C’est un des médicaments les plus célèbres au monde. Il y a vingt-cinq ans, le Viagra débarquait dans les pharmacies. A côté de cette pilule bleue, on trouve désormais plusieurs médicaments destinés à lutter contre les troubles de l’érection. Pour autant, le tabou autour des problèmes de virilité reste fort. De même que la tentation d’y remédier par des moyens plus ou moins efficaces. A ses risques et périls.
Les troubles de l’érection ont un impact sur la vie intime, mais ils correspondent aussi parfois aux signes avant-coureurs d’un problème de santé. D’où l’importance d’en parler. Un médecin généraliste peut établir un premier bilan et, dans les cas ne présentant pas de gravité particulière, prescrire un traitement, comme le fameux Viagra. Il peut aussi rediriger son patient vers un spécialiste. «Un certain nombre des hommes que je reçois viennent directement chez moi, parce qu’ils ne se sentent pas à l’aise d’en parler avec leur médecin traitant ou n’ont simplement pas de généraliste», indique Laurent Vaucher, urologue à la clinique de Genolier.
Panne sans gravité ou dysfonction préoccupante, les troubles érectiles sont extrêmement répandus. Ils concernent environ 20% des hommes à 30 ans, 30% des hommes à 40 ans, 40% à 50 ans, etc. L’avancée en âge est la grande cause d’une dysfonction érectile, mais elle n’est pas la seule.
A la quarantaine, un autre élément vient jouer les trouble-fête: la taille de la prostate augmente. Ce qui a pour effet de diminuer la production d’une enzyme impliquée dans le mécanisme de l’érection.
Hygiène de vie
L’embonpoint fait baisser la testostérone
Bouger, manger équilibré, renoncer à fumer… Autant de conseils à ne pas prendre à la légère. Une mauvaise hygiène de vie peut favoriser les troubles de l’érection. Le surpoids est particulièrement pointé du doigt. La testostérone se dégrade naturellement en œstrogène dans la graisse. Perdre du poids contribue donc à augmenter le taux de testostérone. Si cette hormone a relativement peu d’effet direct sur l’érection, elle en a sur la libido et sur la fonction éjaculatoire. Une perte de poids, tout comme l’exercice physique, aura, par ailleurs, un effet positif sur le flux vasculaire, important dans le mécanisme de l’érection.
L’arrêt du tabac, quant à lui, entraîne très rapidement une augmentation du flux artériel dans la verge. Des études l’ont mesuré. En revanche, pour que l’ancien fumeur – en bonne santé – remarque une amélioration de sa fonction érectile, il faudra compter quelques mois.
Compléments alimentaires
Inutiles, chers et parfois risqués
Labellisés «pour hommes», «man active», certains compléments alimentaires ciblent les hommes avec l’objectif assumé de doper leur virilité. Ces produits contiennent des vitamines, des minéraux, voire des extraits de plantes. On y trouve du ginseng, de la caféine ou des vitamines D et B6. Mais aussi du zinc (volontiers mis en avant pour son action sur le maintien du taux de testostérone), ou du sélénium (censé favoriser la formation de spermatozoïdes). Problème: ces compléments coûtent souvent cher et leur utilité est très contestable. «Grâce à une alimentation équilibrée, la plupart des hommes ne sont pas carencés en vitamines et en minéraux», précise David Fäh, spécialiste en médecine préventive à la Haute école de santé de Berne. Selon lui, il n’existe aucune preuve scientifique que ces gélules améliorent les performances sexuelles.
L’organisation allemande de consommateurs Stiftung Wahrentest, qui a fait analyser ce type de compléments, arrive à la conclusion qu’ils sont non seulement superflus, mais potentiellement dangereux. Certains contiennent trop de vitamines par rapport aux doses quotidiennes recommandées. Or, une surdose risque d’endommager certains organes, voire de favoriser la survenue de cancers.
Stimulants achetés sur Internet
Un homme hospitalisé d’urgence
Les médicaments contre les troubles de l’érection de type Viagra ou Cialis ne sont pas bon marché, ils ne sont pas remboursés par l’assurance maladie et s’obtiennent sur une ordonnance médicale. De quoi pousser certains à s’en procurer par d’autres moyens, sur Internet notamment. Malgré les mises en garde, les stimulants de l’érection restent les médicaments qui font l’objet du plus grand nombre d’importations illégales en Suisse – et de loin!, rappelait encore récemment Swissmedic. L’Institut suisse des produits thérapeutiques a rendu public le cas d’un homme admis aux urgences, début 2023, pour une érection prolongée, des spasmes dans les jambes et des douleurs dorsales. Il avait avalé un produit acheté illégalement. L’analyse a révélé que la prise de deux comprimés correspondait à une dose de principe actif bien supérieure à la dose maximale recommandée. Ce type de surdosage est d’autant plus dangereux qu’il s’agit de substances qui se dégradent lentement dans l’organisme. Ces produits acquis sous le manteau peuvent contenir toutes sortes de molécules, parfois toxiques et dangereuses.
Substituts de testostérone
Seulement en cas de déficit
Gel, patchs, injections... Il existe plusieurs moyens de booster sa testostérone. Pourtant, renforcer cette hormone volontiers associée à la virilité n’est pas forcément la démarche appropriée en cas de trouble de l’érection. «La testostérone a un effet important sur la libido et sur la fonction éjaculatoire, plus indirectement sur la fonction érectile», précise l’urologue Laurent Vaucher.
Avant de prescrire une substitution de testostérone, le spécialiste procède à un dosage de cette hormone par le biais d’un examen sanguin. Cet examen établira si la personne est, ou non, en déficit de testostérone. Il peut être envisagé en cas d’échec des médicaments de première ligne, comme le Viagra, ou lorsque la dysfonction érectile est associée à un trouble de la libido, voire à un problème d’éjaculation.
Naturellement et progressivement, le taux de testostérone diminue avec l’âge. Cette baisse ne signifie pas insuffisance. Quand le taux de testostérone est réellement déficitaire, autrement dit inférieur à la normale, et qu’il est accompagné de symptômes, la substitution présente un intérêt. Certains hommes, bien que déficitaires, n’en souffrent pas. A noter, encore, que le surpoids est la première cause de déficit en testostérone. Bien avant l’âge.
Traitements
Cialis, Levitra, Viagra, et cætera
Dans les traitements de première intention contre la dysfonction érectile, plusieurs médicaments se partagent le marché. Ce sont les IPDE5 (pour inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5), développés dans le sillage du Viagra. Il existe plusieurs substances actives, sous forme de comprimés à avaler. «Il n’y en a pas une qui est meilleure que l’autre, prévient Laurent Vaucher. Toutes ont le même effet en termes d’intensité de l’érection.» La différence? Elles agissent plus ou moins rapidement et plus ou moins longtemps.
- Le Sildenafil (Viagra) agit 30 minutes à une heure après la prise et pendant environ 6 heures. «Son efficacité est particulièrement bonne s’il est pris à jeun, c’est-à-dire 30 minutes avant un repas, ou deux heures après», précise l’urologue.
- Le Vardenafil (Levitra) agit de la même manière que le Sildénafil.
- Le Cialis (Tadalafil) agit dans l’heure qui suit la prise, mais durant 36 heures. Ce qui ne signifie pas une érection de 36 heures, mais la possibilité d’en avoir durant ce laps de temps.
Ces médicaments rendent possible une érection pour autant qu’il y ait une stimulation érotique. Cette stimulation va libérer de l’oxyde nitrique et, par ricochet, permettre l’afflux de sang dans la verge.
Une prise «à la demande» ou en continu est donc possible, selon la substance. Le Cialis/Tadalafil, qui agit plus longtemps, peut être pris en continu, à raison d’une pilule faiblement dosée chaque jour. «C’est le traitement que je prescris le plus, surtout à des patients jeunes avec une dysfonction érectile légère. Cela leur permet de reprendre confiance. Après quelque temps, on peut diminuer la posologie: tous les deux jours, puis tous les trois jours. Et, si ça marche, c’est qu’il n’y en a plus besoin.»
A noter que ces médicaments ne sont pas sans effets secondaires. Parmi les plus fréquents: maux de tête, rougeurs, congestion nasale, vertige, altérations de la vision. Tous les IPDE5 sont délivrés sur ordonnance, mais ne sont pas remboursés. Ils coûtent relativement cher. La pilule de Viagra revient en moyenne à 20 fr. pièce, contre environ moitié prix pour un générique (sildénafil). Quant à leur efficacité, elle dépend de la gravité du problème. Ils fonctionnent bien dans les cas de dysfonction légère à modérée, moins bien dans les cas de dysfonction sévère associée à plusieurs facteurs de risque (diabète, surpoids, etc.).
En cas d’échec, des injections de prostaglandine sont proposées. Il s’agit de piqûres à s’auto-administrer directement dans le pénis avant un rapport sexuel. C’est le seul traitement contre les troubles de l’érection qui est remboursé par l’assurance maladie.