Quand la bande témoin passe au rose, c’est positif. Si elle reste blanche, c’est négatif. Les petites plaquettes, devenues familières quand elles indiquent une grossesse, changent également de couleur en présence de streptocoques ou de tendance aux allergies. Et tout ça, sans courir chez le médecin, grâce aux autotests vendus en pharmacie pour moins de 30 fr.
En collaboration avec l’émission CQFD (RTS-La Première), nous avons examiné trois emballages contenant le matériel pour une prise de sang et son interprétation. Nous avons ensuite discuté des résultats avec deux médecins, Jacques Cornuz, directeur de la Policlinique médicale universitaire de Lausanne, et Serge de Vallière, infectiologue dans le même établissement.
Premier écueil: aucun des tests faits au micro n’a pu être interprété, car seule la moitié de bande témoin s’est colorée. Dans les coulisses de la rédaction de Bon à Savoir, en revanche, les résultats correspondaient, grosso modo, à la réalité. Ils ont ainsi confirmé la «présence dans le sang de réactions allergiques» d’un patient souffrant du rhume des foins ou encore une couverture vaccinale insuffisante contre le tétanos, douze ans après le dernier rappel.
L’exercice n’a toutefois pas convaincu les experts, d’abord parce qu’une analyse médicale n’est jamais infaillible. Les notices indiquent du reste un taux de fiabilité supérieur à 90%, mais jamais de 100%: quand on est seul chez soi, comment savoir si on peut s’y fier? Le praticien, lui, compare toujours le résultat avec ses observations.
La charrue avant les bœufs
«Le test sur les allergies ne précise pas à quoi ce patient réagit», poursuit Jacques Cornuz. Il devra dans tous les cas consulter son médecin.
De son côté, Serge de Vallière met en doute l’utilité du test pour déterminer la protection vaccinale contre le tétanos. «La réponse n’est pas blanche ou noire. Chez l’adulte, la persistance des anticorps dépasse 20 ans. Ce résultat était donc probablement un faux négatif! Et, si le résultat est positif, on ne sait pas pour combien de temps on est protégé: un mois, une année, ou davantage?»
Quant à l’analyse du taux de fer, elle n’est justifiée qu’après avoir exploré toutes les causes de fatigue. «Le médecin tente d’abord d’établir son diagnostic sur la base de l’anamnèse et de l’examen clinique et procède, ensuite seulement, aux tests nécessaires», résume Serge de Vallière. «Quand on achète un test rapide en pharmacie, on fait le contraire!»
Pascale Ineichen, porte-parole de la pharmacie en ligne Zur Rose rétorque que «la notice du test précise explicitement qu’un diagnostic définitif ne peut être établi que par un médecin.»
Fausse sécurité
Certains kits peuvent même être dangereux. «Dans le cas du dépistage de streptocoques, un résultat négatif rassurera, peut-être à tort, un patient souffrant d’une grave angine», met en garde Jacques Cornuz. Il existe en effet d’autres bactéries qui nécessitent un traitement aux antibiotiques: si ce patient ne va pas chez le médecin alors que l’infection s’aggrave, croyant que toute cause bactérienne a été exclue par l’autotest, sa vie peut être en danger.
Dans tous les cas, il est préférable d’acheter le test dans une officine ayant pignon sur rue pour en discuter ensuite avec le pharmacien (lire encadré), une démarche généralement impossible sur internet.
A part le test de grossesse, deux examens à faire chez soi ont trouvé grâce aux yeux des spécialistes: l’analyse des selles effectuée dans le cadre du dépistage du cancer du côlon, car elle s’accompagne d’un véritable suivi (lire «Dépistage à grande échelle»). Quant au test HIV, il permet, en cas de résultat positif, d’entreprendre une thérapie et de protéger ses partenaires. Ce diagnostic, déjà commercialisé en France, n’est toutefois pas encore autorisé en Suisse.
Claire Houriet Rime
Réactions: pharmaciens rassurants
Sur le plan légal, les autotests vendus en pharmacie font partie des dispositifs de diagnostic in vitro. «Les fabricants doivent veiller eux-mêmes à respecter la directive spécifique qui règlemente la commercialisation de ces produits au niveau européen», explique Lukas Jaggi, porte-parole de Swissmedic. Celle-ci exige par exemple que les kits soient faciles à utiliser et que la lecture du résultat soit compréhensible.
Libre donc aux pharmaciens de vendre, ou pas, les autotests. «Ils sont fiables, simples d’utilisation et ne présentent pas de risque pour la santé», assure Guy Hüsler, porte-parole du groupe Galenica qui chapeaute notamment les officines Amavita et Sunstore.
Le groupe Benu tempère cet engouement. «Les autotests ne sont pas notre priorité. Nous en vendons mais nous mettons l’accent sur les services en pharmacie avec un conseil professionnel», explique la responsable opérationnelle Anne-Claude Bützberger.