Nos lecteurs étaient furieux et nous l’avaient fait savoir: il y a trois ans, presque jour pour jour, ils recevaient de la caisse maladie Assura un courrier leur apprenant que leur médecin généraliste était exclu de la liste des «premiers recours», sous prétexte qu’il s’agissait d’un spécialiste. Ils étaient donc priés soit de changer de médecin, soit de rejoindre le système d’assurance de base, avec parfois effet rétroactif, perdant du même coup un rabais pouvant aller jusqu’à 50 fr./mois (lire «Assura ne veut plus de certains généralistes»). Dépités et faute de jurisprudence en la matière, nous nous étions résignés à conclure: «Les caisses peuvent définir leurs condition comme bon leur semble…»
Or, le Tribunal fédéral a – enfin – décidé le contraire! Il vient, en effet, de publier un arrêt stipulant qu’Assura ne pouvait exclure de sa liste des «médecins de famille agréés» un praticien neuchâtelois qui avait contesté cette décision, sous prétexte que sa formation de médecine interne générale avait été complétée par une spécialisation en allergologie et immunologie. Et donc que l’art. 23.2 des conditions spéciales d’assurance, lequel précise que le médecin de famille doit être choisi «parmi tout médecin généraliste, interniste sans autre spécialisation, et pédiatre pour les enfants» pouvait être arbitraire. Tel est le cas dans l’objet jugé, puisque la caisse maladie n’a pas pu prouver, comme elle le prétendait, que le médecin pratiquait des tarifs plus élevés que les généralistes du fait de sa spécialisation.
A cet effet, Assura s’est montré d’une mauvaise foi qui n’a pas échappé aux juges. Elle a d’abord justifié sa décision sous prétexte que le médecin incriminé avait une pratique plus onéreuse que celle des médecins généralistes ou internistes sans autre spécialisation. Le tribunal arbitral a contesté cette affirmation, factures en main.
Du coup, la caisse maladie a généralisé sa justification devant la Tribunal fédéral en disant «qu’il est notoire que les prestations des médecins spécialistes sont, en moyenne, plus chères que celles des médecins généralistes, ce qui vaudrait pour l’intimée». Or, le praticien neuchâtelois a, au contraire, toujours appliqué le point tarifaire TARMED relatif à l’activité d’un médecin généraliste lorsqu’il était consulté comme médecin de famille. Et Assura n’a pas démontré le contraire. L’exclusion est donc arbitraire, comme devrait l’être, par ricochet (jurisprudence), toutes celles des médecins dans le même cas.
Plus retors
Autre jugement récent du Tribunal fédéral: une caisse maladie doit rembourser les prestations médicales même si l’assuré n’a pas consulté, comme il en avait l’obligation, son médecin de premier recours avant le traitement. C’est le CHUV qui a obtenu gain de cause dans une affaire l’opposant à un assureur refusant de payer des factures d’un patient qui ne s’était pas conformé aux règles.
Mais attention: les juges ont aussi précisé que si la caisse maladie devait payer le prestataire, elle pouvait se retourner ensuite contre l’assuré qui a violé ses obligations. Pour ce dernier, la sanction pourrait donc être très lourde!
Christian Chevrolet