Qui a encore le temps d’être malade? Quand ça tousse, que ça crache ou que ça fait mal, on court chez le médecin pour être sur pied au plus tôt: une ordonnance musclée réglera vite le problème.
Mais gare aux faux espoirs! Nonante ans après l’invention de la pénicilline, l’utilisation des antibiotiques est remise en cause. Au fil du temps, certaines bactéries sont devenues résistantes aux traitements courants (lire encadré). Selon les cas, le médecin se contentera désormais de prescrire… du repos!
Virus ou bactérie?
Seuls 10% des antibiotiques sont absorbés à l’hôpital, l’immense majorité étant administrée lors de traitements ambulatoires. D’où l’importance, pour les patients, de comprendre les enjeux des prescriptions.
Selon un sondage réalisé par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), 80% des Suisses savent que les antibiotiques sont inutiles pour lutter contre la grippe ou un gros rhume, tous deux d’origine virale. Ce qui ne les empêche pas d’y recourir, puisque 22% des sondés (et même 30% des 15-24 ans) ont déclaré en avoir pris au cours des 12 derniers mois. Et ce pourcentage ne tient pas compte des enfants de moins de 15 ans!
Les antibiotiques agissent sur les bactéries en les tuant ou en bloquant leur croissance. Il en existe plusieurs familles, chacune ayant une action spécifique. Pour prescrire le traitement adéquat, le médecin déterminera de quel type d’infection il s’agit.
Les infections des voies respiratoires représentent la moitié des prescriptions. «Le médecin commence toujours par une anamnèse et un examen clinique», explique Noémie Boillat Blanco, cheffe de clinique en infectiologie au CHUV. Selon les symptômes, il fera des examens complémentaires.
Bronches et poumons
Dans l’immense majorité des cas (95%), une grosse toux persistante ne justifie pas un traitement antibiotique, sauf si les poumons sont atteints. Lors d’une infection des voies respiratoires inférieures, le praticien doit identifier une éventuelle pneumonie. L’examen clinique sera suivi, si nécessaire, d’une radiographie du thorax.
Celle-ci est indiquée si, en plus de la toux, le patient présente un des troubles suivants:
⇨ fièvre depuis plus de 5 jours;
⇨ respiration difficile;
⇨ respiration trop rapide;
⇨ bruits anormaux à l’auscultation du médecin.
Sur le cliché, la présence d’une tache blanche (on parle d’infiltrat), confirmera le diagnostic de pneumonie: il faut alors prendre des antibiotiques. Dans le cas contraire, il s’agit d’une bronchite et ce n’est pas nécessaire.
Il y a angine et angine
La présence simultanée de trois critères parmi ces quatre justifie de faire un frottis de gorge:
⇨ absence de toux;
⇨ fièvre;
⇨ dépôts blanchâtres sur les amygdales;
⇨ ganglions cervicaux douloureux.
Si l’examen confirme la présence d’un streptocoque, le médecin peut décider de laisser les anticorps combattre la maladie sans aide extérieure ou envisager un traitement aux antibiotiques. Ceux-ci ne raccourcissent en effet la durée de la maladie que de deux jours et les complications sont très rares.
La sinusite
Une bonne fièvre, des écoulements nasaux purulents et des douleurs persistantes au visage pendant plusieurs jours laissent suspecter une sinusite bactérienne. Autre scénario: après s’être atténués, ces symptômes reprennent de plus belle, signe qu’une bactérie est venue s’ajouter au virus.
Dans ces deux cas, le médecin peut prescrire des antibiotiques, mais ce n’est pas indispensable. La radiographie n’est plus justifiée pour les sinusites.
L’otite des petits
Les enfants entre trois mois et deux ans ont le triste privilège d’être la proie préférée de l’otite bactérienne, qui se manifeste par une forte fièvre, des douleurs bilatérales et le fait que les deux tympans sont rouges et gonflés. Pas d’hésitation: le petit patient doit suivre un traitement antibiotique. Chez les adultes, l’otite est très rare et l’antibiothérapie n’est indiquée que si elle est perforée (écoulement de pus par l’oreille).
Une maladie si féminine
Les infections urinaires concernent principalement les femmes. Les cystites justifient, à elles seules, le quart des prescriptions antibiotiques ambulatoires. Elles se manifestent par des brûlures en urinant et par un besoin fréquent d’aller aux toilettes. Une analyse sera nécessaire pour détecter la présence de globules blancs dans l’urine, qui confirmera le diagnostic: la prescription d’antibiotiques s’impose.
La bonne dose
Selon sa composition, le médicament doit être pris avant ou après les repas: on respectera cette indication et la posologie. «En cas d’oubli, il faut prendre le comprimé dès que possible, ajoute Catherine Plüss-Suard, pharmacienne au CHUV. En revanche, ne pas doubler la dose du soir si on n’a pas pu les prendre à midi.»
La durée de la prescription a nettement diminué (Lire Cinq à sept jours suffisent). Si la fièvre et les symptômes aigus persistent au-delà de 48h, on consultera son médecin. Attention: une bronchite ou une pneumonie sont longues à guérir et il est normal que la toux et la faiblesse persistent pendant trois à quatre semaines.
A la fin du traitement, les comprimés seront rapportés à la pharmacie et non pas conservés «au cas où». L’automédication est déconseillée, car chaque maladie nécessite un traitement adéquat.
Claire Houriet Rime
Lire le bonus web: la résistance s’organise
Eclairage: Combattre l’antibiorésistance
Un organisme sain fonctionne comme un écosystème. L’antibiotique perturbe cet équilibre et certaines bactéries développent des gènes résistants pour s’en protéger, en produisant par exemple un enzyme qui le désactive: le médicament perd alors toute efficacité.
Les infections dues à des bactéries résistantes font chaque année quelque 25 000 morts en Europe et 23 000 aux Etats-Unis. La Suisse n’est pas en reste avec 276 décès en 2015. Plus de 25% des pneumocoques (Streptococcus pneumoniae) recensés dans le monde sont ainsi insensibles à la pénicilline.
La Suisse a lancé en 2015 la Stratégie nationale Antibiorésistance («StAR») qui vise à promouvoir l’usage des antibiotiques à bon escient dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire, ainsi que dans l’environnement.
La lutte contre l’utilisation excessive et inappropriée d’antibiotiques, par exemple, pour traiter des maladies virales, s’inscrit dans cette logique. Des efforts sont aussi faits du côté de la prévention, en encourageant par exemple la lutte contre le tabagisme passif ou la vaccination contre le pneumocoque.