«L’art-thérapie est un métier de cœur. Je la pratique depuis cinq ans, avec la conviction d’avoir trouvé ma voie.» Jean-Michel Capt dégage une douceur et une présence rassurantes. D’abord actif dans le secteur financier, ce Vaudois de 48 ans s’est ensuite orienté vers la formation d’adultes, notamment dans le domaine médico-social. L’art-thérapie est venue comme une évidence. «Déjà enfant, je m’exprimais beaucoup à travers ma créativité. Plus tard, je me suis rendu compte que j’étais connecté aux énergies des autres.»
De manière générale, l’art-thérapie consiste à utiliser divers moyens artistiques – danse, musique ou arts plastiques – en vue de renforcer la santé des patients, à la suite d’une maladie, d’une situation de crise ou lors d’une rééducation. Elle peut intervenir dans un grand nombre de pathologies comme le cancer, l’obésité, les troubles mentaux, la bipolarité, la dépression ou encore la démence. «Le travail en art-thérapie repose sur la création et la réalisation d’une production. C’est l’œuvre en train de se faire qui est prise en compte avant le résultat final. Le traitement n’a pour objectifs ni la création d’œuvres d’art à exposer ni l’interprétation de ces dernières, mais l’accompagnement et le soutien de la personne dans sa démarche d’expression et de découverte de soi. L’art-thérapie favorise la perception des sens et des processus internes à la créativité. Elle est un moyen parmi d’autres de laisser libre cours à l’expression des émotions», précise le spécialiste.
Jean-Michel Capt exerce son activité en milieu palliatif, dans le cadre de séances individuelles de durée variable – généralement entre 45 et 60 minutes. «Le résultat des séances est celui d’un processus de création très intime et personnel, à l’image des confidences que l’on ferait à son psychothérapeute. Il ne se partage pas facilement.» Chaque séance s’assortit d’un but thérapeutique. «Dans un premier temps, le travail se fait souvent sur les émotions négatives liées à la maladie, qu’il s’agisse d’angoisse, de colère ou d’injustice.» Fait important, l’art-thérapie est toujours intégrée de manière complémentaire à une approche médicale plus globale. Ceux qui la pratiquent collaborent le plus souvent au sein d’une équipe pluridisciplinaire comportant notamment médecins, infirmières, aumôniers, psychologues et bénévoles.
Depuis 2011, la profession d’art-thérapeute est reconnue en Suisse par un titre protégé, qui s’obtient après une formation modulaire de trois ans en cours d’emploi. Les prétendants au diplôme fédéral doivent disposer d’un diplôme universitaire ou d’une Haute école spécialisée et justifier d’une pratique artistique et d’au moins trois ans d’expérience professionnelle.
Témoignage: «Communiquer, c’est apprivoiser»
«Je ne suis pas une artiste dans l’âme, mais la puissance de ces outils m’a vraiment surprise.» Anne-Marie*, la cinquantaine, n’avait fait qu’une seule autre expérience de l’art-thérapie. C’était il y a près de trente ans, dans le cadre d’une hospitalisation. Aujourd’hui atteinte d’un cancer, la Gruérienne séjourne à l’unité de soins palliatifs de l’hôpital fribourgeois (HFR), à Villars-sur-Glâne, en vue d’un retour à domicile. Elle a décidé de se lancer. «Je ne pensais pas en être capable, je me dévalorisais. Les infirmières m’ont encouragée.»
Les effets positifs se sont très vite fait sentir. «En seulement dix minutes, à partir de rien, j’ai pu dessiner mon angoisse et la visualiser. C’est difficile à exprimer, mais ça m’a beaucoup aidée. Les crises ne sont pas revenues.» Un autre dessin, guidé par l’inconscient, a pris la forme d’une femme élégante. «Comme pour me signifier que je suis aussi cette personne-là, que je suis plus que la maladie.»
La valeur de l’accompagnement
Puis le travail des mains s’est substitué à celui des crayons. «Modeler la terre m’a permis de représenter cette maladie insidieuse, qu’on ne voit pas. En matérialisant mes métastases, je suis parvenue à créer un lien avec elles. Une séance d’écriture, très instinctive, a alors rendu la communication possible. Et communiquer, c’est aussi apprivoiser. Toutes les maladies veulent nous dire quelque chose.»
Au fil de ces trois séances d’environ une heure, le rôle central joué par l’art-thérapeute n’a pas échappé à Anne-Marie: «Jean-Michel voit tout. Le support créatif est une chose, mais il faut quelqu’un qui mette en confiance, qui accueille, qui guide. Avec le respect et la distance nécessaires. L’accompagnement est primordial.»
*Prénom d’emprunt