessibles comme le genou, la cheville, la main et les doigts, mais nettement moins pour la hanche, par exemple.
Leur efficacité est toutefois limitée, puisque celle des produits naturels est au mieux qualifiée de «faible». Tel est le cas des pommades et gels à base d’arnica et de consoude, tandis que l’efficacité de ceux à base d’acétate d’alumine, d’huiles essentielles et de graisses de marmotte n’est tout simplement pas démontrée. En revanche, à l’exception des huiles essentielles, ils sont inoffensifs à long terme.
Situation inverse pour les produits issus de la chimie. Leur efficacité est considérée comme «suffisante», sauf pour ceux contenant du salicylate, qui n’obtient que la mention «faible». Mais ils posent tous des problèmes en cas d’usage prolongé. Christophe Reich-Rutz précise qu’en tel cas, la crème Dolocyl, par exemple, peut entraîner des effets secondaires similaires à ceux des analgésiques, notamment des problèmes cardiaques.
De même, il recommande de faire un usage parcimonieux des produits contenant des salicylates, comme les gels Sportusal ou Carmol, spécialement aux personnes qui ont des problèmes de reins.
Les pommades dont les substances actives sont extraites de la consoude semblent être une bonne alternative, même pour un usage prolongé. Selon le réseau international de chercheurs Cochrane Collaboration, elles peuvent soulager, notamment, des douleurs liées à l’arthrose. Une autre étude a démontré qu’en cas de foulure, elles étaient aussi efficaces qu’un gel à base de diclofénac.
Christophe Reich-Rutz reconnaît à ces pommades et gels analgésiques un effet placebo dont il faut aussi profiter, mais recommande de ne les utiliser qu’un ou deux jours consécutifs: «Après, vous risquez de ralentir la guérison.»
Les fabricants bottent en touche
Confrontés aux indications de notre tableau comparatif, les fabricants réagissent diversement. Ils revendiquent des années d’expérience et brandissent des études confirmant l’efficacité et les bienfaits de leurs produits.
Dans le détail:
⇨ Permamed indique que la combinaison de substances actives du Sportusal agit efficacement contre les conséquences de blessures et qu’il peut être utilisé, à quelques exceptions près, sur le long terme et pour de grandes surfaces.
⇨ Selon Iromedica, qui produit le Carmol Sportgel, le message concernant l’insuffisance rénale est donné «à titre de précaution».
⇨ Glaxo-Smith-Kline (Voltaren Dolo Emulgel) et Mepha Pharma (Olfen Gel) renvoient aux notices d’emballages qui précisent qu’il ne faut pas utiliser les gels au diclofénac plus de deux semaines sans consulter un médecin.
⇨ IBSA, fabricant du gel Effigel, indique qu’aucun taux élevé de diclofénac n’a été mesuré dans le sang, même lors de longues périodes d’utilisation ou sur de grandes surfaces.
⇨ Selon Galenica, le Perskindol se prête uniquement au traitement lors d’entorses ou de contusions.
⇨ D’après Melisana, l’efficacité des huiles essentielles du Dul-X est bien démontrée.
⇨ Quant au Dolocyl, les effets secondaires sont rares si l’on respecte les instructions d’utilisation.
Sonja Marti / chp