La prévoyance professionnelle et l’assurance chômage ont, chacune, leurs règles du jeu qui, quand on les cumule, se transforment en labyrinthe kafkaïen. Bernard*, un lecteur fribourgeois licencié à 63 ans et demi, en fait l’amère expérience.
«La petite entreprise où j’ai travaillé plus de vingt ans m’a donné mon congé le 31 octobre 2010, à seize mois de la retraite. Comme je dispose d’un capital de prévoyance de quelque 290 000 fr., j’ai demandé à ma caisse de pension de pouvoir retirer 20 000 fr., afin de régler des arriérés d’impôts. Je pensais attendre 65 ans pour toucher le reste de ma retraite sous forme de rente.»
Cette stratégie s’est toutefois avérée irréalisable. En effet, au moment où l’on quitte son travail, on n’est plus assuré par sa caisse de pension, sauf si celle-ci le prévoit dans son règlement. Ce n’est pas le cas d’Axa Winterthur qui assure Bernard, si bien que ce dernier n’a eu le choix qu’entre quatre options.
- Toucher tout le capital aujourd’hui.
- Transférer son avoir de prévoyance sur un compte de libre passage, où il resterait bloqué jusqu’à ses 65 ans pour être alors versé en une fois, sous forme de capital.
- Transférer son avoir de prévoyance à la Fondation institution supplétive et continuer à l’alimenter jusqu’à 65 ans, sans pouvoir y toucher pour l’instant.
- Toucher une partie du capital et prendre une retraite anticipée. Mais la rente, servie dès aujourd’hui, sera évidement réduite en conséquence.
Bernard écarte d’emblée les deux premières options, effrayé à l’idée de devoir lui-même gérer son avoir pendant ses vieux jours.
La troisième implique de payer la part patronale des cotisations en plus de la sienne, ce qui représente une dépense de 11 049 fr. par an, ou 921 fr. par mois. De l’Office régional de placement à la caisse de pension, tous lui déconseillent cette option, trop onéreuse pour un budget de chômeur.
Douche froide
Il opte donc pour la quatrième solution, la retraite anticipée, et retire, comme prévu, 20 000 fr. de son capital de prévoyance. La caisse de pension lui sert une rente de 1471 fr. par mois. Le taux de conversion de 6,9% auquel il aurait eu droit a été ramené à 6,59%, comme il part prématurément à la retraite.
En s’annonçant à sa caisse de chômage, Bernard reçoit toutefois une douche froide. Car ses indemnités journalières, qui auraient dû atteindre en moyenne 4700 fr. par mois, sont réduites de 1578 fr.! La caisse a, en effet, déduit non seulement les 1471 fr. de sa rente vieillesse, mais encore 107 fr. pour tenir compte des 20 000 fr. déjà touchés.
«Je suis perdant sur tous les plans, soupire le pensionné malgré lui. Non seulement ma retraite est revue à la baisse, mais je ne touche que partiellement les indemnités de chômage auxquelles je croyais avoir droit!»
La troisième solution
Bernard réalise alors qu’il aurait dû opter pour la troisième solution: transférer l’intégralité de son avoir de prévoyance à la Fondation institution supplétive. Car elle a deux avantages de taille, malgré le fait de devoir cotiser. Dans l’immédiat, il aurait touché l’intégralité de ses indemnités de chômage, soit 657 fr. (1578 fr. de déductions – 921 fr. de cotisations LPP) de plus par mois.
Et, à la retraite, il aurait reçu une rente calculée sur un taux de conversion «normal» de 6,9% sur un capital qui atteindrait alors quelque 308 600 fr., soit environ 1775 fr. par mois! Ce qui représente plus de 300 fr. de supplément par rapport à sa situation actuelle.
Quand le retraité malgré lui a réalisé son erreur, le délai de 90 jours imparti pour verser son capital à la Fondation n’était pas encore écoulé. Mais cette option aurait impliqué de reverser l’intégralité du capital. Or, Bernard avait déjà remboursé ses arriérés d’impôts! Il n’a donc pas d’autre solution que de se contenter d’indemnités diminuées et d’une rente réduite à vie. «Je regrette surtout que personne ne m’ait donné un conseil avisé en temps voulu», conclut le sexagénaire.
Claire Houriet Rime
*Nom connu de la rédaction.