«J’ai découvert que nos noms figuraient sur Moneyhouse», nous écrit un lecteur de Bussigny. Un autre s’aperçoit avec stupeur que les données sur ses deux sociétés sont «complètement fantaisistes». Ces exemples ne sont que la pointe de l’iceberg. A l’heure d’internet, les anciens espions du KGB font presque figure de petits joueurs, sachant que, à lui seul, le portail Moneyhouse.ch détient 8 millions de fiches sur des citoyens suisses et plus de 900 000 dossiers d’entreprises enregistrées au Registre du commerce!
C’est la société Itonex SA qui collecte les informations publiées sur Moneyhouse.ch auprès de sources publiques, principalement l’annuaire téléphonique, le Registre du commerce, les avis officiels ainsi que les registres de fournisseurs privés, tels que Crif ou, jusqu’à récemment, Schober. En agrégeant ces sources, la société parvient à reconstituer des profils détaillés comprenant l’adresse, l’âge, le numéro de téléphone, mais aussi des données sur la solvabilité des individus, les membres du voisinage etc.
Moneyhouse n’est d’ailleurs pas seul sur ce marché: databot.ch, deltavista.ch, etc., travaillent dans le même créneau. Ces banques de données automatiques posent des problèmes de fiabilité et de confidentialité, du fait qu’elles dévoilent des informations, plus ou moins sensibles, souvent à l’insu des intéressés, et parfois même rendent visibles des informations que ces derniers ont expressément tenues cachées (son numéro de téléphone, par exemple). Ainsi, l’an dernier, le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) a reçu une cinquantaine de plaintes de privés, parmi lesquelles figuraient un agent de sécurité menacé de représailles ainsi que des maris divorcés tentant de se cacher de leur «ex» et dont les coordonnées se sont retrouvées sur Moneyhouse...
Le préposé fédéral se fâche
Le 20 juillet 2012, le service de recherche de personnes de Moneyhouse a été interrompu sur ordre du Tribunal administratif fédéral. La sanction a été levée le 6 août suivant, mais Moneyhouse a, depuis, l’obligation de supprimer dans les 24 heures les adresses et les téléphones de personnes qui en font la demande (lire encadré). En revanche, les adresses privées, même bloquées, continuent d’être consultables en ligne, au grand dam du préposé fédéral.
Rédigée avant l’avènement d’internet, il faut dire que la loi sur la protection des données est très souple, pour ne pas dire laxiste. D’une manière générale, les informations tirées du registre professionnel sont libres d’accès, alors que les données personnelles peuvent être livrées si cela répond à un intérêt économique légitime. C’est sur cette deuxième catégorie que le bât blesse, aux yeux du préposé.Au moins Moneyhouse s’est-il formellement engagé à «faire le ménage» dans ses bases de données. Il a déjà supprimé le processus qui permettait à Google de débusquer et de communiquer le code postal des individus figurant dans sa banque de données. Mais il doit surtout vérifier l’exactitude des informations livrées sur son portail en croisant ses sources avec des registres officiels. Un travail de bénédictin qui prendra encore des mois.
Tout n’est donc pas réglé. Le PFPDT a ouvert une nouvelle «procédure d’établissement des faits». Il continue, en effet, de nourrir des doutes sur la diffusion d’adresses expressément bloquées. D’autre part, à l’heure actuelle, des informations portant sur la solvabilité d’une personne sont disponibles en ligne aux abonnés d’un compte «premium» (12 fr. par mois pendant six mois) pour peu que ces derniers invoquent un motif commercial. Le préposé se demande si la procédure n’est pas un peu simple, et donc contraire à la loi fédérale sur la protection des données.
Philippe Chevalier
Détruire sa fiche
Conformément à la décision du Tribunal administratif du 6 août 2012, Moneyhouse s’est engagé à supprimer les profils des personnes qui en font la demande en 24 heures au maximum.
La procédure
Pour disparaître du portail Moneyhouse
Par courrier: envoyer une demande de radiation accompagnée de la copie d’une pièce d’identité officielle à l’adresse Itonex AG, Lettenstrasse 7, 6343 Rotkreuz. L’Administration fédérale fournit des lettres types (au lieu de l’adresse, taper le raccourci
bit.ly/10gaurG).
En ligne: remplir le formulaire à l’adresse www.moneyhouse.ch, en joignant une pièce d’identité officielle au format électronique.
Pour disparaître de Google uniquement: envoyer un bref message à [email protected] avec la mention: «Effacement de Google uniquement».