«Docteur, j’ai très mal au ventre du côté droit.» Cette simple phrase ne permet pas encore d’établir un diagnostic. Serait-ce une appendicite? Pour s’orienter, le médecin traitant procédera à un examen plus approfondi, notamment une palpation, afin de confirmer la douleur. Il prendra aussi la température du patient. Enfin, il commandera des analyses de laboratoire, ici plutôt une prise de sang. «Ce n’est qu’après avoir suivi un itinéraire clinique précis que le praticien choisit de soumettre, ou non, son patient à une imagerie médicale», explique Pierre-Alexandre Poletti, médecin-chef du service de radiologie aux HUG.
Choisir la bonne méthode
Face à une suspicion de pathologie, pourquoi le praticien opte-t-il pour un scanner (CT-scanner, pour computed tomography scanner) plutôt qu’une échographie? Ou une IRM plutôt qu’un CT-scanner? Le choix de la méthode d’imagerie médicale varie d’abord en fonction de la pathologie suspectée, et de la zone ou de l’organe à visualiser. La sensibilité du médecin rentre aussi en ligne de compte. La décision peut être délicate car il s’agit de prendre en compte la performance diagnostique de la méthode d’imagerie et le risque lié à l’examen en lui-même, différent pour chaque patient.
Pour une possible appendicite, on orientera d’abord une femme en âge de procréer ou un enfant vers une échographie plutôt qu’un CT-scanner. «Dans les cas complexes, une discussion s’installe entre le médecin traitant et le radiologue, afin de déterminer la méthode la plus appropriée en première intention», relève Pierre-Alexandre Poletti.
Le nombre d’examens CT-scanners et IRM explose
En Suisse, les dépenses liées à l’imagerie médicale sont passées de 1,9 milliard à 2,7 milliards de francs (+42,1%) entre 2015 et 2022. Cela représente près de 3% des coûts totaux de la santé, évalués à 91,5 milliards de francs par l’Office fédéral de la statistique.
L’augmentation du nombre de CT-scanners et d’IRM pratiqués n’est pas étrangère à cette évolution. Alors que 830 373 CT-scanners ont été réalisés en 2015 en Suisse selon la statistique des hôpitaux, ce chiffre explosait à 1 242 782 en 2022 (+49,7%). Dans le même temps, les IRM sont passées de 578 652 à 801 749 (+38,6%). Sachant que le coût de chaque examen s’élève à plusieurs centaines de francs et dépasse souvent le millier, l’enjeu financier est énorme.
N’en fait-on pas trop? Pierre-Alexandre Poletti nuance et rappelle que les performances de ces technologies s’améliorent: elles peuvent désormais être utilisées pour détecter un plus grand nombre de pathologies. Elles donnent des informations de plus en plus précises pour le choix du meilleur traitement. Le spécialiste souligne qu’un examen négatif peut aussi être utile: «Réaliser un CT-scanner sur un patient qui se présente aux urgences avec une suspicion d’embolie pulmonaire permet d’écarter ce diagnostic avant de le renvoyer à la maison.» Dans tous les cas, l’objectif reste le même. Il s’agit de ne pas multiplier les examens et d’aller directement vers le plus approprié.
Kevin Gertsch
Un intérêt croissant pour les ultrasons
Pour certains radiologues, mieux tirer parti du potentiel de l’échographie constitue une solution adéquate pour limiter le nombre de CT-scanners et d’IRM réalisés en Suisse, et ainsi faire baisser les coûts de la santé. Le prix des appareils a diminué, la résolution de l’image a augmenté et de nombreux médecins généralistes se forment à présent à cette pratique. Le succès de l’examen repose sur les aptitudes du praticien.
Les ultrasons permettent notamment des gestes sûrs lors de la réalisation d’infiltrations, note Michel Rossier-Monney, médecin radiologue au cabinet d’imagerie de la Côte à Neuchâtel et formateur à la Société suisse d’ultrasons en médecine. Selon le spécialiste, l’échographie offre aussi une résolution bien meilleure que l’IRM lors de l’observation d’organes ou de zones à faible profondeur. Il s’agit en outre d’un examen qui permet de dialoguer avec le patient et, au besoin, d’examiner une autre partie du corps que celle prévue à l’origine. Point essentiel: en l’absence d’irradiation et de produit de contraste, l’échographie est la seule technique d’imagerie qui ne comporte aucun risque. «En cas de doute avant un CT-scanner ou une IRM, le patient ne devrait jamais hésiter à demander à son médecin s’il existe une méthode moins invasive», conclut Michel Rossier-Monney.