Au niveau mondial, le marché des greffes capillaires est en pleine expansion avec un chiffre d’affaires global qui est passé de 2,5 milliards de dollars en 2014 à 4,1 milliards en 2016. Selon une récente estimation, environ 79 000 greffes de cheveux ont été réalisées en 2016 en Europe, dont 80% pour les hommes et 20% pour les femmes. Aucune statistique n’existe pour la Suisse.
Une opération complexe
Les transplantations capillaires ne sont pas des opérations si anodines qu’elles n’y paraissent au premier abord. D’une part elles nécessitent une certaine dextérité de la part de l’opérateur pour ne pas abîmer les racines et ainsi garantir de meilleures chances de survie aux greffons. D’autre part, il faut être doué d’un certain sens esthétique pour placer ces plantons de manière adaptée selon les cas: sens des cheveux, bordure frontale qui respecte certaines configurations en fonction de l’âge et de l’ethnicité, savoir éviter trop de régularité ou de symétrie pour renforcer un aspect naturel.
Fut ou Fue
Deux techniques se partagent actuellement le marché des transplantations capillaires. La première, plus ancienne et baptisée FUT ou «Follicular unit transplantation», consiste à prélever une bandelette de peau continue pour en disséquer des unités folliculaires composées de un à quatre cheveux. Bien que représentant toujours plus de 40% des opérations, la méthode FUT perd du terrain au profit de la méthode FUE ou «Follicular unit excision», dans laquelle les unités sont prélevées de manière ponctuelle sur une plus grande zone. La méthode FUE permet un temps de rétablissement plus court, entraîne moins de complications et permet plus de souplesse.
Dans tous les cas, une anesthésie locale est nécessaire. Le thérapeute prélève un tout petit groupe de cheveux, racines comprises, en général sur la nuque, pour les implanter dans les zones chauves. Il les place ensuite dans de petites incisions qu’il aura préalablement réalisées sur une zone dégarnie. Selon les cas, l’opération est répétée plusieurs centaines voire milliers de fois jusqu’à obtenir une densité acceptable.
En post-opératoire, des comprimés contenant un ingrédient actif qui stimule la croissance des cheveux, comme le finastéride ou une solution de minoxidil, sont généralement prescrits. Ils sont efficaces mais déclenchent des effets secondaires comme la dysfonction érectile ou la dépression. Du côté des shampooings censés stimuler la croissance des cheveux, il n'est pas scientifiquement prouvé qu’ils ont un effet.
Demander des références
Une greffe de cheveux peut durer jusqu’à 8 heures et coûter jusqu’à 10 000 fr. en Suisse. Ce tarif est très variable, mais il faut compter environ 1.50 fr. par cheveu. Des frais qui ne sont pas couverts par l'assurance maladie. Pour mettre toutes les chances de son côté avant de se lancer dans une opération aux répercussions importantes, il faut impérativement se renseigner sur la formation, l'expérience et le taux de réussite du praticien. Et lui demander des références. Il est également possible de se rendre à l’étranger pour faire baisser la facture, mais il faut être encore plus prudent pour s’assurer d’être traité par des personnes réellement compétentes.
Témoignage
Lorsqu’il avait à peine 22 ans, Philippe* s’est retrouvé avec une chevelure très clairsemée. C’est à cette époque qu’il a subi une première greffe qui lui a coûté 4500 fr. Mais le résultat n’était pas à la hauteur de ses attentes. Seuls quelques-uns des plusieurs centaines de cheveux transplantés ont survécu sur la durée. Quelques années plus tard, il a recommencé l’opération avec au bout du compte une nouvelle déception.
Dans son désarroi, Philippe s’est ensuite tourné vers un chirurgien capillaire zurichois, le Dr Conradin von Albertini, également président de la Société suisse de transplantation capillaire. «Tout s’est passé beaucoup plus vite et j’ai moins eu mal, avec un résultat bien meilleur», raconte Philippe. Le Dr von Albertini se souvient de la première visite de ce patient: «transplanter des cheveux, c’est plus que d’en prendre derrière pour en planter devant! Je traite beaucoup de personnes qui ont eu des complications lors de leur première transplantation. Beaucoup se sentent gênés et cachent leurs cheveux sous une casquette. Ils sont presque défigurés», affirme le chirurgien.
Une activité ouverte aux non-médecins
Il faut savoir que l’on trouve sur internet de nombreux thérapeutes qui, sans être médecin, pratiquent la transplantation capillaire. Ces praticiens bénéficient d’une zone grise dans la législation, cette activité n’étant pour l’instant pas considérée comme une intervention chirurgicale à part entière. L’opération est néanmoins soumise aux lois cantonales sur la santé. En règle générale, les transplantations capillaires peuvent être déléguées à des personnes professionnellement formées à cet effet si un médecin les supervise, sa présence étant requise pendant toute l’opération. Mais cette prestation n’est pas pour autant prise en charge par l’assurance maladie de base.
Nous avons rencontré quelques-uns de ces praticiens. Alberto Sandon qui est infirmier et dirige le service de transplantation capillaire de la clinique Pallas, à Olten, revendique plus de 8000 transplantations à son actif. Le médecin-chef du service de dermatologie de cette clinique, Christoph Schänzle, indique qu’un médecin est à disposition au besoin tout au long d’une opération et que la supervision médicale requise est entièrement garantie à tout moment.
Angela Lehman, assistante technique en salle d’opération et responsable du centre «Cheveux pour la vie», à Bienne, fait également partie des praticiens qui ne sont pas au bénéfice d’une formation de médecin. Elle collabore avec le Dr Daniel Knutti, qui dirige la clinique dans laquelle elle accueille ses clients. Lors des interventions, le Dr Knutti est «soit au bloc opératoire, soit en consultation, soit au bureau - et disponible à tout moment».
L'infirmière Sonja Zahner dirige quant à elle le studio cosmétique «Hair-Esthetic», à Zurich. Elle assure qu'elle ne réalise des greffes de cheveux que sous surveillance médicale: «le docteur Maria Petrus est toujours dans le cabinet.» Cette dernière nous a cependant avoué qu’elle n'est pas constamment présente dans la salle de traitement mais qu’elle vient à intervalle régulier pour contrôler le déroulement des transplantations.
Un cadre plus strict demandé
Egalement consulté par Ma Santé, le dermatologue zurichois Ralph Trüeb, collègue du Dr Albertini, estime de son côté qu’une implantation capillaire est une «intervention médicale invasive» que seuls des chirurgiens spécialisés devraient réaliser. Les deux médecins affirment même unanimement que pour traiter la perte héréditaire de cheveux, des connaissances médicales pointues en matière d'hygiène, d'anesthésie et de suivi sont indispensables.
Des voix s’élèvent depuis quelque temps pour que cette situation soit clarifiée. Car si à l’avenir les transplantations capillaires étaient considérées comme des opérations chirurgicales à part entière, elles ne pourraient plus être déléguées à des non-médecins.
*nom connu de la rédaction
Daniel Stehula / chp