Décrypter une facture médicale revient souvent à tomber dans des abîmes de perplexité. Particulièrement pour les plus de 75 ans. Un lecteur genevois de Ma Santé nous a fait part de sa surprise: son épouse, âgée de 81 ans, s’est rendue dans un cabinet pour une infiltration destinée à soulager des douleurs d’arthrose. A la réception de la facture, il découvre plusieurs positions tarifaires assorties de la mention «pour les enfants de moins de 6 ans et pour les personnes au-dessus de 75 ans». De quoi faire tiquer le couple, qui s’estime discriminé.
Pas de discrimination
Dans le détail, trois des huit prestations sont libellées de la sorte: une consultation additionnelle, un entretien d’information avant une intervention thérapeutique et l’instruction par le spécialiste pour apprendre à effectuer soi-même des soins (voir l’illustration). Soit 35 minutes sur plus d’une heure de prise en charge, facturée 219.15 fr. Notre lecteur, qui a sorti sa calculette, conclut que 125.05 fr. (soit 42,9% de la facture totale) couvrent des prestations pour «personnes au-dessus de 75 ans». S’agit-il d’une discrimination? En réalité, cette pratique est loin d’être une «taxe vieillesse». Le sentiment qu’elle inspire relève avant tout d’un malentendu.
La distinction de deux catégories de patients, les 6-75 ans et les «moins de 6 ans et plus de 75 ans», part d’une bonne intention. En 2018, la structure tarifaire Tarmed a été adaptée pour limiter les abus. Parmi les mesures: une limitation de la consultation de base à 20 minutes au maximum. Exception faite des fameux «moins de 6 ans et au-dessus de 75 ans» pour lesquels la consultation de base peut durer jusqu’à 30 minutes. Avec ces patients-là, les médecins peuvent ajouter des tranches de temps supplémentaire pour chaque prestation médicale. En d’autres termes, les plus jeunes et les plus âgés bénéficient d’une certaine souplesse face à ces restrictions, car ils appartiennent à des populations considérées comme plus vulnérables.
Gonfler la facture
Mal comprise, cette disposition fait bondir certains seniors en pleine possession de leurs moyens qui y voient non seulement une façon de les infantiliser, mais aussi de gonfler leur facture. Dans les faits, la valeur du point Tarmed – qui est cantonale – reste identique peu importe l’âge du patient. En revanche, comme le temps que les médecins ont la possibilité d’accorder à ceux qui ont franchi la barre des 75 ans est plus long, les factures sont potentiellement plus lourdes.
«La modification intervenue dans le Tarmed laisse une marge de manœuvre au médecin, et c’est tant mieux. Mais celui-ci n’est pas obligé d’utiliser ce temps supplémentaire si ce n’est pas nécessaire», précise Brigitte Kohler, consultante en assurances sociales auprès de la Fédération Suisse des Patients (FSP). Pour elle, le risque existe que cette souplesse accordée aux praticiens les incite à ajouter des prestations supplémentaires qui n’ont pas lieu d’être. Les factures doivent refléter exactement l’activité du médecin.
Geneviève Comby
Vérifier sa facture
Comment s’assurer que des actes médicaux facturés correspondent bien à ce qui a été réalisé? Les caisses maladie contrôlent peu les factures dont les montants sont bas, cela engendrerait des coûts administratifs disproportionnés. C’est donc aux patients d’être attentifs. Particulièrement après 75 ans.
- En cas de doute, la Fédération Suisse des Patients recommande de contacter son médecin et de faire part de son incompréhension. Une démarche qui n’est pas toujours évidente au vu de la relation de confiance qui doit prévaloir, admet Brigitte Kohler, de la FSP. Pas évident non plus de décortiquer le contenu de sa facture pour le patient lambda peu familier du jargon de la structure tarifaire Tarmed.
- La Fédération Suisse des Patients organise régulièrement des cours pour décrypter les factures. Ses adhérents peuvent solliciter un conseil personnalisé et/ou un contrôle de facture. La cotisation s’élève à 60 fr. par an, 30 fr. pour les retraités.