Sale temps pour les postiers: moins de six mois après la votation sur l’initiative «Pro Service public», l’ancienne régie met le turbo pour le démanteler. Des restructurations massives sont à l’étude, et rares seront les secteurs épargnés.
La première nouvelle est tombée à la fin du mois d’octobre: La Poste va fermer quelque
600 bureaux de poste, dont les deux tiers, grosso modo, devraient être transformés en agences postales. Quelque 1200 emplois sont concernés par ce raz-de-marée.
Synergies au siège de La Poste
L’onde de choc ne s’arrêtera toutefois pas là. La Poste est, en effet, constituée, aujourd’hui, de plusieurs unités distinctes: PostMail, PostLogistics, Swiss Post Solutions et, enfin, Réseau postal et vente, chaque secteur disposant de ses propres services des finances, de communication et de ressources humaines.
Or, le personnel a reçu, aux mois de septembre et d’octobre, un courriel de la direction annonçant qu’une restructuration était en préparation pour le 1er avril 2017. Passé ce délai, ces trois secteurs dépendront directement de la direction du groupe et les niveaux intermédiaires seront supprimés.
But de l’opération: se concentrer davantage encore sur les orientations stratégiques «croissance, orientation client et efficience». Les synergies impliqueront des suppressions d’emplois massives. Selon des sources concordantes, plusieurs centaines de collaborateurs sont ainsi concernés.
PostFinance dégraisse aussi
Et ce n’est pas tout: PostFinance se prépare, de son côté aussi, à biffer des centaines de postes. Dans le cadre du programme «Victoria 2017-2020», la banque postale a remis son organigramme sur le métier pour déterminer, d’ici à février 2017, le nombre de collaborateurs dont elle a besoin.
La Poste indique vouloir apporter une solution responsable sur le plan social, mais les syndicats ne cachent pas leur inquiétude. «Nous ne comprenons pas que La Poste décide de supprimer autant d’emplois dans un délai si bref», relève Angela Pertinez, porte-parole de Transfair.
Syndicats au front
«Nous n’accepterons pas cette déclaration de guerre sans réagir», renchérit Yves Sancey de Syndicom, qui exige un moratoire de la fermeture des bureaux de poste. «L’unique souci de la direction de La Poste est visiblement d’externaliser, de réduire et de démanteler les prestations. Il est temps que la politique redéfinisse le service public et précise ses attentes.»
Les syndicats insistent sur l’importance de préparer le personnel à affronter le futur avec une formation adéquate. «La fermeture des bureaux touche en premier des emplois à temps partiels féminins. Pour ces employées, une délocalisation qui implique de longs trajets n’a pas de sens», souligne René Fürst, responsable du dossier chez Transfair.
Les syndicats promettent également de se battre pour limiter les licenciements, exiger, le cas échéant, des plans sociaux plus généreux que ne le prévoit la CCT et défendre les conditions de travail de ceux qui seront réaffectés à de nouvelles fonctions à l’interne.
De son côté, le conseiller national Roger Nordmann promet d’intervenir pendant la prochaine session pour tenter de limiter les dégâts. «Si on démantèle le réseau, il ne faut pas s’étonner que son chiffre d’affaires baisse rapidement!» souligne-t-il.
Working poor à La Poste
Pour les collaborateurs, les mesures feront des dégâts, même sans licenciements. «Le personnel des agences postales n’est pas soumis à la convention collective, ce qui va irrémédiablement tirer les conditions des employés de La Poste vers le bas», rappelle le président du Syndicat autonome des postiers, Olivier Cottagnoud.«Les working poor ne sont aujourd’hui pas rares à La Poste», témoigne un employé, en citant l’exemple de collègues qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts: La Poste jongle en effet habilement entre les emplois à temps partiel imposés et ceux qu’elle externalise, sans parler des contrats renégociés à la dure. Un chauffeur qui a la «chance» de pouvoir rester, car il a plus de
55 ans voit ainsi son salaire réduit de 10%.
Claire Houriet Rime
Une vie de facteur: 140 lettres à l’heure
Il en a glissé des lettres et des cartes postales dans les boîtes aux lettres, Jean-Jacques Kissling. L’ex-facteur genevois, qui a travaillé pendant 37 ans pour La Poste avant de se voir licencier, raconte avec humanité les tournées, l’introduction des courriers A et B et les objectifs de rendement flanqués de conseils «bien-être». Un texte touchant, à découvrir!
Jean-Jacques Kissling, Une vie de facteur, Editions Tuta Blu, 22.40 fr.