La prévention du cancer du sein est devenue une routine en Suisse romande pour les femmes à partir de 50 ans: tous les deux ans, une mammographie vise à dépister les tumeurs éventuelles aussi tôt que possible. La plupart du temps, la maladie frappe sans prévenir, sauf pour les 3% à 5% des cancers du sein qui sont liés à des mutations génétiques. Les plus connues touchent les gènes BRCA1 et BRCA2. Elles augmentent aussi massivement le risque d’avoir un cancer des ovaires.
L’analyse de l’ADN permet d’améliorer efficacement le dépistage des cancers chez les personnes concernées. Les hommes n’y échappent pas. On sait qu’ils peuvent être porteurs de ces altérations génétiques, et qu’elles augmentent aussi le risque de développer un cancer de la prostate, du pancréas, voire du sein.
En 2013, l’actrice Angelina Jolie, porteuse d’une mutation dans le gène BRCA1, avait médiatisé le processus en subissant une double ablation des seins. D’autres options, moins radicales, permettent de vivre au quotidien avec un patrimoine génétique à risque: état des lieux avec les spécialistes du Centre du sein au CHUV.
1. Quels sont ces gènes à risque?
Les gènes BRCA1 et BRCA2 sont présents chez tout le monde et ne posent aucun problème s’ils sont intacts. Les choses se gâtent en présence d’altérations, surtout chez les femmes: 70% d’entre elles développeront un cancer du sein et respectivement 44% (BRCA1) et 17% (BRCA2) un cancer de l’ovaire. Ce dernier est dangereux, parce que difficile à détecter au stade précoce. Chez les hommes porteurs de la mutation, le risque de cancer du sein, normalement rare, varie entre 6 et 8%.
2. Quand un test génétique est-il indiqué?
L’opportunité de faire le test se base sur une liste de critères précis.
Les personnes en bonne santé dont un ou plusieurs proches souffrent du cancer du sein, de l’ovaire, du pancréas ou de la prostate en parleront au gynécologue ou au médecin traitant. Celui-ci pourra alors entreprendre les démarches si nécessaire.
Pour les femmes déjà atteintes d’un cancer du sein ou de l’ovaire, on tient compte de l’âge au moment du diagnostic, du type de cellules cancéreuses et de l’état du deuxième sein. Le diagnostic d’autres cas de cancer dans la famille entre aussi en jeu. A noter que le côté paternel compte aussi puisque les hommes peuvent être porteurs. L’oncologue transmettra ensuite, avec l’accord de la patiente, le dossier à un généticien qui analysera à son tour le dossier et recevra la patiente.
Un test ciblé est toujours indiqué en présence d’une mutation génétique déjà détectée chez un parent de premier degré (parents, enfants, fratrie) ou de deuxième degré (grands-parents, oncles, tantes, etc.) «La décision finale appartient à la patiente», insiste Khalil Zaman, médecin responsable du Centre du sein au CHUV. «Mieux vaut attendre que faire un test sans être prêt à en assumer les conséquences.» Le test doit être prescrit par un spécialiste en génétique médicale ou par un membre spécialisé du Groupe Suisse de Recherche Clinique sur le Cancer (SAKK) attestant d’une collaboration avec un généticien. Il est réservé aux adultes et doit être précédé d’un entretien avec le médecin généticien. «L’annonce d’une mutation sera plus facile à gérer si on a déjà réfléchi à la stratégie à adopter», explique Khalil Zaman.
Reste à obtenir l’accord du médecin-conseil de la caisse maladie. «Il est généralement octroyé si les critères légaux sont remplis, mais une lettre du généticien est nécessaire», témoigne Sheila Unger, spécialiste en médecine génétique au CHUV. De son côté, la patiente prendra en charge la franchise et la quote-part, sachant que l’analyse coûte quelque 3800 fr.
3. Est-ce que ces gènes se transmettent forcément aux enfants?
Le résultat sera communiqué lors d’un deuxième entretien avec les spécialistes pour envisager la suite.
Un résultat négatif (gènes intacts) est toujours bon à prendre, mais il n’élimine pas complètement le risque. On continuera à respecter les traitements (chimiothérapie, radiothérapie ou autre) et le schéma de prévention appliqués jusqu’ici.
Un résultat positif (altération des gènes BRCA1 ou BRCA2) ne veut pas dire qu’on a le cancer, mais que le risque d’en faire un ou d’avoir un deuxième est élevé, ce qui implique de renforcer la prévention (lire ci-contre «Cellules sous surveillance»).
Comme la probabilité de transmettre la mutation génétique de parent à enfant est de 50%, il est important d’en avertir les membres de sa famille pour envisager des tests génétiques ciblés. La démarche n’est pas forcément facile et la décision de l’entreprendre appartient, là encore, à la personne concernée. «Nous sommes là pour indiquer quels sont les proches à avertir. Nous pouvons aussi aider à transmettre l’information, en préparant par exemple une lettre à leur intention. La patiente pourra ensuite l’envoyer», explique Sheila Unger.
4. Comment assurer la surveillance de ces cellules?
La mutation des gènes BRCA1 et BRCA2 implique d’intensifier la surveillance des seins et des ovaires. Dans les centres du sein du CHUV et des HUG, une équipe interdisciplinaire accompagne la patiente tout au long du processus: il est recommandé d’en informer son médecin traitant et son gynécologue pour garantir le suivi médical, surtout en cas de changement. Les examens prescrits sont pris en charge par les caisses maladie.
Le suivi thérapeutique sera élaboré en fonction de l’âge, des risques encourus et des antécédents personnels et familiaux de cancer. C’est à la patiente que revient la décision de procéder à une ablation des seins et/ou de resserrer la surveillance.
La première option réduit le risque de cancer à 5% mais elle n’est pas obligatoire. Elle consiste à tout enlever en laissant la peau, voire le mamelon, et doit être pratiquée par un spécialiste de ce genre d’opération. Une reconstruction mammaire est proposée, le plus souvent lors de la même intervention.
L’option de la surveillance renforcée prévoit l’autopalpation tous les mois, l’examen par un médecin tous les six mois à partir de 25 ans et une IRM complétée par une échographie chaque année entre 25 ans et 60 ans, voire 70 ans. A partir de 30 ans s’ajoute une mammographie annuelle.
Une échographie et une analyse sanguine semestrielles sont indiquées pour dépister le cancer des ovaires. Comme il est difficile de le détecter à un stade précoce, l’ablation des ovaires et des trompes est recommandée à partir de 40 ans. Cette opération réduit fortement le risque mais elle déclenche une ménopause et ne devrait pas être pratiquée si on souhaite encore avoir des enfants. Dans certaines situations, une supplémentation hormonale peut être proposée pour «inverser» l’effet de la ménopause.
Depuis 2016, une nouvelle classe de médicaments ciblés, les inhibiteurs de PARP, sont proposés à certaines patientes pour prévenir la rechute ou traiter une maladie active. Cette thérapie est très coûteuse et nécessite l’accord préalable de la caisse maladie.
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