Qu’est-ce qui a changé depuis 2011 et 2012, où le démarchage téléphonique de la société Suissephone indignait de nombreux médias interpellés par leur lecteurs, les auditeurs et les téléspectateurs? Visiblement, rien! Les récents témoignages que nous avons reçus démontrent, en effet, que la façon de faire reste la même.
L’enregistrement que nous mettons en ligne* le prouve: Suissephone continue de jouer – même si elle s’en défend – avec la ressemblance acoustique de son nom et celui de Swisscom pour imposer un contrat à son interlocuteur complètement désemparé.
Pourtant si: quelque chose a changé! Il y a trois ou quatre ans, alors que nous dénoncions déjà le procédé, Suissephone avait l’intelligence de jouer profil bas et d’accepter la résiliation du contrat de nos lecteurs sans frais administratifs. Aujourd’hui, elle préfère jouer l’intransigeance et refuse toute concession.
349 fr. pour avoir la paix
On est donc loin du cri de victoire que poussait le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) le 1er juin dernier, quand il annonçait l’accord passé devant le Tribunal de commerce du canton de Zurich. Suissephone s’y est, notamment, engagée à toujours se présenter sous l’appellation de «Suissephone Communication» dans ses démarchages téléphoniques. Or, tel n’est pas le cas dans l’enregistrement que nous avons mis en ligne. Certes, il a été fait deux mois avant l’annonce de la décision, mais, en faisant cette concession, Suissephone a admis tacitement qu’elle induisait, au préalable, l’interlocuteur en erreur. Donc, le moins qu’on puisse attendre d’elle, c’est qu’elle accepte, comme le demande nos lecteurs, de résilier leur contrat sans payer une taxe forfaitaire de 349 fr.
Au contraire, la société campe sur ses positions. Et, quand nous nous plaignons de la mauvaise qualité de l’enregistrement qu’elle nous a fourni – la voix du courtier s’entend très mal, alors que celle du futur client s’entend très bien – elle nous affirme que c’est l’Ofcom et Swissom qui lui imposent une société tierce et qu’elle n’y est pour rien. Faux! réplique Christian Neuhaus, porte-parole de Swisscom: «Il n’incombe ni à l’Ofcom ni à Swisscom de désigner l’organe TPV, ce que Suissephone sait pertinemment.» L’Ofcom confirme: «Nous n’intervenons que s’il existe un soupçon que l’organisme chargé de l’enregistrement n’est pas neutre ou indépendant.»
Arracher le «oui»
En tendant bien l’oreille, on entend toutefois le courtier lire son texte à un rythme effréné, ne laissant aucun répit à son interlocuteur qui ne comprend rien à ce qui lui arrive. «Vous êtes toujours chez Swisscom?» demande-t-il en guise de préambule. Mais à aucun moment, il ne dit clairement qu’il propose, en fait, un nouveau contrat.
C’est une voix de synthèse qui s’en charge à un moment donné, la même qui demande à l’interlocuteur de donner quelques informations et le «oui» fatidique. C’est elle aussi qui précise, au passage que «nous ne sommes pas Swisscom». Mais impossible de demander alors des précisions, puisque c’est une machine qui parle… Et aussitôt cette séquence terminée, le courtier reprend en appelant pas moins de sept fois notre lecteur – qui répond seulement «Comment?» – avant de lire à toute vitesse la fin de son texte et de mettre un terme à la conversation sans lui laisser la moindre chance de reprendre la parole.
«Bon à Savoir» menacé
Edifiant! Mais Suissephone ne doute de rien, puisqu’elle nous écrit qu’elle est certaine que nous ne pourrons faire autrement que d’admettre la qualité de son travail en écoutant cet enregistrement! Juste avant de nous menacer de porter plainte contre notre magazine si nous osons écrire que tel n’est pas le cas.
Le problème, c’est que, si le procédé fait l’unanimité contre lui, personne ne semble pouvoir l’arrêter. «Nous constatons, nous aussi, une forte augmentation du nombre de différends portant sur des prestations non demandées par les clients et sur des cas de démarchage à domicile, confirme l’ombudscom. Mais nous n’avons pas la compétence de prendre des mesures abstraites pour interdire ces agissements.» Or, Swisscom nous écrit être «dans l’impossibilité de venir en aide à nos clients, qui doivent s’adresser à l’ombudscom lorsqu’ils rencontrent des problèmes avec nos concurrents.» Et le Seco a préféré mettre un terme à l’action menée contre Suissephone en justice, en contrepartie des concessions évoquées plus haut. «Mais il est clair que, si nous devions constater qu’elles ne sont pas respectées, nous irons devant le juge d’exécution», prévient Philippe Barman, avocat au secteur droit. Dans l'intervalle, les juristes de Bon à Savoir recommandent aux personnes ainsi trompées de résilier leur contrat en utilisant la lettre-type à télécharger sur bonasavoir.ch.
Christian Chevrolet
*Bonus web:
• Enregistrement audio du démarchage sur bonasavoir.ch
• Lettre-type de résiliation à télécharger, à compléter puis à envoyer à Suissephone.