«Nous nous dirigeons clairement vers la baisse qualitative d’un certain nombre de produits.» Pour Marc Treboux, chimiste cantonal à Neuchâtel, l’introduction en Suisse du principe du Cassis de Dijon (lire encadré) n’est pas favorable aux consommateurs. Les premières autorisations délivrées par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), qui permettent l’importation de denrées européennes non conformes aux prescriptions suisses, semblent lui donner raison.
Depuis le 31 août, il est ainsi possible de trouver du cidre danois sur les étalages de nos supermarchés. Le problème? Sa part d’eau peut atteindre 85%, alors qu’elle est limitée à 30% en Suisse (voir tableau). Si la différence de réglementation est énorme, elle n’en vient pas moins d’être réduite à néant. En effet, la décision fédérale – dite de portée générale – autorise désormais la distribution en Suisse de tout autre cidre satisfaisant aux normes danoises, quel que soit le producteur ou le distributeur, suisse ou étranger.
Six autres produits alimentaires ont reçu le feu vert de Berne, parmi lesquels un sirop de fruits français (dont la teneur en fruits descend jusqu’à 10%, contre 30% en Suisse), de la limonade italienne contenant de la taurine (une substance controversée et réservée en Suisse aux boissons caféinées) ou du fromage râpé allemand contenant de l’amidon à titre coagulant. Avec 25 demandes en cours d’examen auprès de l’OFSP, la liste devrait bientôt s’allonger et le mouvement s’accélérer, une fois cette première phase de test de la procédure passée.
Cette situation n’a pas l’heur de plaire aux fournisseurs suisses qui, par l’intermédiaire de l’Union suisse des paysans et de l’interprofession Fruit-Union Suisse, ont déposé des recours contre la commercialisation du cidre danois, du jambon autrichien et du fromage râpé allemand.
Des promesses à tenir
D’autre part, la baisse des prix tant promise n’accompagnera pas forcément celle, beaucoup plus probable, des standards de qualité. L’année passée, le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) estimait à quelque 2 milliards de francs le gain réalisé par les consommateurs. Aujourd’hui, les géants de la distribution refusent d’estimer les réductions de prix dont pourront bénéficier leurs clients, mais fourbissent déjà les contre-arguments, à commencer par le réétiquetage imposé de certains produits.
Monsieur Prix, pour sa part, préfère calmer le jeu: «L’observatoire des prix mis en place par le Seco rendra ses premiers résultats en 2011. Il sera alors temps de tirer le bilan de cette politique d’ouverture.» A suivre, donc!
Frank-Olivier Baechler
Pour télécharger le tableau, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
EN DÉTAIL
Le Cassis de Dijon
Le principe du Cassis de Dijon remonte à 1979. Une décision de la Cour de justice européenne autorisait alors la distribution en Allemagne de la fameuse liqueur française, bien qu’elle ne répondît pas aux normes allemandes en vigueur. En vertu de ce principe, toute marchandise légalement produite et commercialisée dans un Etat membre de l’Union européenne (UE) peut être vendue en Suisse depuis le 1er juillet, sans contrôle supplémentaire. A l’exception des médicaments, qui échappent à la législation, et des denrées alimentaires, qui nécessitent une autorisation de l’Office fédéral de la santé publique. En l’absence de doute sur le plan de la sécurité et de la protection de la santé, l’autorisation est délivrée sous la forme d’une décision de portée générale qui s’applique à toutes les denrées similaires. Jusqu’au 24 septembre, 7 demandes ont été agréées, 14 rejetées et 25 sont encore en suspens.
Détails sous www.cassis.admin.ch