Une hausse moyenne de 1,2% des primes d’assurance maladie pour 2019. Les plus optimistes – ou naïfs – ont applaudi cette annonce qui tranche avec les douloureuses augmentations des années passées. Pourtant, avant même de se pencher sur la situation financière du système de santé, la première désillusion tombe: l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a changé sa manière de calculer.
Comparaison faussée
L’ancienne méthode se basait sur la prime standard, soit celle que paie un adulte avec une franchise à 300 fr. La nouvelle mouture établit une prime moyenne en tenant compte des classes d’âge, des franchises à option et des différents modèles. Ce réajustement permet ainsi d’avoir un meilleur reflet de la réalité. Mais il fausse la comparaison avec les années précédentes. Or, en s’appuyant sur l’ancienne formule, l’augmentation des primes en 2019 ne sera pas de 1,2%, mais de 2,7% à l’échelle nationale...
Sur cette même base, les cantons subiront des hausses plus marquées que ce que les chiffres officiels annoncent, que ce soit Berne (+2,6%), Fribourg (+2,5%), Genève (+2,4%), Neuchâtel (+4,7%), Vaud (+2,8%), le Valais (+4,4%) ou le Jura (+3,2%). Autant dire que la nouvelle méthode de calcul embellit la situation, bien que ce ne soit pas son objectif.
Une dérive désastreuse
Comme nous l’écrivions dans notre dernière édition (lire «Assurance maladie: les Suisses ont trop payé en 2017» sur bonasavoir.ch), les caisses ont encaissé près de 640 millions de trop en 2017 par rapport aux prestations qu’elles ont payées. On pouvait donc espérer que l’OFSP tape du poing sur la table et que la population bénéficie d’une compensation sur les primes 2019. D’autant que l’exercice 2018 risque, lui aussi, de sourire aux assureurs qui en profiteront, une fois encore, pour gonfler leurs réserves excédentaires. Des réserves qui dépassaient, en 2016 déjà, de plus de 2 milliards le minimum légal.
Cette situation chaotique ne date pas d’aujourd’hui. Il suffit de disséquer les chiffres officiels de l’OFSP pour réaliser que les primes ont davantage augmenté que les coûts de la santé (lire encadré). Un constat implacable lorsqu’on observe l’évolution des deux courbes entre 1996 et 2016 (voir graphique). En ramenant les valeurs de l’exercice 1996 à un indice de 100, on remarque que les primes ont été multipliées par 2,47 en l’espace de vingt ans, alors que les coûts de la santé ont subi un facteur de 2,18 seulement. Cherchez l’erreur!
Qu’on le veuille ou non, ces aberrations reflètent les dysfonctionnements du système actuel. Et les dindons de cette mauvaise farce sont toujours les mêmes: les assurés. Ce n’est donc pas par idéologie, mais par pragmatisme que Bon à Savoir soutient l’initiative «Pour une liberté d’organisation des cantons». Initiative qui, on le rappelle, donnerait la possibilité aux cantons qui le souhaitent de créer une institution cantonale d’assurance maladie. Ce serait notamment la fin des réserves excédentaires, puisqu’elles seraient mutualisées. Plus d’infos sur primesplusjustes.ch.
Yves-Noël Grin
Décryptage
Des courbes parlantes
Sur la base d’une prime moyenne, le graphique ci-contre montre que les dépenses des assureurs ont été sensiblement moins élevées que les primes qu’ils ont encaissées. En effet, les coûts de la santé ont bondi de 464 fr. par habitant en 1996 à 803 fr. en 2016. La part prise en charge par l’assurance obligatoire des soins (AOS) a elle aussi augmenté, passant de 28,3% à 35,6%. Les caisses maladie devaient donc assumer 131 fr. par habitant en 1996 et 286 fr. en 2016. En prenant les 131 fr. de 1996 comme indice de référence (100), les 286 fr. de 2016 correspondent à un indice de 218. Par conséquent, les dépenses des assureurs ont augmenté de 118%. Simultanément, la prime moyenne des assurés s’est envolée de 173 fr. en 1996 à 428 fr. en 2016. En prenant les 173 fr. comme indice de référence (100), ces 428 fr. de 2016 donnent un indice de 247. Corollaire: les recettes des assureurs ont grimpé de 147%!