La goutte, qui touche près de 4% de la population, peut provoquer d’intenses douleurs dans les articulations et devenir très invalidante sans prise en charge. Le principal traitement contre les crises de goutte, la Colchicine importée de France, n’est plus distribué en Suisse et a progressivement disparu des pharmacies courant 2022. Le produit a été remplacé par le Colctab, commercialisé par la firme suisse Streuli Pharma AG, dont le principe actif et le dosage sont identiques mais qui coûte jusqu’à sept fois plus cher que son prédécesseur.
Maurice D. payait 7.30 fr. pour 20 pilules de Colchicine 1 mg, alors que le Colctab 1 mg est facturé 25.10 fr. les dix pilules (soit 50.20 fr. les 20 pièces). «Après cela, étonnez-vous que les assurances coûtent cher», écrit ce lecteur du Gros-de-Vaud. Constat semblable pour la Genevoise Annie G., qui a aussi pu se procurer en France une boîte de Colchicine 20 pilules pour 3.53 euros, «presque le même prix que je payais en 1998». Nelly R., elle, en a trouvé pour 2.20 euros les 20 pièces, au lieu de payer 1040% plus cher son Colctab helvétique…
Le médicament est remboursé par l’assurance maladie, mais le paiement de la quote-part de 10% et du montant jusqu’à concurrence de la franchise incombent à l’assuré. En revanche, sauf sous conditions en cas d’urgence ou de pénurie, l’assurance de base ne rembourse pas les médicaments achetés à l’étranger, au nom du principe de «territorialité». La cherté des médicaments suisses fait ainsi grimper les coûts de la santé et, partant, les primes maladie.
Comment justifier l’explosion du prix d’un antigoutteux si semblable à son prédécesseur? Le coût a été fixé selon les critères légaux, mais en ne tenant compte que de la comparaison avec les tarifs de ce produit à l’étranger (critère 1), à défaut de comparaison thérapeutique possible avec d’autres médicaments ayant la colchicine pour principe actif (critère 2), écrit l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). On peut préférer une autre explication, devenue véritable secret de Polichinelle: les pharmas négocient avec les autorités des modèles de prix incluant des rabais confidentiels et empochent toujours plus sur le revenu des médicaments.
Selon la faîtière des assureurs SantéSuisse, ce sont les médicaments utilisés en oncologie et en rhumatologie qui coûtent le plus cher, et pèsent donc en priorité sur les coûts de la santé.