Les magazines d’information et de défense des consommateurs (dont Bon à Savoir en Suisse romande), à l’origine de l’initiative, prennent acte du résultat de la votation de dimanche, mais le considèrent comme une étape vers une réelle prise en compte des attentes des consommateurs pour un service public fort. Si l’initiative a été rejetée, les problèmes qu’elle a soulevés demeurent: baisse des prestations, augmentation constante des prix, course aux profits, impôts déguisés, absence de transparence, salaires démesurés des hauts dirigeants et salariés sous pression.
Près de 780 000 citoyens (32,4%) ont indiqué vouloir un changement en votant OUI contre l’avis unanime des parlementaires et du Conseil fédéral. Voilà qui révèle une discordance entre la classe politique et la population.
Désinformation
Donnée gagnante à 58% par les premiers sondages, l’initiative a fait face à une campagne de désinformation massive des politiciens, des entreprises visées, de l’économie et des médias, privant les citoyens d’une vision claire et neutre des réels enjeux.
Ainsi, les opposants ont affirmé, à tort, que l’initiative interdisait les bénéfices, de même que les subventionnements croisés au sein des entreprises. Une lecture volontairement partielle du texte, pourtant très clair, a désorienté les citoyens.
Sur le plafonnement des salaires des dirigeants, c’est tout le contraire. Les opposants se sont accrochés au texte, sans entendre le discours toujours très clair des initiants ne visant que les revenus excédant celui d’un conseillé fédéral (475 000 fr.). Or, en cas de doute sur l’interprétation du texte d’une initiative, la jurisprudence considère que seuls les propos des initiants font foi.
Entreprises trop impliquées
De leur côté, les entreprises ciblées par l’initiative ont usé de méthodes plus que discutables. La Poste a ainsi adressé son magazine à plus de 2 millions de foyers en Suisses, titrant en première page que l’initiative «risque d’affaiblir le service universel qu’elle entend renforcer». A l’intérieur, quatre pages d’argumentation unilatérale. Andreas Glaser, professeur de droit public à l'Université de Zurich, estime à ce propos que «la liberté de vote a été violée».
Réaction similaire de Pascal Mahon, professeur de droit constitutionnel à l’Université de Neuchâtel, interpellé sur les missives adressées par les CFF et La Poste à leurs collaborateurs en les enjoignant à voter contre. Selon la Constitution fédérale, les citoyens doivent pouvoir se forger librement une opinion. Dans ce contexte, les autorités doivent faire preuve de retenue avant un scrutin. «Ces règles s’appliquent également aux entreprises qui assument une tâche publique, telles que les CFF ou La Poste», estime le Neuchâtelois.
Rôle des médias
Le positionnement des médias est également à relever. L'Institut de recherche fög de l'Université de Zurich a évalué la tonalité positive ou négative des articles publiés sur les différents objets soumis au peuple ce dimanche, en tenant compte de leur nombre. Sur les 22 journaux évalués, 17 ont eu une tonalité jugée «négative» sur cet objet précis, 4 «neutre» et 1 «positif». En Suisse romande, seuls sept titres ont été évalués. L’Hebdo se distingue par son traitement jugé «neutre», alors que Le Matin dimanche se place sur la seconde marche du podium des titres ayant eu une approche «négative» et cela à l’échelle nationale.
L’avenir
Quelques parlementaires se sont saisis des revendications de l’initiative peu avant la votation, certains après. Des interventions parlementaires ont déjà eu lieu. Le parti socialiste s’est engagé à reprendre le débat et le syndicat Syndicom dans un communiqué titré «La discussion sur le service public continue» a fait une volte-face aujourd'hui en indiquant que «les personnes qui ont rejeté l’initiative voulaient assurer la qualité du service public; celles qui l’ont acceptée espéraient son amélioration» (sic!)
Ces signaux sont bons et leurs effets doivent être suivis de près, surtout dans l'actuelle Chambre basse bien ancrée à droite. C'est ce que nous ferons tout au long des mois à venir, confirmant ainsi notre rôle d’observateurs neutres et critiques, plaçant au cœur de nos actions le seul intérêt des consommateurs.
Zeynep Ersan Berdoz