Des images de palmiers et d’hôtels de luxe, avec des tarifs imbattables pour conjuguer tourisme et opérations de chirurgie esthétique, les réseaux sociaux en regorgent. Un site en «.ch», un appel sur un numéro suisse... et on se retrouve soudain en lien avec un bureau à Tunis qui pousse à entreprendre les premières démarches. L’agence contactée, le leader du tourisme médical en Tunisie Medespoir, a toutefois refusé de répondre aux questions de Ma Santé.
Des intermédiaires de confiance
Il n’y a pas que des agences internationales comme Medespoir dans ce secteur florissant, mais aussi quantité de petits acteurs qui font le lien entre patients et chirurgiens. Sur conseil de sa coiffeuse, Bernard* a contacté une clinique en Turquie pour une pose d’implants capillaires: 2200 euros au total, nuits et repas compris, soit trois fois moins cher qu’en Suisse. «Le résultat et le service étaient parfaits, contrairement à ma première intervention à Genève qui m’avait laissé une cicatrice», confie le Valaisan. Mais Bernard aurait aussi pu être découragé par le vécu d’un ami, qui avait fait marche-arrière en découvrant à Istanbul le théâtre effrayant de l’opération, après n’avoir eu qu’un contact à distance avec la clinique.
Les mauvaises surprises, espaces insalubres, prise en charge expéditive ou propositions de changer d’opération faute de matériel, restent monnaie courante. «Pour les implants, il y a environ 600 cliniques à Istanbul, avec tout et n’importe quoi au niveau des compétences, de l’hygiène et des prix de 750 à 12 000 euros», témoigne Roberto Panto, coiffeur à Morges, qui organise via sa société Myo Style des interventions groupées en Turquie. Pour 3890 euros nuits et vols compris, il accompagne ses clients durant le séjour jusque dans une clinique – «le nec plus ultra» – sélectionnée par ses soins, et offre dix jours de traitement en salon après l’opération.
Un suivi médical prédéfini
Le coiffeur fait aussi signer une décharge de responsabilité en cas de complications post-opératoires, comme les infections. Une demande loin d’être une pratique isolée: tant les chirurgiens que les intermédiaires s’y prêtent. Signer ce document ne signifie pas qu’il faut renoncer à couvrir ses arrières. Il est d’autant plus important de se protéger si, au-delà d’implants à trois millimètres de profondeur, on s’apprête à subir une liposuccion, une rhinoplastie ou encore une augmentation mammaire. On contrôlera alors que le prix inclut une information de qualité sur les risques, des mesures en cas de complications et un bon contact pour le suivi en Suisse.
Ces aspects sont beaucoup trop souvent ignorés par les parties, assure Michele Zanzi, président de la Société suisse de chirurgie esthétique. «Le suivi médical est pourtant essentiel. De légères complications, ce qui arrive quand même pour 2% à 3% des opérations à l’étranger, peuvent rapidement s’aggraver sans prise en charge.» Pour s’épargner des coûts supplémentaires à leur retour – l’assurance de base ne rembourse pas davantage une opération de chirurgie esthétique qu’un contrôle ou des retouches (lire encadré) –, nombre de patients renoncent à contacter des spécialistes en Suisse, même en cas de complications.
Au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Wassim Raffoul, chef de service de chirurgie plastique et reconstructive, accueille en moyenne un cas grave à très grave par semaine à la suite d’une opération de chirurgie esthétique à l’étranger. Souvent des opérations n’ayant pas bénéficié d’un suivi médical, assure-t-il. La plupart du temps, il s’agit de nécroses cutanées, ou d’infections de plaies après des liposuccions mal nettoyées. Et de citer une patiente du service qui vient de subir deux séjours en soins intensifs et huit reprises au bloc. Comme bien d’autres, elle n’a pas osé consulter en Suisse à l’apparition des complications.
Des garanties détaillées possibles
Raison de plus pour parer à toute éventualité au préalable. Les systèmes de garantie peuvent varier. Exemple en Suisse romande: la société de tourisme médical Novacorpus, dirigée depuis quinze ans par le médecin Stéphane de Buren, s’assure que chaque intervention en Belgique et en Turquie ait une garantie. Les chirurgiens collaborant avec cet intermédiaire ont l’obligation de corriger gratuitement les cicatrices. Si une retouche est nécessaire, elle est facturée à prix coûtant. Une extension de garantie est aussi incluse dans le forfait à Istanbul (on option en Belgique) le chirurgien couvre les frais médicaux liés aux complications ainsi que les vols ou nuitées, tout comme les urgences en Suisse, jusqu’à hauteur de 3000 fr.
«Il y a exceptionellement des retours à l’étranger, car l’immense majorité des problèmes peuvent aujourd’hui être réglés via la télémédecine», précise Stéphane de Buren. Et si les clients le préfèrent, ils peuvent entrer en contact avec un chirurgien partenaire près de chez eux. Le suivi post-opératoire est donc prévu à la fois en Suisse et à l’étranger: «Même si ce n’est pas toujours facile à vendre, nous exigeons que le client reste sur place assez longtemps après l’opération pour prévenir les risques, par exemple trois jours après des implants capillaires.» On renoncera alors à un aller-retour en 72 heures, en revoyant un peu à la baisse l’énorme différence de tarif avec la Suisse. Le prix à payer pour une intervention plus sereine.
* Nom connu de la rédaction
L’assurance maladie de base en cas de complications?
Oui, s’il s’agit de complications menaçant la vie ou si elles sont perçues comme des atteintes à la santé. En cas d’opération de chirurgie esthétique à l’étranger qui a mal tourné, l’assurance de base rembourse les conséquences néfastes d’un comportement à risque, exactement comme les effets de la cigarette ou de la pratique d’un sport extrême. En revanche, l’assurance n’entre pas en matière si le patient est seulement mécontent du résultat d’une opération ou si l’aspect final est considéré comme inesthétique. La frontière n’est pas toujours claire entre atteinte à la santé et malfaçon, mais la pratique montre que l’assurance maladie rembourse des infections, des hématomes et d’autres complications légères. Les contrôles, deuxièmes avis et retouches esthétiques ne sont pas dédommagés.
Anticiper les risques
Outre rechercher des avis de personnes de confiance sur les offres disponibles et veiller à obtenir de bonnes garanties ainsi qu’un suivi médical post-opératoire, on peut augmenter les chances de succès en écartant les candidats qui ne paraissent pas suffisamment sérieux.
➛ De bons indices à repérer, selon Wassim Raffoul du CHUV: les tarifs très bas qui laissent soupçonner l’emploi de main d’œuvre peu qualifiée, et un nombre restreint de jours prévus sur place pour gérer d’éventuelles complications avant le retour.
➛ N’avoir aucune possibilité de contact préalable avec le chirurgien responsable de l’opération, et passer uniquement par des non-médecins, devrait inspirer la méfiance.
➛ Un gage de qualité: la clinique fournit des informations compréhensibles et détaillées sur l’intervention et les risques (techniques, type d’anesthésie, complications, etc.).
➛ Les chirurgiens suisses conseillent de se méfier des programmes de transformation trop ambitieux, excédant de loin la demande. A contrario, se voir proposer un délai de réflexion et une seconde consultation prouve une bonne éthique professionnelle.