Les produits «sans sucres ajoutés» semblent plus sains et leur goût plus authentique. Dans les faits, beaucoup réservent de mauvaises surprises. A commencer par la présence d’édulcorants, alors que la loi suisse paraît l’interdire (lire encadré). Nous avons trouvé dans les rayons des supermarchés des chocolats, des müeslis, du ketchup, des barres protéinées, des petits-beurre ou encore des haricots en boîte «sans sucres ajoutés», mais adoucis avec ces édulcorants.
Des édulcorants qui font manger plus
Si l’on recherchait des saveurs plus authentiques, c’est raté: les édulcorants apportent un goût sucré proche des produits classiques. «La consommation d’aliments contenant des édulcorants contribue à maintenir notre attirance pour le goût sucré, alors qu’il faudrait s’en déshabituer pour manger plus sainement», critique Sidonie Fabbi, maître d’enseignement à la filière Nutrition et diététique de la Haute Ecole de santé de Genève.
«Les personnes qui consomment régulièrement des produits édulcorés auraient tendance à manger davantage, selon certaines études», relève Cécile Morzier, diététicienne BSc ASDD aux Etablissements hospitaliers du Nord Vaudois. Car, lorsqu’on a envie de sucre, la consommation d’aliments contenant des édulcorants ne supprime pas ce désir et la faim demeure.
Enfin, l’innocuité des édulcorants fait débat. Certains seraient liés à une augmentation du risque de cancer, de maladies cardiovasculaires ou de perturbation du microbiote intestinal. Ces liens demeurent controversés. «Toutefois, les études récentes vont de plus en plus dans le sens d’une confirmation des effets négatifs», constate Sidonie Fabbi. La prudence s’impose donc: «Face aux doutes, notre recommandation est d’en consommer le moins fréquemment possible et avec modération», résume Cécile Morzier.
Une partie des aliments «sans sucres ajoutés» ne contient pas d’édulcorants. «Ce ne sont pas des produits plus sains pour autant, soulignent nos deux spécialistes.»
Gras, sucrés et chers
«Certains de ces aliments sont plus gras, souligne Sidonie Fabbi. On perd de la masse en enlevant du sucre et une des solutions prisées par les industriels et de le remplacer par du gras.» Autre constat, il existe des produits «sans sucres ajoutés» paradoxalement très sucrés. Un exemple: les bâtons de céréales Farmer Junior bio pomme-myrtilles «sans sucres ajoutés», vendus par Migros, sont composés, à 30%, de concentré de jus de pomme! Cela représente pas moins de 61 g de glucides par 100 g, dont 28 g de sucres. En comparaison, les Farmer classiques à la framboise renferment, quant à eux, 60 g de glucides, dont 26 g de sucres. Les Junior sont donc plus sucrés, mais aussi beaucoup plus chers: 31.16 fr/kg contre 19.17 fr./kg! Et c’est loin d’être un cas isolé. Les grands distributeurs profitent de l’allégation «sans sucres ajoutés» pour augmenter les prix. Les petits-beurre conventionnels Migros coûtent 7.83 fr./kg contre 13.33 fr./ kg pour leur version édulcorée à l’acésulfame K.
Surprenantes explications des autorités suisses
La Loi suisse semble claire: «Une allégation selon laquelle il n’a pas été ajouté de sucres à une denrée alimentaire (…) ne peut être faite que si le produit ne contient pas de monosaccharides ou disaccharides ajoutés ou toute autre denrée alimentaire utilisée pour ses propriétés édulcorantes.» Le texte est identique dans l’Union européenne (UE) et aussi bien la France que la Belgique relèvent que l’allégation «sans sucres ajoutés» ne peut pas être utilisée pour les produits contenant des édulcorants.
En Suisse, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire (OSAV) estime, pourtant, qu’une «évaluation au cas par cas est nécessaire», afin de déterminer une éventuelle tromperie. Ainsi, une crème à la vanille «sans sucres ajoutés» dont l’étiquetage précise qu’il contient des édulcorants aurait «un potentiel de tromperie plutôt faible»… puisque «les consommateurs s’attendent à un produit avec un goût sucré prononcé», alors que le potentiel de tromperie «semble plus élevé» avec un yoghourt aux fruits, «car les consommateurs s’attendent à ce que le goût sucré provienne uniquement des fruits». L’OSAV a refusé de nous fournir d’autres explications.
Les chimistes cantonaux, chargés du contrôle de l’application de la loi, n’ont pas souhaité se prononcer sur les cas précis que nous leur avons soumis. Les Services du chimiste cantonal de Bâle-Ville estiment, toutefois, que la loi «n’est pas formulée de manière à 100% claire» et que l’expression «denrée alimentaire utilisée pour ses propriétés édulcorante» peut être comprise comme incluant ou excluant les édulcorants. Selon eux, cette question n’est d’ailleurs pas réglée de manière uniforme dans les pays de l’UE. Pour l’Office bâlois, il faudrait compléter la loi afin d’autoriser clairement leur usage, tout en rendant obligatoire la mention de leur présence dans le même champ visuel que l’allégation «sans sucres ajoutés».